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N'escry point pour un foible honneur; Tasche seulement de te plaire. On est moins prisé du vulgaire Par merite que par bon-heur. Mais garde que le jugement D'un insolent te face blesme, Ou tu deviendras, autrement, Le propre tyran de toy-mesme.

REGNIER, la louange n'est rien:
Des faveurs elle a sa naissance;
N'estant point en nostre puissance,
Je ne la puis nommer un bien.
Fuy donc la gloire qui deçoit
La vaine et credule personne,

Et n'est pas à qui la reçoit :
Elle est à celuy qui la donne.

MOTIN.

Difficile est Satyram non scribere.

DISCOURS AU ROY

SATYRE I

PUISSANT Roy des François, astre vivant de Mars,
Dont le juste labeur, surmontant les hazards,
Fait voir par sa vertu que la grandeur de France
Ne pouvoit succomber souz une autre vaillance;
Vray fils de la valeur de tes pères, qui sont
Ombragez des lauriers qui couronnent leur front,
Et qui, depuis mille ans, indomtables en guerre,
Furent transmis du ciel pour gouverner la terre,
Attendant qu'à ton rang ton courage t'eust mis,
En leur trosne eslevé dessus tes ennemis ;
Jamais autre que toy n'eust avecque prudence
Vaincu de ton suject l'ingrate outrecuidance,
Et ne l'eust, comme toy, du danger preservé:
Car estant ce miracle à toy seul reservé,
Comme au Dieu du pays, en ses desseins parjures
Tu faits que tes bontez excedent ses injures.

Or, après tant d'exploits finis heureusement,
Laissant aux cœurs des tiens, comme un vif mor
Avecque ta valeur ta clemence vivante [ment,
Dedans l'eternité de la race suivante,
Puisse-tu, comme Auguste, admirable en tes faits,
Rouller tes jours heureux en une heureuse paix;
Ores que la justice icy bas descendue, [renduc;
Aux petits comme aux grands par tes mains est
Que sans peur du larron trafique le marchand;
Que l'innocent ne tombe aux aguets du meschant,

Et

que de ta couronne, en palmes si fertile, Le miel abondamment et la manne distile,

Comme des chesnes vieux aux jours du siècle d'or, Qui, renaissant soubz toy, reverdissent encor.

Aujourd'huy que ton fils, imitant ton courage,
Nous rend de sa valeur un si grand tesmoignage,
Que, jeune, de ses mains la rage il déconfit,
Estouffant les serpens ainsi qu'Hercule fit,
Et, domtant la discorde à la gueule sanglante,
D'impieté, d'horreur encore fremissante,

Il luy trousse les bras, de meurtres entachez,
De cent chaisnes d'acier sur le dos attachez,
Sous des monceaux de fer dans ses armes l'enterre,
Et ferme pour jamais le temple de la guerre,
Faisant voir clairement par ses faits triomphants
Que les Roys et les dieux ne sont jamais enfants
Si bien que, s'eslevant sous ta grandeur prospère,
Genereux heritier d'un si genereux père,
Comblant les bons d'amour et les meschans d'effroy,
Il se rend au berceau desjà digne de toy.

Mais c'est mal contenter mon humeur frenetique,
Passer de la Satyre en un Panegyrique,
Où, molement disert souz un sujet si grand,
Dès le premier essay mon courage se rend.
Aussi, plus grand qu'Enée et plus vaillant qu'Achille,
Tu surpasses l'esprit d'Homère et de Virgille,
Qui leurs vers à ton los ne peuvent esgaler,
Bien que maistres passez en l'art de bien parler.
Et quand j'esgallerois ma Muse à ton merite,
Toute extreme louange est pour toy trop petite,
Ne pouvant le finy joindre l'infinité ;

Et c'est aux mieux disants une témerité
De parler où le Ciel discourt par tes oracles,
Et ne se taire pas où parlent tes miracles;

Où tout le monde entier ne bruit que tes projects,

Où ta bonté discourt au bien de tes sujects,
Où nostre aise et la paix ta vaillance publie ;
Où le discord esteint et la loy restablie
Annoncent ta justice; où le vice abattu

Semble en ses pleurs chanter un hymne à ta vertu.
Dans le temple de Delphe, où Phoebus on revère,
Phoebus, roy des chansons et des muses le père,
Au plus haut de l'autel se voit un laurier sainct,
Qui sa perruque blonde en guirlandes estraint,
Que nul prestre du temple en jeunesse ne touche,
Ny mesme predisant ne le masche en la bouche,
Chose permise aux vieux de sainct zele enflamcz,
Qui se sont par service en ce lieu confirmez,
Devots à son mistere, et de qui la poictrine
Est pleine de l'ardeur de sa verve divine.
Par ainsi, tout esprit n'est propre à tout suject:
L'œil foible s'éblouit en un luisant object.

De tout bois, comme on dit, Mercure on ne façonne,
Et toute medecine à tout mal n'est pas bonne.
De mesme le laurier et la palme des Roys

N'est un arbre où chacun puisse mettre les doigts;
Joint que ta vertu passe, en louange feconde,
Tous les Roys qui seront et qui furent au monde.
Il se faut reconnoistre, il se faut essayer,
Se sonder, s'exercer, avant que s'employer,
Comme fait un luiteur entrant dedans l'arène,
Qui, se tordant les bras, tout en soy se demène,
S'alonge, s'accourcit, ses muscles estendant,
Et, ferme sur ses pieds, s'exerce en attendant
Que son ennemy vienne, estimant que la gloire
Jàriante en son cœur luy donra la victoire.

Il faut faire de mesme, un œuvre entreprenant;
Juger comme au suject l'esprit est convenant,
Et, quand on se sent ferme et d'une aisle assez forte,
Laisser aller la plume où la verve l'emporte.

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