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car felon l'idée commune, cet animal a le goût plus fin que tous les autres, ou bien en quelqu'un de ces oiseaux qui vivent de graines, car ces oifeaux ont le fentiment fi vif, qu'un coup de bec leur fuffit pour diftinguer les corps durs, au lieu que les hommes ne le font qu'en mâchant; ou en un animal ruminant, pour goûter deux fois la même chofe; ou plus tôt en éléphant, ou en cheval, car ces animaux mangent beaucoup. Cette derniere métamorphofe auroit mieux convenu au Philoxéne dont Plutarque releve la gourmandise.

Pour ce qui regarde la feconde intention que l'on prête à Philoxéne, il paroît que les grues, & tous les oifeaux à long col, loin d'avoir le chant plus doux que les autres, l'ont au contraire infiniment moins agréable. Et les oifeaux eftimés pour le chant comme les roffignols, les ferins &c. ont le col court, & le gofier étroit. En effet, quoique le gofier & la langue foient l'inf trument de la voix, & que leur mouvement forme ces agréables modulations, il feroit pourtant difficile de déterminer quelle forme doivent avoir ces organes pour la perfection du chant ; & le roffignol qui l'emporte par là fur tous les autres oifeaux, paroît avoir quelque défavantage dans la langue. Loin de fe terminer en pointe, comme celle des autres, elle paroît comme

coupée. Et c'eft peut-être ce qui a donné lieu à la fable de Philomele dont la langue fut coupée par Terée.

que

CHAPITRE XV.
Du lac Afphaltite.

N rapporte du lac Asphaltite nommé encore lac de Sodome, ou mer morte les corps pefans nagent fur les eaux à caufe de leur épaiffeur faline & bitumineuse; mais les relations varient tellement fur lefait & fur la caufe, qu'il eft difficile de choisir en cette matiere. Pour ce qui regarde le fait, Pline affure que les briques y furnagent. Munster débite un conte que peut-être il à tiré du poeme de Tertullien, c'est qu'une chandele allumée y furnage, & qu'elle s'enfonce lorfqu'elle est éteinte. Mandevil va plus loin, il prétend que le fer y furnage, mais que les plumes vont au fond. D'autres plus moderés, comme Jofephe affurent feu lement que les corps vivans ne s'y enfoncent qu'avec peine.

La plupart, comme Galien, Pline, Solin, Strabon qui femble avoir pris le lac Serbonis pour celui-ci, fe fondent, fur la tradition, Peu d'auteurs en parlent fur leur propre experience; le grand nombre fe contente de celle de Vefpafien qui ordonna que l'on y jettât quelques prifonniers garotés, lef

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quels furent trouvés furnageans, comme s'ils avoient eû la liberté de nager. Ce même fait eft rapporté par d'autres d'une maniere toute differente. Ariftote au z de fes meteores dit à ce fujet, ὥσπερ μυθολογεσι & par ce mot les uns conçoivent qu'il traite cette tradition de fable; & les autres veulent qu'il en faffe un difcours populaire. Biddulphus anglois qui partage fon voyage de la Judée en trois parties, dont l'une, dit-il, contient des vérités manifestes, l'autre des fauffetés évidentes, la troifiéme des chofes douteuses, met dans cette derniere ce que l'on raconte du lac de Sodome. Thevet qui en parle dans fa cofmographie comme témoin oculaire, dit qu'il y a vû jetter un âne avec son bast, & que cet animal y fut noyé. Or de toutes ces relations celle-là me paroît plus recevable, qui dit que les animaux vivans ne s'y enfoncent pas fa cilement. Et l'on doit s'y tenir jufqu'à ce quel'on ait d'autres éclairciffemens, par ce qu'elle eft mieux affortie au fait, & à la raison que l'on en donne.

Pour ce qui regarde la caufe, fuivant l'opinion génerale, comme nous l'avons dit; c'eft l'épaiffeur faline & bitumineuse des eaux de ce lac. Ceci eft probable dans la feconde relation; car il eft conftant que l'eau falée porte un fardeau plus pefant que l'eau commune ; & l'on voit tous les jours

que

qu'un œuf s'enfoncera dans l'eau de mer7 ou une autre eau legerement falée; tandis qu'il furnagera dans la faumure. Mais or ne conviendra pas fi aifément qu'il en foit de même du fer; car les corps pefans net furnagent dans les fluides qu'autant que leur poids n'excede pas celui du volume d'eau qu'ils occupent. Or il n'y a certaine ment point d'eau qui foit plus pefante que le fer; ainfi ce métal s'enfoncera dans toutes fortes d'eaux, & ce fut un vrai miracle ce que fit Elifée en ce genre. Les corps furnagent ou s'enfoncent dans les fluides, à proportion de leur folidité. Ainfi l'eau falée fupportera tel corps qui enfoncera dans le vinaigre; le vinaigre en foutiendra tel autre qui enfoncera dans l'eau ordinaire; l'eau ordinaire en foutiendra tel qui tombera dans l'efprit de vin, & l'efprit de vin tel autre que l'huile ne pourra foutenir. Nous avons fait ces diverfes experiences avec des boules de cire traverfées par de petits bâtons. L'or tombe dans le mercure qui fou tient le fer & les autres métaux ; car l'or a plus de poids que le volume de mercure qu'il occupe; c'eft par la même raifon que l'ambre, la corne, & les pierres legeres & fpongieufes farnagent dans une folution d'une once de mercure dans deux onces deau forte, comme nous l'avons experi menté nous-mêmes.

Mais Strabon rapporte une autre raison que quelques-uns ont adoptée en ces derniers tems. C'eft, dit cet auteur, non l'épaiffeur des eaux qui fait furnager les corps dans ce lac, mais une ébullition bitumineufe du fonds, laquelle foutient les corps que l'on y jette, & ne permet pas qu'ils s'enfoncent aifément. Ce fentiment n'auroit befoin que d'être appuyé de l'experience: il paroît affés vraifemblable; car on obferve qu'il eft difficile de toucher avec les pieds le fonds des bains près de leur fource, & que des balles pofées immediatement fur un jet d'eau y demeurent comme fufpendues. C'est pour cela que nous n'ajoutons pas entierement foi à ceux qui difent que les corps ne vont abfolument point au fonds de ce lac, jufqu'à ce que des témoins oculaires & judicieux atteftent ce fait; d'un autre côté nous croirons facilement que les corps folides ne pénetrent ces eaux qu'avec peine; mais conclure de cette dif ficulté qu'il eft impoffible qu'ils s'enfoncent, ou bien affurer qu'ils ne s'enfoncent point, parce qu'ils furnagent quelque tems, c'eft un fophifme familier aux voyageurs qui ne paffent que trop fouvent d'un degré de vérité, à un autre dégré qui s'en éloigne. C'est ainsi que les anciens ayant conçû que la zone torride avoit des chaleurs brûlantes, en ont conclu trop legerement Tome II.

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