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Environ 300 ans après leurs corps furent tranfportés à Conftantinople par l'imperatrice Helene, enfuite à Milan par S. Euftache, enfin à Cologne par l'évêque René. On croit qu'ils y repofent encore dans le tombeau que l'on montre aux voyageurs; c'eft là du moins qu'ils ont été transformés en rois de Cologne

CHAPITRE IX.

De la nourriture de S. Jean Baptifte dans le défert.

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Our guerir s'il eft poffible la prévention genérale, nous allons entrer dans le détail des principales opinions fur cet article; on dit 1° que les fauterelles dont Jean Baptifte faifoit fa nourriture dans le défert n'étoient autre chofe que ce fruit que les grecs nommoient Kepátior, & dont S. Luc fait mention dans la parabole de l'enfant prodigue; les latins filiqua, & d'autres panis S. Joannis, fruit au refte qui eft renfermé dans une gouffe, & qui approche de la douceur du miel. Mais cette opinion détruit moins l'idée que l'on a des fauterelles, qu'elle n'établit ce que l'on doit entendre par le miel fauvage..

2o Selon d'autres c'étoit les bourgeons des arbres; car c'eft ce que fignifie le mot latin locufta, ce qui convient au mot latin qui fignifie fauterelles, mais ne conclut

rien pour le terme grec axpides, à moins qu'on ne life ακρόδρυα, οι ακρέμονες, qui fignifient l'un & l'autre l'extrêmité des branches. C'eft la correction d'Ifidore de Pelufe qui dit formellement dans fes lettres, que ceux qui penfent autrement font des ignorans. Baronius en a été fi frapé, qu'il a crû devoir laiffer la chofe indécife: Hac cum fcribat Ifidorus, definiendum nobis non eft, & totum relinquimus lectoris arbitrio; nam conftat gracam dictionem expi♪es & locustam infecti genus, & arborum fummitates fignificare. Mais au jugement de Montacutius, celui-ci eft dans l'erreur: Nam constat contrarium, dit-il, ἀκρίδα apud nullum autorem clafficum ἀκρόδρυα fignificare.Paracelfe embraffe ce même fentiment avec tant de chaleur que dans fon traité du miel, il n'épargne pas même fon ami Erafme: Hoc à nonnullis ita explicatur, ut dicant locustas aut cicadas Joanni pro cibo fuiffe; fed hi ftultitiam diffimulare non poffunt, veluti Hieronymus, Erafmus, & alii propheta neoterici in latinitate immortui.

Selon un troifiéme fentiment c'étoit de veritables fauterelles, c'est-à-dire, des infectes à fix jambes, & dont les aîles font doubles, ou enveloppées. Et ce fentiment paroît le mieux fondé. Car outre qu'il eft fuivi par Origene, S. Jerôme, S. Chryfoftome, S. Hilaire, S. Ambroife, c'est l'acception propre du terme fouvent em

ployé

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ployé par les septante, & c'eft de la forte qu'il eft rendu dans les lexiques grecs. Sui das remarque fur le mot axis, que c'est l'infecte dont S. Jean fe nourriffoit dans le défert, & Ariftote, Diofcoride, Galien &c. le rendent de la même maniere.

Enfin, il n'y a aucune abfurdité dans ce fentiment. Il étoit permis aux juifs de manger des fauterelles, & ils en comptoient jufqu'à quatre efpeces parmi les animaux purs. Il y a d'ailleurs plufieurs nations qui en ont mangé avant & depuis S. Jean. Diodore, Strabon, Solin, Elien, Pline, affurent que les éthiopiens, les maures, & les arabes en faifoient leur nourriture ordinaire ; & Leon Cadamuštus, nous apprend qu'ils continuent d'en manger. C'est pourquoi le Sauveur dit que Jean Baptifte n'eft pas venu mangeant & buvant, c'eft-à-dire, que loin de fe nourrir délicatement comme on faifoit dans la Judée, n'ufoit que d'aliments groffiers, & conformes à la fimplicité de fon habillement, qui étoit fait de poil de chameau; à sa demeure qui étoit le défert, à la doctrine qu'il prêchoit, qui étoit la pénitence & l'humilité.

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Tome II.

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CHAPITRE X.

Si S. Jean l'evangeliste ne devoit pas mourir.

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'Eft une chose peu importante de fçavoir fi S. Jean mourut, ou ne mourut point; mais parce que ceux qui prétendent qu'il n'eft point mort, s'appuyent fur l'écriture, & que dans tous les fiécles il s'eft répandu des erreurs à cette occafion, nous allons examiner la question.

Après que le Sauveur eut prédit fa propre mort à fes difciples, Pierre lui dit: Seigneur, que deviendra celui-ci ? Jesus lui ré·pondit, fi je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe ? fuivez-moi donc. Et alors il fe répandit un bruit parmi les freres, que ce difciple ne mourroit point. Or ou les difciples ne diftinguerent point la maniere dont celui-ci devoit demeurer, ou bien ils concurent qu'il feroit tranfporté dans le paradis comme Enoch & Elie jufqu'au dernier jour, & qu'il feroit mis à mort par l'Antechrift, fuivant ces paroles de l'apocalypfe: » Je donnerai pouvoir à mes deux témoins, »& revêtus de cilices, ils prophétiferont "1260 jours, & quand ils auront achevé »leur témoignage, la bête qui montera de »l'abîme, leur fera la guerre, les vaincra,

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& leur ôterala vie.» S. Hippolyte martyr eft le premier, fuivant la remarque de Ba

ronius, qui fur la fin du troifiéme fiécle, ait avancé cette opinion. Métaphrafte, Freculphe, & furtout George de Trapezonte, ont embraffé le même fentiment t; & celui-ci foutenoit dans le feizième siècle, que S. Jean n'étoit pas encore mort.

Le Dante, ce fçavant poete italien, y fait auffi allufion. Dans fa revue poetique du paradis, il rencontre l'ame de S. Jean, & fouhaitant de voir fon corps, il reçut cette réponse, que fon corps étoit en terre, & qu'il y refteroit avec les autres jufqu'à la plénitude des faints;

In terra e' terra il mio corpo, & faragli
Tanto con gli altri, che l'numero noftro
Con l'eterno propofito s'agguagli.

Pour ce qui regarde l'opinion génerale qu'il ne mourroit pas, elle eft réfutée par les paroles mêmes de l'écriture, qui fuivent celles que nous avons citées. Mais Jefus leur dit encore, il ne mourra pas ; mais si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe? & ceci fut écrit par S. Jean lui-même, plufieurs années après cet évenement, S. Pierre ayant déja fouffert le martyre, & verifié la prédiction de J. C.

La tranflation n'eft certainement pas prouvée par le texte de l'apocalypfe; car S. Jean n'y eft point nommé avec les deux

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