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Je fus autrefois de maison,
Docte, bien parlante et habille
Autant que fille de la ville :
Je me faisois bien decroter;
Et nul ne m'entendoit peter
Que ce ne fust dedans ma chambre.
J'avois tousjours un collier d'ambre;
Des gands neufs, mes soulliers noircis
J'eusse peu captiver Narcis.
Mais hélas! estant ainsi belle,
Je ne fus pas longtemps pucelle
Un chevalier d'autorité
Achepta ma virginité;

Et depuis, avec une drogue,
Ma mère, qui faisoit la rogue
Quand on me parloit de cela,
En trois jours me repucela.
J'estois faicte à son badinage.
Après, pour servir au ménage
Un prelat me voulut avoir :
Son

argent me mit en devoir
De le servir et de luy plaire :
Toute chose requiert salaire.
Puis après, voyant en effect
Mon pucelage tout refait,
Ma mere, en son mestier sçavante,
Me mit une autre fois en vente;
Si bien qu'un jeune tresorier
Fut le troisième adventurier
Qui fit bouillir nostre marmite.
J'appris autrefois d'un hermite
Tenu pour un sçavant parleur
Qu'on peut desrober un voleur
Sans se charger la conscience.
Dieu m'a donné ceste science.

Cest homme, aussi riche

Me fit espouser son vallet,

que laid,

Un homme qui se nommoit Blaise.
Je ne fus onc tant à mon aise
Qu'à l'heure que ce gros manant
Alloit les restes butinant,

Non pas seulement de son maistre,
Mais du chevalier et du prestre.
De ce costé j'eus mille frans;
Et j'avois jà, depuis deux ans,
Avec ma petite pratique,
Gagné de quoy lever boutique
De tavernier à Montlhéry,
Où nasquit mon pauvre mary.
Hélas! que c'estoit un bon homme!
Il avoit esté jusqu'à Rome;
Il chantoit comme un rossignol;
Il sçavoit parler espagnol.
Il ne recevoit point d'escornes,
Car il ne portoit pas les cornes
Depuis qu'avecques lui je fus,
Il avoit les membres touffus:
Le poil est un signe de force,
Et ce signe a beaucoup d'amorce
Parmy les femmes du mestier.
Il estoit bon arbalestrier;
Sa cuisse estoit de belle marge;
Il avoit l'espaule bien large;
Il estoit ferme de roignons,
Non comme ces petits mignons
Qui font de la saincte Nitouche
Aussi-tost que leur doigt vous touche;
Ils n'osent pousser qu'à demy.
Celui-là poussoit en amy,
Et n'avoit ny muscle ny veine

B

Qui ne poussast sans prendre haleine ; Mais tant et tant il a poussé, Qu'en poussant il est trépassé. Soudain que son corps fut en terre, L'enfant Amour me fit la guerre, De façon que, pour mon amant, Je pris un bateleur Normant, Lequel me donna la verole; Puis luy pretay, sur sa parole, Avant que je cogneusse rien A son mal, presque tout mon bien. Maintenant nul de moy n'a cure : Je fleschy aux loix de nature; Je suis aussi seiche qu'un os; Je ferois peur aux huguenos En me voyant ainsi ridée, Sans dents, et la gorge bridée, S'ils ne mettoient nos visions Au rang de leurs derisions. Je suis vendeuse de chandelles : Il ne s'en voit point de fidelles En leur estat, comme je suis; Je cognois bien ce que je puis. Je ne puis aimer la jeunesse Qui veut avoir trop de finesse; Car les plus fines de la cour Ne me cachent point leur amour. Telle va souvent à l'eglise, De qui je cognois la feintise; Telle qui veut son fait nier Dit que c'est pour communier; Mais la chose m'est indiquée : C'est pour estre communiquée A ses amys par mon moyen, Comme Heleine fut au Troyen.

Quand la vieille, sans nulle honte, M'eut achevé son petit conte, Un commissaire illec passa; Un sergent la porte poussa; Sans attendre la chambrière, Je sortis par l'huis de derrière, Et m'en allay chez le voisin, Moitié figue moitié raisin, N'ayant ny tristesse ny joye De n'avoir point trouvé la proyc.

ABRÉGÉ DE CONFESSION

PUISQUE

UISQUE Sept pechez de nos yeux
Ferment la barrière des Cieux,
Reverend Père, je vous jure
De les abhorer en tout poinct,
Pourveu que je ne trouve point
L'impatience et la luxure.

Ces deux sont naturels en moy:
Il n'y a ny rigueur ny loy
Ny beau discours qui m'en retire;
Et quand un simple repentir
M'en voudroit enfin divertir,
Mon humeur les feroit desdire.

J'ay taché de les éviter

Tous deux en disant mon Pater

REGNIER.

15

Et lisant la Sainte Escriture;
Mais au milieu de mes combas
Des flatteurs me disent tout bas
Qu'ils sont enfans de la nature.

Ce n'est point Dieu qui les a mis
Au nombre de nos ennemis;
C'est quelque Pandore seconde,
Qui, pour affiger les humains,
A semé de ses propres mains
Ceste mensonge par le monde.

Car je ne sçay point d'Augustin,
De Carme ny de Celestin,
Tant soit-il ferme et plein de zèle,
Si remply de devotion,

Qui puisse, entrant en action,
Tenir une loy si cruelle.

Faictes donc, ainsi que j'ay dict, Que je puisse avoir ce credit, Pour estre net de conscience, Comme les vieux Saincts l'ont esté, D'oster de ce nombre arresté La luxure et l'impatience.

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