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qui eft une enchaînure de trois ondes en une feule d'où vient le proverbe трivμα, xaxar, qu'Erafme traduit par malorum fluctus decumanus, Et quoique les termes foient differens de ceux des latins, ils ne laissent pas de rendre la même idée.

3° Plutarque rapporte fur la foi de Crefias que Parifatis voulant fe défaire de Statira, elle avoit empoisonné fon couteau d'un côté, & qu'ayant coupé une volaille elle en donna la partie empoifonnée à Statira, & mangea impunément l'autre. Ce poifon devoit être bien fubtil, & nous avons le bonheur de ne le pas connoître. Mais peutêtre que fi nous le connoiffions,nous aurions quelqu'idée de celui que l'on prefenta à Alexandre, & qui à caufe de fon extrême froideur ne pouvoit être confervé que dans la corne d'un âne. Si pourtant l'on avoit attribué cet effet à une qualité occulte, on auroit pû s'en contenter; mais puisqu'on l'impute à une qualité auffi connue que le froid, nous prendrons le parti de douter, nous qui fçavons que les plus froides eaux, celles mêmes du Stix peuvent être contenues dans le verre, fans le pénétrer; & pour le dire ici en paffant, le verre étoit déja connu au tems d'Ariftote, puisqu'il dit que c'eft le chef-dœuvre de l'art.

On dit bien que les glaces de Venise ne refiftent pas au poifon; mais nous n'en

avons point encore trouvé de cette efpece. Il n'y auroit point en ce cas de meilleur préférvatifs pour les grands; & quoique l'on ait là même de cette porcelaine dont fe fervent les empereurs de la Chine, je croi qu'elle leur feroit d'un foible fecours fi quelqu'un avoit entrepris de les empoifonner. J'avoue que Dieu a créé à chaque chofe fon contraire, & qu'un poifon eft détruit par un autre poifon; cependant la malédiction divine a eu fon effet, & l'industrie humaine a découvert plus de poifons que d'antidotes, jufque-là qu'il y a des poifons fi violens qu'ils n'en admettent point. Nous prétendons encore avoir trouvé plufieurs antidotes contre chaque poifon, mais la plupart de ces antidotes font inefficaces au befoin. Il n'eft point de vafe qui réfifte au moly, s'il n'a la vertu de la coupe de Circé; & un vafe de la terre de Lemnos pourra contenir un poifon mortel. Sans un miracle de Jean on compteroit inutilement fur l'antidote de Paul; & nous ne croyons pas que le regime de Mithridate réufsît à beaucoup d'autres.

4° On débite un autre conte touchant un roi indien. On dit qu'il envoya à Alexandre de belles femmes qui avoient été nourries d'aconit & d'autres poifons dans l'efperance qu'Alexandre perdroit la vie dans leurs embraffemens. Pour moi je

doute fort qu'un pareil projet eût pû reussir: Il fe peut qu'il y ait des temperamens qui refiftent au poifon, ou même qui s'en nourriffent; & nous remarquons dans certains oiseaux à qui l'on fait manger de l'ail & de l'oignon, que les alimens fimples ne fe digerent pas toujours dans l'eftomach jufqu'à l'entiere deftruction de leurs qualités vegetables; il fe peut donc que les poifons conferveroient une partie de leur vertu, mais ils feroient fi attenués & fi affoiblis qu'ils n'en auroient plus qu'une bien legere. Ainfi l'on pourroit manger fans aucun rifque de la cicogne qui avalle des ferpens, & de l'oifeau qui mange de la cigue; car les animaux qui mangent des poifons deviennent eux-mêmes des antidotes contre les poifons qu'ils ont digerés. Et des animaux que les poifons qui tuent l'homme ne font point mourir, peuvent fervir d'antidote à l'homme contre ces mêmes poifons; la chair ou le fang de la cicogne contre le poifon des ferpens, la caille contre l'ellebore, & les étourneaux contre cette espece de cigue qui ôta la vie à Socrate. Par la même raifon certaines parties d'animaux fervent de contre-poifon contre d'autres parties; & il y a des veines de terre, & même des régions entieres, qui non feulement détruifent les animaux venimeux, mais qui en empêchent encore la produ

tion. Car quoique ces terres contiennent peut-être la femence des araignées, des fcorpions, qui ailleurs feroient animés par, les influences du foleil, là ils font eux-mêmes empoisonnés, parce qu'ils font dans le fein de leur antidote.

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5o Rien peut-être n'eft moins croyable ni plus extraordinaire que l'histoire du juif errant. Mathieu Paris la raconte d'une maniere bien circonftanciée fur la foi d'un évêque armenien qui arriva dans le quatorziéme fiécle en Angleterre, & qui fe vantoit d'avoir eu plufieurs entretiens avec ce juif. Notre hiftorien le difoit encore vivant; il ajoutoit que d'abord il fut nommé Cartaphilus, qu'il étoit concierge du lieu où J. C. fut jugé, qu'ayant pouffe le Sauveur pour l'en faire fortir, il fut lui-même condamné à y refter jufqu'à fon retour, qu'il =fut enfuite baptifé par Ananie fous le nom de Jofeph, que du tems de J. C. il avoit trente ans, qu'il fe fouvenoit d'avoir vû & connu les faints qui reffufciterent à fa mort, & qu'il n'avoit oublié ni le tems de la.. compofition du fymbole, ni les voyages des apôtres. Si cette narration étoit veritable, le juif errant pourroit bien terminer les controverfes qui agitent les chrétiens, = & convaincre l'opiniatreté des juifs.

6° Pour croire l'hiftoire de la papesse Jeanne que l'on fait fucceder à Leon IV,

& préceder Benoît III, il faudroitdes preuz ves plus authentiques que celles que nous avons. Et puisque les auteurs qui en ont parlé ne s'expriment que d'une maniere douteufe; que le fçavant Leon Allatius a découvert que les anciens manuscrits de Martianus Polonus que l'on cite davantage pour ce fait, ne le contiennent point; puifque les hiftoriens latins n'en font point mention, que Photius même, Méthrophane de Smyrne, & les autres écrivains grecs, loin d'en parler, conviennent que Benoît III. fucceda immediatement à Leon IV. je foutiens que tout homme fenfé doit révoquer en doute une femblable hiftoire

Combien de points d'hiftoire qui paroiffent clairement établis font pourtant affirmés ou niés fuivant l'interêt de ceux qui les nient ou qui les affirment ? C'est ce que l'on obferve principalement par rapport à Gregoire VII. dans les auteurs imperiaux,& dans ceux qui écrivoient pour la défense de ce pape. L'efprit de parti en cette occafion a tellement alteré la vérité des faits; qu'à recevoir les differentes relations on trouvera dans la même perfonne deux caracteres bien oppofés. Les faits de cette nature exigent de la prudence & de la circonfpection.

7° Qui n'a pas entendu raconter l'hiftoire du moine Bacon, qui fit prononcer

à

une

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