bien des contraditions. Diogene Laerce qui a écrit la vie de ce philofophe n'en fait aucune mention; il rapporte au contraire deux autres traditions fur le genre de fa mort; l'une qu'étant accufé d'impieté à l'occafion d'un hymne qu'il avoit compose pour Hermias, & qui fe trouve dans Laerce & au'r livre d'Athenée, il fe retira dans l'Eubée, & qu'il s'y empoifonna; l'autre attestée par Appollodore, qu'il mourut à Chalcis d'une foibleffe d'eftomach dans fa grande climacterique, c'est à dire dans la 63 année de fon âge; Cenforin & Suidas ont fuivi cette derniere tradition. Et fi l'on pouvoit s'affurer de ce que dit Rabbi Ben Jofeph, il feroit mort dans le fein du judaifme, & l'opinion reçue feroit encore moins probable.

D'ailleurs, fans cet argument négatif, la raison feule nous obligeroit à fuivre.un parti contraire. Car comment attribuer à notre philofophe un femblable defespoir, lui qui convient fifouvent de fon ignorance, & qui dans les chofes difficiles croyoit que les conjectures fuffifoient : & qu'elle apparence qu'il fe foit defefperé à ce sujet, lui qui fe contentoit des moindres vrai femblances, & foutenoit par exemple que le foleil eft la caufe des differentes couleurs que l'on remarque dans les oifeaux, & que l'érection eft un effet de la déliberation des

tefticules? lui qui répetoit fans ceffe le κ οτι, le ποτερον, Ρέσως, επί το πολύ &c Heft & préfumer qu'une conjecture un peu fuppor table l'auroit tranquillifé, & qu'il n'eût pas porté l'opiniâtreté jufqu'à vouloir être compris dans ce qu'il ne pouvoit comprendre. Il eft même impoffible de prouver qu'il fe foit attaché à démêler ce qui regarde l'Euripe, ou à chercher les causes du Aux & reflux en géneral. Car il n'en fait aucune mention dans fes écrits, bien qu'il en ait eu occafion dans fes météores où il difpute des propriétés de la mer, & dans fes problêmes qui contiennent 41 questions touchant la mer. On cite à la vérité fous fon nom un ouvrage, où l'on traite des pro priétés des élémens; mais les critiques fou tiennent tous qu'il n'eft point d'Ariftote. Peut-être eft-ce le même que celui d'où Plutarque a tiré cette histoire.

Enfin le fondement même de cette hiftoire eft incertain; car il eft douteux que l'Euripe fouffre le flux & le reflux jusqu'à fept fois par jour. Je fçai que Pomponius Mela, Pline, & Solin l'affurent pofitivement; mais niThucydide qui parle fouvent de ce bras de mer, ni Paufanias qui nous a laiffé une fi exacte defcription de la Grece, n'en difent rien. Efchine fe contente d'y faire allufion dans fonCtefiphon, & Stra bon n'en parle que d'une maniere douteuse

t

sqasi, comme on dit. Magin après lui dit feulement: Velocis ac varii fluctus eft mare, ubi quater in die, aut fepties, ut alii dicunt, reci procantur aftus. Botero s'exprime plus clairement: Il mare crefce e cala con un impeto mirabile quatra volte il di benche communimente f dica fette volte &c. Cette mer hauffe & baisse quatre fois par jour avec une merveilleufe impetuofité, quoiqu'on dife communé ment fept fois, & que l'on croye génera lement qu'Ariftote s'y précipita, defefperé de n'en pouvoir pénétrer la cause. Or fi l'on entend bien ces defcriptions, on ne trouvera nulle difference entre ce golphe & les autres mers, puifqu'il n'a que deux Aux & deux reflux dans les 24 heures. Elles Le rapportent encore à ce que dit Thomafo Porrokacchi dans fa defcription des îles Fameufes, que deux fois par jour le flux eft d'une impetuofité furprenante. Il n'y a point de rade plus dangereuse, au témoi gnage de Tite Live; car dit cet hiftorien, ce bras de mer ne hauffe & ne baiffe point fept fois par jour, comme on le croit d'ordinaire; mais il varie felon les vents qui par leur fouffle impetueux pouffent les flots tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Gillius à voulu s'en inftrire par lui-même, il a examiné le courant, & des meuniers qui habitent la côte lui dirent que ce golphe avoit deux flux & reflux par jour, ou de

fix en fix heures, comme l'Ocean; mais qu'à la vérité il y avoit des faifons où ce flux n'étoit pas réglé. C'est fans doute de cette irregularité jointe à ce mouvement impetueux qu'eft née l'opinion vulgaire. Au refte c'eft par là qu'il faut expliquer Ctesiphon, & qu'il faut entendre Ariftote, lorfque dans fes problêmes il emprunte une métaphore de l'Euripe, & que dans la 25 fection il demande pourquoi du haut des maisons la terre femble euripifer, c'est à dire tournoyer.

Voici un témoignage plus récent; c'est celui de M. du Loir qui vers le milieu du fiécle paffé fit quelque féjour à Négrepont, & paffa plufieurs fois l'Euripe; il s'exprime en ces termes : »Je ne conçois rien à l'o>>pinion reçue touchant l'Euripe, je vous »affure qu'elle eft très fauffe. je donnai un »écu à un marinier pour qu'il me descendît »dans un endroit où je fuffe à portée d'examiner le fait ; & j'obfervai que ce golphe hauffoit & baiffoit pendant fix heures, comme le golphe de Venife; mais que le >>>cours en étoit extrémement rapide.

Ariftote mourut à Chalcis capitale de l'Eubée & fituée fur le golphe de ce nom, c'en fût affés pour occafionner l'erreur que nous refutons. Il y en a à la vérité qui racontent non qu'Ariftote fe précipita dans ce golphe, comme le veut Rhodigin, mais

qu'il tomba dans une espece de langueur pour n'avoir pû trouver la caufe de fon' reflux; c'est un autre fait qui n'eft appuyé fur aucun témoignage ancien. Il eft constant que les anciens philofophes grecs & latins n'avoient pas fait de grandes découvertes fur cette matiere; il n'étoit guere poffible même que s'attachant uniquement à la Mediterranée qui dans certains endroits n'a point de reflux, & qui partout en a peu," ils en fiffent quelqu'une. Et nous qui connoiffons l'Ocean & tous les golphes combien nos connoiffances font elles encore imparfaites à cet égard? lorfque nous en attribuons la caufe à la lune, cette hypo-' these paroît bien conclure pour l'Ocean," mais conclut-elle pour les bayes, pour les' golphes, qui n'ont ni flux ni reflux, & refout-elle cette difficulté, pourquoi au fond du golphe de Venife la mer hauffe de trois ou quatre pieds, pendant qu'elle ne hauffe prefque point à Ancone, à Du razzo, ou à Corfou fur le même golphe ? Tout ce qu'on peut dire de plus raifon nable, c'eft que pour d'anciennes difficul tés, on a trouvé de nouvelles explications. Quelques-uns fuivant l'hypothese de Copernic tâchent d'expliquer cette diverfité par la comparaifon d'un baffin rempli d'eau, laquelle monte ou baiffe fur les côtés du baffin, felon qu'il eft mu lui-même; par