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culairement fur le point de la terre, qui d'abord lui étoit exactement oppofé.

7° Le proverbe, que Rome ne fut pas bâtie en un jour fera démenti, fi ce que rapporte Strabon fur l'autorité de la tradition, eft conforme à la vérité. Il dit que Sardanapale bâtit eu un feul jour les deux grandes villes de Tharfe & d'Anchialé, fuivant cette infcription qui fe lifoit fur fon tombeau : Sardanapalus Anacyndaraxis filius Anchialen & Tharfum una die adificavit, tu autem hofpes ede, tude, bibe. Or fi cette hiftoire doit être prife à la lettre, fi Sardanaple çommença en effet & acheva ces deux villes dans l'espace d'un jour naturel, ou artificiel, comment fallut il à Salomon treize ans pour la construction de fon palais, & 8 pour la conftruction du temple? Comment les éphefiens eurentils befoin d'un fiécle entier pour élever un temple à Diane? Ce trait de Sardanapale approche du grand ouvrage de la création ; & il devoit avoir des ouvriers auffi habiles qu'Amphion qui bâtit d'une maniere aussi admirable les murailles de Thebes.

8° Le vaiffeau de Hieron tel qu'Athenee le décrit, ne le cedoit guere à l'arche de Noé, puifqu'il contenoit dix écuries, huit tours, des fales à manger, plufieurs chambres pavées d'agathe & de pierres prétieuses, des réservoirs & des jardins. Mais rien n'étoit impoffible à Archimede qui

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l'avoit conftruit, à Archimede dis-je qui auroit tiré de fon affiette le globe de la terre, s'il avoit pû trouver un point fixe où placer fon levier.

9° Il y en a qui ont crû de bonne for que la mer de Pamphylie s'étoit retirée pour ouvrir un paffage à l'armée d'Alexandre, lorfque ce prince marchoit contre les perfes. Jofephe adopte cette narration, dans la vue de confirmer les juifs dans la croyance où ils étoient que leurs ancêtres avoient paffé la mer rouge. Mais Strabon qui l'a précédé en parle bien differemment. Il dit que le mont Climax laiffe fur les bords de cette mer un endroit par où au tems du reflux & durant le calme on paffoit facilement; mais qu'Alexandre y étant arrivé en hyver, & ne voulant pas attendre le tems du reflux, il fut obligé de paffer avec fon armée au travers des eaux, & qu'ils en eurent jufqu'à la ceinture.

10° Qui pourra croire ce que l'on raconte d'un jeune lacedemonien, qu'il fe laissa ronger les entrailles par un renard qu'il avoit caché fous fa robe, plus tôt que de trahir fon larcin par fes cris; & d'un autre lacedemonien qui fouffrit avec la même fermeté qu'un charbon d'un autel lui brûlât la main? On fauve l'honneur de ceux qui ont écrit ces faits, en difant qu'ils les rapportent fur de fimples oui-dire, & fans rien

affurer. Cependant on peut dire que ceux de Sparte étoient un peuple vraiment heroique, & qu'ils ont pû laiffer des exemples d'une patience à peu près femblable.

Si ces faits étoient entierement conformes à la vérité, on pourroit les regarder comme les feuls difciples de Zenon, & peut-être auroient-ils fouri dans les flancs brûlans du taureau de Phalaris.

11° Si content de croire que l'âneffe de Balaam a parlé, quelqu'un refufe de croire également ce que les turcs débitent du chameau de Mahomet, ou ce que les romains ont dit du bœuf de Livie, ou ce que rapport Juftin de l'anneau de Gygès; ou s'il pense qu'il n'y a qu'un juif qui puiffe admettre la riviere Sabbatique de Jofephe; ou s'il refuse de croire ce que dit Leon Africain, que les queues des beliers pefent en Afrique plus de cent livres ; je ne puis, je l'avoue, blâmer fon incredulité.

12° Si un autre prend pour des fables, ou pour des relations exaggerées, ce que l'on raconte de Coclès, de Scévola, de Curtius, de la fphere d'Archimede, des Amazones; & ce que l'on dit encore que les peuples qui habitent près des cataractes du Nil font fourds, qu'Heraclite pleuroit tou ours, & que Démocrite au contraire ne ceffoit de rire; qu'il y eut à Babylone des habitans qui ignorerent pendant trois

jours

jours la prife de la ville &c; celui-là fans doute aura fes approbateurs.

13° Il feroit inutile, je le croi, de vouloir perfuader aux pyrrhoniens ce que débitent certaines hiftoires du corps merveil leux d'Antée qui fut déterré par Sertorius mille ans après fa mort; qu'il n'y avoit point d'impofture dans ces fragmens de l'arche que l'on montroit fi communément au tems de Berofe; que ce pilier vû autrefois par Jofephe & par Tertullien, & de notre tems par Bochart, & la femme de Loth transformée en ftatue de fel; que l'arbre de therebentine fous lequel la fainte Vierge donna fa mamelle au Sauveur, lorfque pour s'enfuir en Egypte elle paffoit entre Jerufa lem & Bethleem, que cet arbre, dis-je, & le figuier fur lequel monta J. C. fubfiftent toujours. En effet fi la raison veut qu'en matiere de foi nous nous foumettions à l'autorité divine,malgré le rapport contraire de nos fens, elle ne nous permet pas dans ce qui n'intereffe point la foi de rien adopter qui lui foit contraire, ou qui repugne aux fens. Ainfi lorfqu'Eufebe raconte que près de la ftatue qui fut érigée à J. C. par l'hemorrhoiffe que l'attouchement de fa robe avoit guérie, il crût une plante qui avoit la vertu de guérir toutes fortes de maladies; bien qu'Eufebe affure que 300 ans aprés le miracle il avoit vû cette ftatue, Ff

Tome II.

on n'y a pas ajouté la même foi sur fon témoignage, que l'on eût fait à des chofes d'une nature differente. Car encore une fois excepté dans les chofes révélées, il faut que la raison nous détermine à croire, ou que nos propres fens levent les fcurpules que nous pourrions avoir.

Il en eft de même des choses d'un vérité certaine, & confirmée par des experiences; fi par exemple on vouloit perfuader à quelqu'un, fans qu'il en eût jamais entendu parler que l'aiman attire le fer; que le jais & l'ambre attirent la paille & les autres corps legers; je doute qu'avec toute l'éloquence imaginable on pût y réuffir. Ainfi quoiqu'il foit indubitable que la corde d'un inftrument fe remue, lorfqu'on touche celle d'un autre inftrument qui eft à l'uniffon; que l'alcanna tout vert qu'il eft teint dans un moment les ongles d'un rouge durable; qu'une chandele tirée d'un fufil perce une planche affés épaiffe, & qu'avec une bouteille très mince on peut enfoncer un clou dans du bois, cependant il y en aura bien peu qui veuillent croire ces chofes fans les voir. Et c'eft ce qui contribue au progrès des fciences, les hommes cherchant à éclaircir leurs doutes par des experiences, & fe tenant en garde contre les fuiprifes de l'erreur.

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