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Qu'en vers rien n'est parfait que ce qu'ils en ont dit,
Devons nous aujourd'huy, pour une erreur nouvelle
Que ces clercs dévoyez forment en leur cervelle,
Laisser legerement la vieille opinion,

Et, suivant leur advis, croire à leur passion? [cles,
Pour moy, les Huguenots pourroient faire mira-
Ressusciter les morts, rendre de vrais oracles,
Que je ne pourrois pas croire à leur verité.
En toute opinion je fuis la nouveauté.

Aussi doit-on plustost imiter nos vieux pères,
Que suivre des nouveaux les nouvelles chimères.
De mesme en l'art divin de la muse doit-on
Moins croire à leur esprit qu'à l'esprit de Platon.

Mais, Rapin, à leur goust, si les vieux sont proSi Virgile, le Tasse et Ronsard sont des asnes, [fanes, Sans perdre en ces discours le temps que nous perdons, Allons comme eux aux champs, et mangeons des chardons.

FIN.

SATYRE X

CE mouvement de temps, peu cogneu des humains,
Qui trompe nostre espoir, nostre esprit et nos mains,
Chevelu sur le front et chauve par derrière,
N'est pas de ces oyseaux qu'on prend à la pentière,
Non plus que ce milieu, des vieux tant debatu,
Où l'on mist par despit à l'abry la vertu,

N'est un siège vaquant au premier qui l'occupe.
Souvent le plus mattois ne passe que pour dupe,
Ou par le jugement il faut perdre son temps,
A choisir dans les mœurs ce milieu que j'entens.
Or j'excuse en cecy nostre foiblesse humaine,
Qui ne veut ou ne peut se donner tant de peine
Que s'exercer l'esprit en tout ce qu'il faudroit
Pour rendre par estude un lourdaut plus adroit.

Mais je n'excuse pas les censeurs de Socrate,
De qui l'esprit rongneux de soy-mesme se grate,
S'idolâtre, s'admire, et d'un parler de miel
Se va preconisant cousin de l'arcanciel.

Qui baillent pour raisons des chansons et des bourdes,
Et, tous sages qu'ils sont, font les fautes plus lourdes:
Et pour sçavoir gloser sur le Magnificat,
Trenchent en leurs discours de l'esprit delicat,
Controllent un chacun, et par apostasie

Veulent paraphraser dessus la fantasie.

Aussi leur bien ne sert qu'à monstrer le deffaut, Et semblent se baigner quand on chante tout haut

Qu'ils ont si bon cerveau qu'il n'est point de sottise Dont par raison d'estat leur esprit ne s'advise.

Or il ne me chaudroit, insensez ou prudens, Qu'ils fissent à leurs frais messieurs les Intendans A chaque bout de champ, si, sous ombre de chère, Il ne m'en falloit point payer la folle enchère. Un de ces jours derniers, par des lieux destourJe m'en allois resvant, le manteau sur le nez, [nez L'âme bizarrement de vapeurs occupée, Comme un poëte qui prend les vers à la pipée. En ces songes profons où flottoit mon esprit, Un homme par la main hazardement me prit, Ainsi qu'on pourroit prendre un dormeur par l'oreille Quand on veut qu'à minuict en sursaut il s'esveille. Je passe outre d'aguet, sans en faire semblant, Et m'en vois à grands pas, tout froid et tout tremCraignant de faire encor3, avec ma patience, [blant, Des sottises d'autruy nouvelle penitence.

Tout courtois il me suit, et d'un parler remis: « Quoy, Monsieur, est-ce ainsi qu'on traite ses amis? >> Je m'arreste, contraint; d'une façon confuse, Grondant entre mes dents, je barbotte une excuse. De vous dire son nom, il ne guarit de rien, Et vous jure au surplus qu'il est homme de bien, Que son cœur, convoiteux, d'ambition ne crève, Et pour ses factions qu'il n'ira point en Grève ; Car il aime la France, et ne souffriroit point, Le bon seigneur qu'il est, qu'on la mist en pourpoint. Au compas du devoir il règle son courage, Et ne laisse en depost pourtant son advantage; Selon le temps il met ses partis en avant. Alors que le Roy passe, il gaigne le devant, Et dans la Gallerie, encor' que tu luy parles, Il te laisse au roy Jean et s'en court au roy Charles; Mesme aux plus avancez demandant le pourquoy,

Il se met sur un pied et sur le quant à moy,
Et seroit bien fasché, le prince assis à table,
Qu'un autre en fust plus près ou fist plus l'agréable;
Qui plus suffisamment entrant sur le devis

Fist mieux le philosophe ou dist mieux son avis;
Qui de chiens ou d'oyseaux eust plus d'experience,
Ou qui dévidast mieux un cas de conscience.
Puis dittes, comme un sot, qu'il est sans passion!

Sans gloser plus avant sur sa perfection, [bottes;
Avec maints hauts discours, de chiens, d'oyseaux, de
Que les vallets de pied sont fort sujets aux crottes;
Pour bien faire du pain il faut bien enfourner;
Si Dom Pedre est venu, qu'il s'en peut retourner,
Le ciel nous fist ce bien qu'encor' d'assez bonne heure
Nous vinsmes au logis où ce Monsieur demeure,
Où, sans historier le tout par le menu,

Il me dict : « Vous soyez, Monsieur, le bien venu.»
Après quelques propos sans propos et sans suitte,
Avecq' un froid adieu je minutte ma fuitte,
Plus de peur d'accident que de discretion;
Il commence un sermon de son affection,
Me rit, me prend, m'embrasse avec ceremonie :
«Quoy, vous ennuyez-vous en nostre compagnie?
Non, non, ma foy, dit-il, il n'ira pas ainsi,
Et, puis que je vous tiens, vous souperez icy.»
Je m'excuse, il me force. O dieux! quelle injustice!
Alors, mais las! trop tard, je cognus mon supplice:
Mais pour l'avoir cognu je ne peus l'esviter,
Tant le destin se plaist à me persecuter.

A peine à ces propos eut-il fermé la bouche,
Qu'il entre à l'estourdi un sot fait à la fourche,
Qui, pour nous saluer laissant choir son chappeau,
Fist comme un entre-chat avec un escabeau :
Trebuchant par le cul s'en va devant-derrière,
Et grondant se fascha qu'on estoit sans lumière

Pour nous faire sans rire avaller ce beau saut,
Le Monsieur sur la veue excuse ce deffaut,
Que les gens de sçavoir ont la visière tendre.
L'autre, se relevant, devers nous vient se rendre,
Moins honteux d'estre cheust que de s'estre dressé
Et luy demandast-il s'il n'estoit point blessé.
Après mille discours dignes d'un grand volume,
On appelle un valet, la chandelle s'allume,
On apporte la nappe et met-on le couvert,
Et suis parmy ces gens comme un homme sans vert,
Qui fait en rechignant aussi maigre visage
Qu'un renard que Martin porte au Louvre en sa cage.
Un long-temps sans parler je regorgeois d'ennuy.
Mais n'estant point garand des sottises d'autruy,
Je creu qu'il me falloit d'une mauvaise affaire
En prendre seulement ce qui m'en pouvoit plaire.
Ainsi, considerant ces hommes et leurs soins,
Si je n'en disois mot, je n'en pensois pas moins,
Et jugé ce lourdaut, à son nez autentique,
Que c'estoit un pedant, animal domestique
De qui la mine rogue et le parler confus,
Les cheveux gras et longs et les sourcils touffus
Faisoient par leur sçavoir, comme il faisoit entendre,
La figue sur le nez au pedant d'Alexandre.
Lors je fus asseuré de ce que j'avois creu,
Qu'il n'est plus courtisan de la court si recrcu,
Pour faire l'entendu, qu'il n'ait, pour quoy qu'il vaille
Un poëte, un astrologue ou quelque pedantaille
Qui durant ses amours, avec son bel esprit,
Couche de ses faveurs l'histoire par escrit.
Maintenant que l'on voit et que je vous veux dire
Tout ce qui se fist là digne d'une satyre,
Je croirois faire tort à ce docteur nouveau
Si je ne luy donnois quelques traicts de pinceau.
Mais estant mauvais peintre ainsi que mauvais poëte,

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