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exprès fur cette matiere dit qu'il ne peut comprendre comment une femblable idée a pû tomber dans l'efprit des hommes, que pour lui il eft fort éloigné de l'adopter: parce que l'écriture ne dit rien qui aille à l'établir, non pas même par des inductions.

3 Suppofé que telle ait été l'idée de Rachel, l'effet ne répondit pas à fon intention, car elle ne conçût Jofeph que bien des années après cet événement; au lieu que Lia eut dans cet intervalle trois enfans, Iffachar, Zabulon, & Dina. J'ajoute qu'il eft incertain qu'on attribuât dans ces premiers tems à la mandragore cette prétendue qualité, & qu'elle l'ait véritablement. Si cette opinion avoit été reçue dans la terre de Chanaan, Lia en auroit eu quelque connoiffance; & comment Rachel auroitelle pû fe flatter de lui enlever fes man. dragores? Quant à leurs vertus naturelles, les anciens ont regardé les mandragores comme un narcotique, & Diofcoride, Galien, Etius, Aginete les ont placés dans la lifte des poifons. J'avoue qu'au tems de Théophrafte elles paffoient pour un philtre, & que Diofcoride en parle dans ce même fens. Et s'il ne s'agiffoit pas des femmes de Jacob, ou fi Rachel avoit demandé les mandragores pour fon mari, & non pour elle-même, il feroit plus raifon nable de lui prêter cette intention.

Or ce que Diofcoride avance que les graines des mandragores purifient la matrice, & qu'appliquées avec du fouffre elles arrêtent les mois, femble plus tôt renverfer. l'opinion commune que la favorifer, puifque cet effet eft plus contraire que favo rable à la conception. Il dit encore que leur fuc purge par en haut comme l'ellebore, & qu'appliqué en forme de, peffaire, il provoque les mois; l'on croit par l'experience que le vin de mandragores avec la triphera magna, eft très propre à procurer la fécondité. Mais peut-être que la vertu de ce remede confiftoit principalement dans la triphera, qui eft une excellente compofition, & que Nicolas recommande auffi pour la même fin. Levinus Lemnius impute cette vertu à la froideur de la mandragore, & croit que dans les climats chauds elle eft propre à rendre les femmes plus capables de la conception: Ce fruit en effet pourroit y contribuer par un ufage fréquent & réglé; mais peut-on conclure de là qu'il opere par une vertu qui lui foit affectée ? on pourroit dire de même que tous les vegetables procurent la fécondité felon la difference des temperamens; mais de fçavoir diftinguer les cas où les plantes humides ou féches doivent être appliquées, c'eft fans doute une fcience qui furpaffoit celle de Rachel. On pourroit peut-être s'imaginer que les

mandragores contribuent à la fécondité, & cela fur ce que l'on donne au pavot l'épithete de fecond, & que Venus tenant à la main une tête de pavot, étoit le hierolyphe de la fécondité; mais ce n'eft pas la vertu de rendre fécond, qui a fait choisir le pavot dans cette vue, c'eft la multitude des grains qu'il renferme.

Peut-être croira-t-on encore que la mandragore a cette vertu, parce que l'opium, felon quelques auteurs excite à l'amour, & que les turcs, & la plupart des orientaux en ufent par ce motif; mais Amatus portugais & Roderic font d'une opinion dif ferente, & Garcias ab horte refute ce fentiment d'après fa propre experience.

CHAPITRE VIII.
Des trois rois de Cologne.

CE

Eft une opinion genérale que les trois rois de Cologne font les mages qui guidés par l'étoile fe rendirent à Bethléem pour y adorer le Sauveur. Or ce qui a contribué à établir cette opinion, fans parler des longues differtations de Baronius, de Pineda, & de Montacutius, c'est non feulement la tradition, & l'autorité de quelques peres de l'églife, mais encore ce que difent les livres faints: Les gentils viendront à votre lumiere, & les rois à la clarté de votre lever

Les rois de Tharfe & les îles, les rois d'Arabie &de Saba vous offriront des prefens. La plupart des chrétiens, & plufieurs rabbins ont entendu ce paffage du Meffie, non qu'ils ayent conçu que ces rois duffent être de puiffans fouverains,mais des rois de certaines villes, ou de petits territoires, comme furent autrefois les rois de Sodome, & de Gomorrhe, ceux de Jericho, & d'Haï, & les trente & un rois que vainquit Jofué, ou des princes femblables aux amis de Job.

Mais quand nous ferions affurés que ces mages étoient rois, comment fçaurions nous qu'il y en avoit trois précisément, puifque l'écriture n'en déclare point le nombre? Les prefens qu'ils firent d'or, de myrrhe, & d'encens ni prouvent rien à cet égard; ils avoient trouvé dans leur pays ces mêmes prefens, tels apparemment que la feule reine de Saba en avoit autrefois apporté à Salomon. Les fils de Jacob ne diviférent point les prefens qu'il deftinoit à Jofeph. Il eft vraisemblable qu'un feul en fut chargé : Prenez avec vous des plus excellens fruits de ce pays-ci, leur dit Jacob, pour en faire prefent à celui qui commande. Puis donc que l'on n'eft pas certain du nombre de ces rois, on doit fe défier des noms de Gafpar Melchior & Balthazar qu'on leur donne plus encore de leurs portraits que l'on diftri bue à Cologne comme des préfervatifs

contre le mal caduc, de leur habillement, de leur teint, & de leur figure.

Et quand on accorderoit qu'ils étoient rois, & précisément au nombre de trois, il ne s'enfuivroit pas qu'ils fuffent rois de Cologne; car bien qu'il fût vrai que Cologne autrefois Ubiopolis, enfuite Agrippine étoit la capitale des ubiens, on ne lit nulle part que cet ville ait eû trois rois en même tems. D'ailleurs ils auroient felon les apparences, obtenu de leurs fujets qu'ils fe convertiffent à la foi chrétienne; & cependant ils n'embrafférent le chriftianifme que 70 ans après par le miniftere de Materne difciple de S. Pierre. Enfin le texte facré dit que les mages vinrent d'orient, & Cologne eft à l'occident de Bethléem, & de Jerufalem; la longitude de la premiere ville n'étant que de 34 degrés, & celle de la derniere de 72.

Voici l'origine de cette tradition. Il est vraisemblable que ces mages ou rois partirent de l'Arabie, & qu'ils étoient iffus d'Abraham, par Céthura. Soit qu'ils fussent infpirés, foit qu'ils fuffent déterminés par la prophétie de leur ancêtre Balaam qui est citée par Suetone, & qui étoit connue dans tout l'orient: que de la Judée fortiroit quelqu'un qui gouverneroit le monde entier, ils furent conduits dans la Judée par l'étoile ; & ils y furent baptifés dans la fuite par S. Thomas

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