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les hiftoriens; & du tems de Julien même il s'en rendit plufieurs.

Ainfi, pour ne pas démentir l'hiftoire, il faut dire que les oracles ne furent pas abfolument muets, mais qu'ils furent interrompus, & peu fréquentés; & qu'un grand nombre fut abandonné des prêtres. C'est ainfi que l'on peut concilier les diverses opinions, en accordant qu'il s'eft rendu quel ques oracles mal concertés, dont des auteurs fideles font mention. Car on ne peut nier qu'ils ont été confondus en genéral à la venue de J. C. fans que les payens en ayent affigné de caufe légitime. Quelques-uns mêmes de ces oracles n'en ont point donné d'autre raison; le principal eft celui qui fut rendu à Augufte par l'oracle de Delphes

Me puer hebraus divos Deus ipfe gubernans Cedere fede jubet, tristemque redire sub orcum Aris ergo dehinc tacitis difcedito noftris.

Le fecond allegué par Plutarque dit qu'une voix fe fit entendre en pleine mer, criant le grand Pan est mort: hiftoire remarquable & qui fe lit au traité de la ceffation des oracles. Le troifiéme eft rapporté par Eufebe dans la vie de Conftantin. Là il raconte qu'Apollon fe lamentoit en difant que fes oracles étoient faux, & que les juftes s'oppofoient à ce qu'il dît la vérité,

Theodoret fait encore mention d'un oracle qu'Apollon rendit à l'empereur Julien avant fon expedition contre les perfes. L'o racle lui déclara qu'il écarteroit les corps qui l'environnoient avant qu'il pût rẻpondre à fes demandes ; & peu de tems après le temple fut brûlé par le feu du ciel.

Or ces differents traits font comme autant d'hommages rendus à la puissance qui leur fermoit la bouche, & mettoit fin à cette illufion qui avoit fi long tems joué les hommes.

Mais, comme la malice de Satan eft tou jours active, il ne fe repofe point, & il ne ceffera jamais d'impofer à la pofterité de celui qu'il a engagé dans le premier péché. C'est pourquoi chaffé des temples, & des antres mysterieux, il s'eft retiré en de petites contrées, où de tems en tems il fufcite des magiciennes, des forciers, des

devins.

Et, ce qui eft le plus déplorable, nous nous arrêtons à ces futilités, lors même que nous difons que Dieu nous a laiffé fes prophetes pour expliquer fes volontés. Tandis que nous publions que Satan a été réduit au filence, nous avons la foiblesse d'avouer qu'il parle par ces foibles inftrumens de fa malice, & pendant que nous rejettons l'effentiel, nous nous attachons aux branches, & nos actions font peu con B b iiij

formes à nos fentimens ; c'eft donc en vain ; que les chrétiens fe glorifient d'avoir impofé filence aux oracles, puifqu'ils encenfent leurs autels

Il n'appartient pas à notre fujet de nous étendre davantage fur cet article ; d'autres l'on fait avec fuccès; mais nous ne pouvons omettre ici que l'hiftoire la plus détaillée qui nous ait été confervée touchant les oracles, eft celle que nous lifons dans Herodote. Créfus pour les éprouver en envoya confulter plufieurs qui étoient éloignés les uns des autres, il prit fi bien fes mefures que fes couriers arriverent en même tems dans ces lieux differens, & firent tous la même demande, fçavoir à quoi s'oc cupoit alors Créfus. Le feul oracle de Delphes rencontra jufte, & répondit qu'il étoit occupé à faire cuire un agneau & une tortue dans un vaiffeau de cuivre, dont le couvercle étoit de même métail. Le ftile en eft pompeux dans le grec, un peu moins dans le latin:

quoris eft fpatium, & numerus mihi notus arena.
Mutum percipio, fantis nihil audio vocem.
Venit ad hos fenfus nidor teftudinis aeris
Qua fimul agnina coquitur cum carne lebete,

Are infra ftrato, & ftratum cui infuper as eft.

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des grains de fable m'eft connu. J'entens les muets. Avant que l'on ait parlé, je fçai ce que l'on me demande. La fumée d'une tortue que l'on fait maintenant cuire avec un agneau dans un chaudron de cuivre couvert de même métail, eft venue jusqu'à

moi.

Cette réponse acquit à l'oracle avec une haute réputation des richesses immenses, & Créfus dans la fuite regarda comme un dieu celui qui l'avoit rendue. Quelque tems après il paya cher fon erreur; car ayant confulté le même oracle fur l'évenement de la guerre qu'il entreprenoit contre Cyrus, la réponse ambigue qu'il en reçut, le précipita à fa ruine. Et quiconque. fe confie à Satan doit s'attendre à une femblable tromperie; car il profite habilement de la foibleffe des hommes, & dans fa longue experience il trouve les moyens de les attirer dans le piege. C'eft donc une extravagance, un crime contre Dieu, d'ef perer quelque bien de cet auteur de tout mal; car il commence par dévorer fes favo ris, & plus on approche de Moloch, plus tôt ont eft confumé. Ses faveurs en un mot font de fauffes faveurs. Le bien qu'il fait en apparence eft un mal réel; & s'il nous éléve ce n'eft que pour rendre notre chute plus terrible.

C

CHAPITRE XIII.

De la mort d'Ariftote.

'Eft une opinion géneralement reçue, & que Procope, S. Gregoire de Na zianze, S. Justin martyr, & quelques autres ont confirmée, qu'Ariftote au desespoir de ne pouvoit comprendre la raifon du flux & reflux de l'Euripe s'y précipita en s'écriant: Siquidem ego non capio te, tu capies me. Or comme il y en a qui s'imaginent qu'Ell ripe eft le nom d'un fleuve, & que d'autres avouent qu'ils ignorent fa fituation, nous avertirons d'abord que ce mot en géneral fignifie tout détroit, golphe, ou bras de mer enfermé entre deux terres, fuivant la définition de Julius Pollux. Ainfi les auteurs font mention de l'Euripe de l'Hellefpont, de l'Euripe pyrrhée, & de l'Euripe euboique ou chalcidique dont il s'agit ici. Celui-ci eft un golphe qui fépare l'Attique d'avec l'île d'Eubée, & que l'on nomme aujour d'hui golphe de Negrepont, du nom de l'ile & de fa capitale que les guerres d'Ane tiochus, & le fiége de Mahomet II qui la prit fur les venitiens ont rendue célebre.

Qu'Ariftote fe foit précipité dans ce golphe, & à l'occafion que nous avons dite, comme on le croit généralement, c'eft ce qui mérite d'être examiné, & qui souffre

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