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Je ne m'étonne donc, Macette,
Estant si gente et si doucette,
Vostre œil si saint et si divin,
Si vous avez tant de pratique,
Et s'il n'est courtaut de boutique
Qui chez vous ne prenne du vin.

Car, sans nulle misericorde,
Je serois digne de la corde,
Si d'un caprice fantastic

Je n'allois chantant vos louanges,
Priant Dieu, les saints, et les anges,
Qu'ils vous conservent au public.

Ce n'est pas pourtant qu'il me chaille, Que chez vous la vendange faille; Mais je craindrois d'oresnavant Que vostre vin, qui se disperse, Veu le long temps qu'il est en perce, Se sentist un peu de l'évent.

ODE

SUR UNE VIEILLE MAQUERELLE

ESPRIT errant, ame idolastre,
Corps verolé couvert d'emplastre,
Aveuglé d'un lascif bandeau ;
Grande nymphe à la harlequine,

Qui s'est brisé toute l'eschine
Dessus le pavé du bordeau ;

Dy-moy pourquoy, vieille maudite,
Des rufiens la calamite,
As-tu si-tost quitté l'enfer ?
Vieille à nos maux si preparée,
Tu nous ravis l'age dorée,
Nous ramenant celle de fer.

Retourne donc, ame sorcière,
Des enfers estre la portière;
Pars et t'en va sans nul delay
Suivre ta noire destinée,
Te sauvant par la cheminée,
Sur ton espaule un vieux balay.

Je veux que par-tout on t'appelle
Louve, chienne et ourse cruelle,
Tant deçà que delà les monts;
Je veux de plus qu'on y ajoute:
«Voilà le grand diable qui joute
Contre l'enfer et les démons. »

Je veux qu'on crie emmy la rue :
<< Peuple, gardez-vous de la grue
Qui destruit tous les esguillons,»
Demandant si c'est aventure,
Ou bien un effect de nature,
Que d'accoucher des ardillons.

De cent clous elle fut formée,
Et puis, pour en estre animée,
On la frotta de vif-argent :
Le fer fut première matière ;

Mais meilleure en fut la dernière,
Qui fist son cul si diligent.

Depuis, honorant son lignage,
Elle fit voir un beau menage
D'ordure et d'impudicitez;
Et puis, par l'excès de ses flames,
Elle a produit filles et femmes
Au champ de ses lubricitez.

De moy tu n'auras paix ny tresve
Que je ne t'aye veue en Gresve
La peau passée en maroquin,
Les os brisez, la chair meurtrie,
Preste à porter à la voirie,
Et mise au fond d'un mannequin.

Tu merites bien davantage,
Serpent dont le maudit langage
Nous perd un autre paradis :
Car tu changes le diable en ange,
Nostre vie en la mort tu change,
Croyant cela que tu nous dis.

Ha dieux! que je te verray souple,
Lorsque le bourreau couple à couple
Ensemble pendra tes putains!
Car alors tu diras au monde
Que malheureux est qui se fonde
Dessus l'espoir de ses desseins.

Vieille sans dent, grande hallebarde,

Vieux baril à mettre moutarde,
Grand morion, vieux pot cassé,

Plaque de lict, corne à lanterne,

Manche de lut, corps de guiterne,
Que n'es-tu desjà in pace!

Vous tous qui, malins de nature,
En desirez voir la peinture,
Allez-vous-en chez le bourreau;
Car s'il n'est touché d'inconstance,
Il la fait voir à la potence,
Ou dans la salle du bordeau.

DISCOURS

D'UNE VIEILLE MAQUERELLE

DEPUIS

EPUIS que je vous ay quitté

Je m'en suis allé despité,

Voire aussi remply de colere

Qu'un voleur qu'on mene en gallère,
Dans un lieu de mauvais renom,
Où jamais femme n'a dict non;
Et là je ne vis que l'hostesse,
Ce qui redoubla ma tristesse,
Mon amy, car j'avois pour lors
Beaucoup de graine dans le corps.
Ceste vielle, branlant la teste,
Me dit: Excusez, c'est la feste
Qui fait que l'on ne trouve rien;
Car tout le monde est Jean de bien,

;

Et si j'ay promis en mon ame
Qu'à ce jour, pour n'entrer en blas me,
Ce peché ne seroit commis
Mais vous estes de nos amis,
Parmanenda je vous le jure :
Il faut, pour ne vous faire injure,
Après mesme avoir eu le soing
De venir chez nous de si loing,
Que ma chambriere j'envoye
Jusques à l'Escu de Savoye :
Là, mon amy, tout d'un plein saut,
On trouvera ce qu'il vous faut.
Que j'ayme les hommes de plume!
Quand je les voy mon cœur s'allume.
Autrefois j'ay parlé latin.

Discourons un peu du destin:
Peut-il forcer les professies?
Les pourceaux ont-ils deux vessies?
Dites-nous quel auteur escrit
La naissance de l'Antechrist.
O le grand homme que Virgille!
Il me souvient de l'Evangile
Que le prestre a dit aujourd'huy.
Mais vous prenez beaucoup d'ennuy!
Ma servante est un peu tardive;
Si faut-il vrayment qu'elle arrive
Dans un bon quart d'heure d'icy:
Elle m'en fait tousjours ainsi.
En attendant prenez un siége;
Vos escarpins n'ont point de liége!
Vostre collet fait un beau tour!
A la guerre de Montcontour
On ne portoit point de rotonde.
Vous ne voulez pas qu'on vous tonde?
Les choses grands sont de saison.

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