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SUR LE PORTRAIT D'UN POËTE COURONNÉ

GRAVEUR,

AVEUR, vous deviez avoir soin

De mettre dessus cette teste,

Voyant qu'elle estoit d'une beste,

Le lien d'un botteau de foin.

RESPONSE.

Ceux qui m'ont de foin couronné,
M'ont fait plus d'honneur que d'injure:
Sur du foin Jesus-Christ fust né;
Mais ils ignorent l'Escripture.

REPLIQUE.

Tu as une mauvaise grace :
Le foin dont tu fais si grand cas
Pour Dieu n'estoit en ceste place,
Car Jesus-Christ n'en mangeoit pas,
Mais bien pour servir de repas
Au premier asne de ta race.

CONTRE UN AMOUREUX TRANSY

POURQUOY perdez-vous la parole
Aussi-tost que vous rencontrez
Celle que vous idolatrez ?

Devenant vous-mesme une idole,
Vous estes là sans dire mot,
Et ne faictes rien que le sot.

Par la voix Amour vous suffoque;
Si vos souspirs vont au devant,
Autant en emporte le vent,
Et vostre Déesse s'en mocque,
Vous jugeant de mesme imparfaict
De la parole et de l'effect.

Pensez-vous la rendre abatue

Sans vostre fait lui déceler ?
Faire les doux yeux sans parler,
C'est faire l'amour en tortue.
La belle faict bien de garder
Ce qui vaut bien le demander.

Voulez-vous, en la violence
De vostre longue affection,
Monstrer une discretion?
Si on la voit par le silence,

Un tableau d'amoureux transi
Le peut bien faire tout ainsi.

Souffrir mille et mille traverses,
N'en dire mot, prétendre moins,
Donner ses tourments pour tesmoins
De toutes ses peines diverses,
Des coups n'estre point abatu;
C'est d'un asne avoir la vertu.

L'effort fait plus que le merite,
Car pour trop meriter un bien
Le plus souvent on n'en a rien;
Et dans l'amoureuse poursuite,
Quelquesfois l'importunité
Fait plus que la capacité.

J'approuve bien la modestie ;
Je hay les amans effrontez;
Evitons les extremitez:
Mais des dames une partie,
Comme estant sans election,
Juge en discours l'affection.

En discourant à sa maistresse, *
Que ne promet l'amant subtil ?
Car chacun, tant pauvre soit-il,
Peut estre riche de promesse.

« Les grands, les vignes, les amans << Trompent tousjours de leurs sermens. »

Mais vous ne trompez que vous mesme, En faisant le froid à dessein.

Je crois que vous n'estes pas sain :
Vous avez le visage blesme.

Où le front a tant de froideur,
Le cœur n'a pas beaucoup d'ardeur.

Vostre belle, qui n'est pas lourde,
Rit de ce que vous en croyez.
Qui vous void, pense que soyez
Ou vous muet, ou elle sourde.
Parlez, elle vous oira bien;
Mais elle attend, et n'entend rien.

Elle attend d'un desir de femme,
D'ouyr de vous quelques beaux mots.
Mais s'il est vray qu'à nos propos
On reconnoist quelle est nostre ame;
Elle vous croit, à cette fois,
Manquer d'esprit comme de voix.

Qu'un honteux respect ne vous touche : Fortune aime un audacieux.

Pensez, voyant Amour sans yeux,
Mais non pas sans mains ny sans bouche,
Qu'après ceux qui font des presens,
L'Amour est pour les bien-disans.

FIN.

QUATRAINS.

Si des maux qui vous font la guerre
Vous voulez guerir desormais,
Il faut aller en Angleterre,

Où les loups ne viennent jamais.

Je n'ay peu rien voir qui me plaise Dedans les Psalmes de Marot: Mais j'ayme bien ceux-là de Beze, En les chantant sans dire mot.

Je croy que vous avez faict vœu
D'aymer et parent et parente :
Mais, puis que vous aymez la tante,
Espargnez au moins le nepveu.

Le Dieu d'Amour se devoit peindre Aussy grand comme un autre Dieu, N'estoit qu'il luy suffit d'atteindre Jusqu'à la pièce du milieu.

Ceste femme à couleur de bois En tout temps peut faire potage: Car dans sa manche elle a des poix, Et du beure sur son visage.

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