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là font levées certaines difficultés, comme on peut le voir dans Galilée ; & rien n'eft plus ingenieux que cette comparaison. Mais il eft encore indécis, fi en recon noiffant la lune pour caufe du reflux, on ne peut pas en faire une application differente; fi elle agit par exemple par une simple operation fur la surface de la mer, ou en élevant les efprits de nitre & de fouffre, & trouvant le fonds de la mer difpofé à. fe gonfler; fi c'eft par l'attenuation des eaux de la furface, d'où il arriveroit que les vaiffeaux s'enfonceroient davantage pendant le Alux que pendant le reflux; ou fi c'eft par des gonflemens commencés au fonds, & qui s'éleveroient enfuite vers la furface; d'où il arriveroit que les fleuves & les étangs n'ayant point de parties qui fermentassent au fonds de leur canaux, n'éprouveroient point ces mêmes gonflemens; & que dans certaines mers la marée monteroit plus qu'en d'autres qui auroient moins de ces efprits nitreux & fulphureux. C'est par là encore qu'on expliqueroit les variations du flux & du reflux, les eaux montant ou baiffant inégalement, felon que les parties terreftres du fonds feroient plus ou moins faci lement foulevées.

Il fe peut donc que les flux impetueux de certains torrens, & de certaines rivieres, comme celles de Trent & de l'Humber en Angleterre

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Angleterre, & même de l'Euripe viennent de la difpofition particuliere du fonds où il fe fait des mouvemens fubits. Il fe peut encore que les parties laterales des côtes y contribuent, en pouffant les eaux & les courans de côté & d'autre, lefquelles retombent enfuite felon le mouvement de toutes ces parties, & l'operation plus ou moins forte des premieres caufes, qui con fervent leur activité au deffus & au deffous de l'horizon, comme dans les corps des animaux, & dans les plantes.

Enfin quelqu'ait été le genre & l'occa cafion de la mort d'Ariftote, fa mémoire vivra parmi les fçavans, s'ils ne veulent fe rendre coupables d'ingratitude; & fon nom ne finira jamais que dans l'Euripe de l'ignorance, ou lorfque le torrent de la barbarie aura inondé l'univers.

On débite un conte pareil d'Homere, ce prince des poetes; on dit qu'il mourut du chagrin qu'il conçut pour n'avoir pû deviner une énigme que des pêcheurs lui avoient propofée.

CHAPITRE XIV.
Du fouhait de Philoxéne.

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Riftote dit, & c'eft fur fon témoignage

Aqu'eft fondée l'opinion génerale que

nous allons examiner, que Philoxéne fou

Tome II.

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haita d'avoir un col de grue pour goûter à longs traits le plaifir de la table; mais cette opinion n'a point de fondement dans l'histoire; le fait même eft abfurde, auffibien que les raifons fur lesquelles on l'appuye.

Suppofé que Philoxéne ait fait un pareil fouhait, peut-être étoit-ce dans la vûe de mieux chanter, comme le prétend Pic de la Mirande, & non pas pour favourer mieux le plaifir de la bonne chere. Ariftote dit l'écrivain que je viens de citer, accuse & dans fes éthiques & dans fes problêmes Philoxene de fenfualité, parce qu'il fouhaita d'avoir le col d'une grue, & je l'ai autrefois condamné fur la foi d'Ariftote, mais depuis j'ai découvert que celui-ci en avoit été repris par divers auteurs ; car Philoxéne fut un excellent muficien, & s'il fouhaita. le col d'une grue, c'étoit non c'étoit non par fenfualité, mais parce qu'il s'imagina qu'il en chanteroit mieux. Plufieurs auteurs ont parlé d'un musicien de ce nom, comme Plutarque dans fon traité contre l'ufure, & Ariftote lui-même au 8 de fes politiques, fait mention d'un Philoxéne muficien, qui pour fe livrer au goût des phrygiens abandonna les dithyrambes doriques.

D'ailleurs, que l'hiftoire foit véritable ou fabuleuse, l'intention qu'Ariftote prête Philoxéne n'étoit pas raisonnable, &

peut-être ne fe propofoit-il aucune des deux fins dont nous avons parlé. Si l'on examine bien l'organe du goût, on verra que la longueur du col n'y contribue en rien; car le goût réfidant principalement dans la langue, quel avantage reviendroit-il d'avoir le col long? l'afophage, & les organes de l'eftomach qui y font placés n'ont point de nerfs qui foient deftinés pour le goût. Ils n'en reçoivent que de la fixiéme paire, au lieu que ceux du goût viennent de la troifiéme & de la quatriéme, & fe partagent enfuite dans la langue. De là vient que les grues, les herons, les cygnes n'ont pour la délicateffe du goût aucun avantage fur les faucons, les vautours, les autres oifeaux qui ont le col court.

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Et la nature en formant le col, n'a point eû égard au goût, mais plus tôt aux parties qu'il renferme, & à la maniere de prendre les alimens. Les animaux qui ont les jambes longues ont auffi d'ordinaire le col long, afin qu'ils puiffent manger commodément en tenant leur bec à terre. Ainfi les chevaux, les chameaux, les dromadaires & tous les animaux qui font grands ont le col long, excepté l'éléphant à qui la nature pour y fuppléer à donné une trompe, fans quoi il ne pourroit prendre fa nourriture à terre. C'est pour la même fin que les grues, hérons, les cicognes ont de longs cols

les

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L'homme même dont la forme eft droite a le col long ou court à proportion des autres parties: Ceux qui ont le vifage rond, ou la poitrine & les épaules larges ont rarement le col long, car la longueur du vifage eft double de celle du col, & l'efpace entre l'extrêmité du col & le nombril en égale le tour. La maniere dont la plûpart des animaux font obligés de chercher leur vie a encore déterminé la nature à leur donner de longs cols. Ainfi plufieurs dont les jambes ne font pas fort longues, ne laiffent pas d'avoir de grands cols, parce qu'ils cherchent leur nourriture fous les eaux, comme les cygnes, les oyes, &c.Mais les faucons & les autres oifeaux de proye ont le col court, parce que ce qui eft long, eft foible en même temps, & qu'une figure ramaffée étoit plus propre à leur destina tion. Enfin les cols des animaux varient fuivant leur gofier, & leur cefophage. Ceux qui n'ont ni gofier, ni refpiration n'ont auffi prefque point de col, comme la plupart des poiffons, ou n'en ont point du tout, comme les pectinaux de toutes efpéces, les foles, les rayes, les plies, & tous ceux qui ont des écailles, comme toutes les fortes d'écréviffes &c.

Ceci fuppofé, le fouhait de Philoxéne paroîtra peu raifonnable. Il auroit mieux fait de fouhaiter d'être transformé en finge

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