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témoins. Sa mort eft d'ailleurs atteftée par l'hiftoire, qui nous apprend que fon tombeau étoit à Ephefe, ville de l'afie Mineu

re,

où après avoir été relegué dans l'ifle de Patmos fous Domitien, il revint fous l'empire de Nerva, & y mourut fous celui de Trajan. On voyoit encore fon tombeau du tems de Tertullien, de S. Jerôme, de S. Chryfoftôme, & d'Eufebe, comme il nous l'apprennent eux-mêmes; & ce dernier cite un témoignage plus ancien, je veux dire, celui de Polycarpe, qui fut un des premiers fucceffeurs de notre faint au fiége d'Ephefe, & dont on trouve ces paroles, dans une lettre à S. Victor de Rome: Joannes ille qui fupra pectus Domini recumbebat doctor optimus, apud Ephefum dormivit. Baronius, Janfenius, Eftius, citent beaucoup d'autres témoignages femblables.

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Or ce qui a principalement fondé cette erreur, c'eft que l'on a mal pris le fens des paroles de J. C. On a compris qu'elles étoient abfolues, au lieu qu'elles ne font que conditionelles, & qu'elles tendent plus à reprendre la curiofité de S. Pierre, qu'à la fatisfaire. C'eft comme s'il avoit dit : vous avez reçu votre arrêt, pourquoi vous embarraffez-vous de ce que deviendront vos freres? pourquoi voulez-vous pénétrer dans les fecrets du Seigneur ? s'il vit jusqu'à mon retour, que vous importe à

vous qui devez mourir auparavant? Il s'exprima de la forte, fans doute, parce qu'il prévoyoit que S. Jean ne fouffriroit point une mort violente, & qu'il repoferoit en paix ; & peut-être que fi Pierre l'avoit fçû, le zele qu'il avoit de fouffrir pour la gloire de fon maître, fe feroit ralenti.

Le difciple bien-aimé eft le feul des apôtres qui n'ait point fouffert le martyre, & cela parce qu'il refta feul attaché, pour ainfi dire, à la croix de fon divin maître, pendant que tous les autres prirent la fuite, & que fa douleur lui tint lieu de martyre. En effet, fi le feul récit de la paffion eft capable d'amolir aujourd'hui les cœurs les plus durs, quelles impreffions ne doit point avoir fait fur l'ame de S. Jean, la vue d'un objet fi touchant ; & ne dût-il pas fouffrir davantage en cette partie de lui-même, que S. Pierre ne fouffrit dans fon corps, lorqu'il fut attaché à la

croix ?

D'ailleurs, on s'eft trompé dans l'application de ces mots,fi je veux qu'on auroit dû rapporter à celles-ci: Lorfque je viendrai: & fi on les avoit entendus, comme on a fait depuis, non du dernier avenement de J. C. mais de cet avenement qui défignoit la deftruction des juifs, & de leur gouvernement, on n'auroit pas donné dans cette erreur Car S. Jean furvêquit à S.

Pierre, il eut le tems de voir l'entier ac compliffement de la prophétie de Daniel, & même, au fentiment de quelques-uns, de composer fon apocalypfe.

Mais outre l'erreur que nous venons de réfuter, il s'en est encore établi d'autres en differens tems. Il y en a qui ont foutenu que les difciples contemporains de S. Jean avoient crû qu'il ne mourroit point, & qu'ils s'étoient fondés pour le croire, fur l'affection que Jefus portoit à ce difciple. Or ils purent bien fe perfuader qu'en effet il feroit difpenfé de mourir, ou que fon divin maître lui permettroit de vivre jufqu'à fon retour glorieux, parce qu'il avoit été feul témoin de fa mort, & de fon ignominie.

Il s'étoit encore établi dans ces premiers tems une autre opinion, c'eft que J. C. ne tarderoit pas à revenir; on s'étoit imaginé fur plufieurs expreffions de J. C. prifes à la lettre, que fon dernier avenement fuivroit de près fa paffion; & nous trouvons cette opinion cenfurée par S. Paul. Or il n'étoit pas difficile aux difciples de conclure de cette idée, que S. Jean vivroit jufqu'à ce même tems.

Enfin la longue vie de cet apôtre a pû contribuer à faire croire qu'il ne mourroit point. Car il furvêquit à tous les apôtres, il ne mourut que dans fa 94 année, c'est

à-dire, 68. après le Sauveur, la feconde année de l'empire de Trajan. Or comme il avoit vêcu jufqu'à ce tems, on s'imagina qu'il vivroit jufqu'à l'avenement de fon maître.

Dans les fiécles fuivans, deux chofes furtout purent contribuer à l'établissement de cette opinion. C'est en premier lieu, qu'il échappa au martyre, au lieu que tous les autres le fouffrirent. Domitien, felon quelques hiftoriens, le fit jetter dans de l'huile bouillante, mais il en fortit comme il y étoit entré. Or les fiécles fuivans, convaincus qu'il n'avoit point fouffert le martyre & que la perfécution la plus cruelle n'avoit pû lui ôter la vie, on a pû fe confirmer dans l'idée qu'il ne mourroit point, & que celui que le feu n'avoit pû détruire, vivroit éternellement.

C'eft en fecond lieu que dans le texte latin, il y a fic, au lieu de fi eum volo manere, qui est dans le grec. Or ce changement peut faire d'une propofition conditionelle une propofition abfolue.

Mais ce qui a davantage accredité cette opinion dans les fiécles pofterieurs, c'eft qu'on n'a point trouvé les os de S. Jean dans le tombeau qui les avoit renfermés. Et delà les uns ont foupçonné qu'il n'étoit point mort; les autres qu'il étoit reffuscité; d'autres encore, qu'il étoit defcendu vivant au tombeau, & qu'il en étoit forti

fecretement. Mais toutes ces opinions, fui vant la remarque de Baronius, n'ont aucun fondement. Cet écrivain cite le pape Celeftin, qui dans une lettre au concile d'Ephefe, déclare que les reliques de cet Apôtre y étoient en grande veneration. Un paffage de S. Chryfoftôme qui dit que Jean guériffoit les malades après fa mort, comme s'il eût été vivant, réfute encore cette même opinion; & je remarque qu'Eftius examinant la queftion dont il s'agit, conclut en ces termes : Quod corpus ejus nufquam reperiatur, hoc non dicerent,fi veterum fcripta diligenter perluftraffent.

Au refte, que ceux des premiers fiécles du chriftianifme ayent pû concevoir des hommes immortels après la chute d'Adam, ou que dans ces derniers tems on ait pû fe perfuader qu'il y auroit des hommes dont la vie égaleroit celles des patriarches avant le déluge; c'eft une chofe prodigieufe à la verité, mais qui pourtant n'eft pas incroyable. Les hommes font plus d'une fois tombés dans cette erreur. S. Irenée & Tertullien nous apprennent qu'un certain Menandre famaritain fit accroire à fes difciples que la mort n'auroit aucun pouvoir fur eux, & que ceux qui recevroient fon baptême, recevroient en même tems l'immortalité doctrine à la verité bizarre & infenfée; mais quoiqu'il y ait eu des hom

mes

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