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qu'il avoit le foir précedent au repas qu'il fit avec fes Apôtres.

Qu'ils fuffent couchés en célebrant la pâque, c'est ce qui femble démontré par les témoignages des anciens écrivains juifs, & fur tout par celui de Ben-maimon que cite Scaliger dans fon ouvrage de emendatione temporum. Après la feconde coupe, fuivant ce qui avoit été ordonné Exod 12. le fils de la maifon demanda que fignifie cette maniere de fervir. Alors celui qui devoit répondre, dit ce jour eft different de tous les autres; car au lieu que nous ne lavons qu'une fois les jours ordinaires, nous lavons en celui-ci deux fois. Les autres jours nous mangeons du pain fans levain; de la viande bouillie ou rôtie indifferemment celui-ci nous ne mangeons que du pain levé & de la viande rôtie. Les autres jours nous mangeons ensemble affis ou couchés, mais nous nous couchons toujours pour prendre ce repas. Et cette attitude marquoit qu'ils n'avoient plus rien à craindre de la part des Egyptiens, comme autrefois.

Il est très vraisemblable que J. C. & fes apôtres mangerent de la forte la derniere pâque. Les termes grecs dont les Evangeliftes fe font fervis l'infinuent clairement. Hs ont employé ces mots d απίπτειν, ἀνα κειται, κατακειται, ἀνακι ειται, qui dans Arif tote, Athenée, Euripide, Sophocle, &

dans

Jans le paraphrafte Nonnus, expriment litteralement cette attitude.

Enfin quand on ne conviendroit pas que ce fût la maniere ufitée de celébrer la pâque, il nous paroît pourtant indubitable que celle-ci fut obfervée dans la derniere. Les fçavans diftinguent plufieurs parties dans ce repas; la premiere difent-ils, fut obfervée fuivant la loi de Moïfe, on y mangea l'agneau pafchal avec des herbes ameres, & toutes les cérémonies de la loi. S. Mathieu & S. Jean difent de celle-ci que le foir étant venu, le Sauveur s'affit avec les douze, & que le fouper étant fini, il prit un linge, & lava les pieds de fes dif ciples. La feconde partie de ce repas fut femblable aux repas ordinaires, elle confiftoit en viandes indifferentes. Et c'est à celle-ci qu'il faut appliquer ce qui eft dit du Sauveur qu'il prit la robe, qu'il fe remit à table, après avoir lavé les pieds de fes difciples, & pratiqué tout ce que le maître du repas avoit coutume d'obferver. C'est encore au fentiment des fçavans, dans cette partie, que J. C. prefenta le morceau à Judas. Le terme original infinue que c'étoit du pain trempé dans quelque fauce ou bouillon, dont on n'ufoit point dans la celébration de la pâque. La derniere partie fut facramentale; elle commença par la bé. nédiction & par la fraction du pain, suivant Tome II, .c

ce que dit S. Mathieu ; & pendant qu'ils mangeoient, Jefus prit du pain & le benit, Et ceux-là même qui ont cru que le Sauveur avoit celebré debout fa premiere pâque, ont reconnu qu'il en avoit été autrement de la derniere. Tels font S. Chryfoftome, Theophylacte, S. Auguftin &c. Si l'on doit ajouter foi à la tradition, le fait eft incontestable, puifque l'on montre encore à Rome le triclinium fur lequel J. C. & fes Apôtres fe coucherent alors, & que l'on affure que l'empereur Vefpafien l'y avoit fait transporter tel qu'il eft décrit par Cafalius.

On ne peut guere expliquer autrement ce paffage de S. Jean où il eft dit : Erat recumbens unus ex difcipulis ejus in finu Jesu quem diligebat. Un des difcples que Jefus aimoit étoit couché fur fon fein: ce qui convenoit à des perfonnes couchées & ne peut s'entendre de perfonnes qui auroient été affifes. On trouve la même expreffion dans Pline, qui parlant de l'empereur Ner va, & de Vejento fon favori dit : Cœnabat Nerva cum paucis; Vejento recumbebat propius atque etiam in finu; & c'est de là qu'est venuce mot is, pour fignifier un ami intime. Auffi Cafaubon abandonne-t-il Theophylacte, qui fans faire attention à cet ancien ufage taxe de groffiereté le dif ciple bien aimé. Quelques interpretes

croyent encore que dans notre sentiment il eft plus facile d'entendre ce qui eft dit de Marie Magdelaine qu'elle fe tenoit aux pieds du Sauveur & derriere lui; qu'elle arrofoit de fes pleurs les pieds de J. C. & qu'elle les effuyoit avec fes cheveux. En effet eût-elle pû lui rendre ces devoirs fi elle avoit été debout, & le Sauveur affis: elle fe feroit alors trouvée plus aifément derriere lui qu'à fes pieds. Ainfi Raphael n'a point confulté le texte facré quand il a reprefenté Magdelaine se tenant à genoux devant le Sauveur.

Quoique la version angloise rende les differens paffages que nous avons allegués par le mot affeoir, on ne peut en rien conclure contre notre fentiment, puifque les verfions italiennes & françoifes évitent la difficulté en difant que J. C. fe mit à table; il paroît que la verfion angloife qui porte, il s'affit à table, n'a prétendu qu'exprimer le fait fuivant l'ufage du tems où elle a été faite. Elle fuit ailleurs la même méthode; car au lieu que S. Luc dit s To Bißnior, ce que la vulgate rend par ces mots, cum plicaffet librum, la verfion angloife porte, après qu'il eut fermé le livre. Ce qui convient à nos livres compofés de plufieurs feuilles, & non pas aux grands rouleaux de parchemins dont fe fervoient les juifs, & qui font encore en ufage par

mi eux. Les paffages où on lit que le fa maritain donna deux deniers pour la pro vifion du levite, & que le pere de famille fit marché avec des ouvriers à un denier par jour, devoient être rendus par fept fols & demi monnoye d'Angleterre, & ne doivent pas être pris litteralement du denier qui fait la feizième partie de l'once. Car le denier chés les grecs & les romains étoit la huitième partie de l'once; & l'once étant évaluée à cinq fhelins d'Angleterre le denier fe montoit à fept fols & demi de la même monnoye.

Enfin, comme on pourroit croire que les juifs celébroient la pâque debout, plus tôt qu'affis ou couchés, felon ce qui leur avoit été ordonné. Exod 1 2. Vous mangerez de la forte, vos reins ceints, vos fouliers à vos pieds, un bâton à la main, je répons que les juifs eux-mêmes nous apprennent que les générations fuivantes ne furent point affujeties à ces pratiques qui ne regardoient que la pâque d'Egypte. D'autres ordonnances furent de même négligées, comme de pren dre un agneau de dix jours; de le manger chacun dans fa famille; de marquer de fon fang les portes de leurs maisons ; & de le manger avec précipitation. Et comme ils omirent ces differentes cérémonies, ils changerent auffi l'ufage de le manger debout; & parce qu'ils n'avoient plus rien

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