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aufterité crue, comme aux prunelles, aux neffles, aux coins. Et fi l'on ne veut contredire l'experience, il faut avouer que le vitriol n'eft pas feul caufe de la noirceur, & que les fels des corps naturels y contribuent beaucoup auffi. C'eft ce que l'on peut apprendre des teinturiers qui rehauffent ou qui affoibliffent leurs couleurs avec des fels. Les décoctions des fimples qui portent leur couleur font infipides & foibles, tant que l'on n'y mêle point d'alum ou d'autres fels. C'eft ce qui fe remarque encore mieux dans les operations chymiques. Le cinnabre devient rouge par l'exhalaifon acide du fouffre, & fans cela il feroit d'un blanc de neige. L'efprit de fel jetté fur du papier. bleu fait un beau rouge. Le tartre ou le vitriol fur une infufion de violettes produit un beau cramoifi. Et c'eft une chofe admirable que de voir les differentes couleurs que produit l'efprit de nitre, furtout lorfqu'il eft contenu dans un verre, & qu'il en pénétre les côtés. Ce font des verds de toute efpece, & tels qu'une cause semblable en produit dans les plantes.

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C'eft fuivant toutes les apparences de ces mêmes irradiations ou projections falines que naît cette merveilleufe diverfité de couleurs dans les animaux, comme dans les plumes de paon &c. couleurs qui varient encore felon qu'elles font diver

fement expofées à la lumiere. C'eft ainfi que le nitre, le fel armoniac & l'efprit des mineraux produisent une infinité de belles couleurs, & que l'eau forte mife dans un verre étroit par le haut, & verd répand fur fes bords un bleu foncé.

Nous finirons ici nos conjectures fur une matiere auffi difficile. Si nous n'avons pas faifi le vrai, nous avons du moins rencontré la vraisemblance; & peut-être avons-nous jetté fur notre route des fleurs qui ont leur prix.

CHAPITRE XIII.

des Bohemiens.

L n'eft pas furprenant que nous ignorions l'origine des éthiopiens, ou des noirs naturels, puifque nous fommes auffi peu inftruits fur le chapitre des bohemiens, ou de ces noirs artificiels qui font répandus en plufieurs endroits de l'Europe, de l'Afie, & de l'Afrique.

Ils viennent d'Egypte felon l'opinion commune, & prétendent eux-mêmes qu'ils en font fortis, comme le découvrit Munster par le paffeport qu'ils obtinrent de l'empereur Sigifmond. Ils y expofent qu'ils fortirent d'abord de la petite Egypte, & qu'en punition de ce qu'ils avoient abandonné le chriftianifme, on en condamna quelque-uns

quelques-uns de chaque famille à errer fur la terre. Mais, felon Avantius, ils donnent une autre raifon de leur vie vagabonde; c'eft, difent-ils une punition que Dieu impofa à leurs peres, parce qu'ils avoient refufé l'hofpitalité à Jefus & à la Vierge, lorfqu'ils s'enfuirent en Egypte.

Mais la plupart des auteurs qui ont recherché leur originé, rejettent ces raifons comme frivoles, & les font defcendre de plufieurs autres nations. Polydore Virgile les croit fyriens d'origine. Philippe Bergamafque les fait venir de Chaldée; Æneas Sylvius de quelques endroits de la Tartarie; Bellon de la Valachie & de la Bulgarie; Aventinus des frontieres de la Hongrie.

Bellon prouve clairement qu'ils ne font pas égyptiens; car il en rencontra plufieurs troupes près du Caire, & dans les villages fitués fur les bords du Nil; & là comme parmi nous ils étoient reputés étrangers.

Il est encore probable qu'ils ne font pas fortis de l'Egypte, en ce qu'ils parurent d'abord en Allemagne vers l'an 1400: & qu'alors on n'en avoit vu dans aucune partie de l'Europe, ainfi que l'affurent Munfter Genebrard, Crantzius & Ortelius.

Mais il n'eft pas moins probable que leur origine n'eft point allemande, puifqu'ils parlent l'esclavon, & que quand ils fe répandirent dans la fuite en France, ils

Tome II.

X

furent nommés bohemiens, comme ils le font encore aujourd'hui.

Ainfi, lorfque Crantzius dit qu'ils commencerent à paroître fur les bords de la mer Baltique, lorfque Bellon les fait venir de la Valachie, & de la Bulgarie, & que d'autres les font fortir de la Hongrie, ils ne font pointen contradiction; car la langue de ces peuples eft l'esclavone, ou quelqu'un de fes dialectes. Mais de quelque nation qu'ils tirent leur origine, on peut dire qu'ils font maintenant de toutes les nations, parce qu'ils fe font mêlés avec tous les peuples chés qui ils ont paffé; & il eft fort douteux que cette race puiffe jamais s'éteindre. Ĉar il n'eft pas fans exemple que des nations errantes ayent fubfifté plus long-tems que telle autre qui avoit des demeures fixes; & quoi que les bohemiens ayent été bannis de prefque de toute la chrétienté, ils ont trouvé de la protection dans l'empire des turcs: le grand feigneur leur permet de demeurer à Pera, & d'y tenir publiquement des lieux de proftitu tion, Souvent il en tire des avantages politiques, parce qu'il employe ces miferables à efpionner les autres nations; & c'est ce qui détermina Charle-Quint à les ban

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CHAPITRE XIV.

De quelques autres points concernant la cofmographie ou l'histoire.

N

Ous accufons communément les anciens d'avoir donné des noms ridi cules, & des figures peu convenables aux differentes conftellations dans les fphéres foit greques, foit barbares. Cependant les hiftoriens & les geographes ne font pas moins reprehenfibles, lorfqu'ils attribuent à certaines parties de la terre des ressemblances qui n'ont aucun fondement. Tite Live, & Jule Ruftique dans la vie d'Agricola comparent la grande Bretagne à un plat ovale, ou bien à une double hache. Rutilius Numatianus compare l'Italie à une feuille de chêne, & l'Espagne à une peau de bœuf. Strabon compare à un manteau les parties de la terre habitées de fon tems, & Denys l'Africain les compare à une fronde. On trouve encore en de bons auteurs bien d'autres comparaisons qui ne font pas mieux fondées ; & par là ils femblent juftifier le choix que les aftronomes ont fait de leurs figures du zodiaque. Ceux-ci au reste n'ont jamais prétendu y trouver une relfemblance réelle, mais feu-'. lement une analogie entre ces figures, & les influences particulieres de chaque conf

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