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y a cinq ou fix cens ans, fur de grandes tablettes, qu'on ferme comme un livre. On dit que les Huguenots les ont emportéz à Genève, & que c'est ce qui enrichit aujourd'hui la bibliotheque publique de cette ville. Le chartrier eft un des plus beaux qui foient dans le royaume. Outre la fondation de Cluny par Guillaume comte d'Aquitaine, & une infinité de titres origi naux ; on y voit de tres beaux cartulaires, dans lefquels tous les premiers abbez de cette illuftre maifon ont fait tranfcrire les titres de leur temps. Nous en avons tiré beaucoup de bonnes chofes pour nôtre deffein: Mais ce qu'il y a de plus remarquable, ce font tous les privileges que les empereurs, les roys, & les autres princes fouverains ont accordez aux évêques de Rome, que le pape Innocent IV. fit tranfcrire au concile de Lyon dans de grands rouleaux de parchemin, aufquels pendent les fceaux de quarante Peres de ce concile. Pour les conserver à la posterité, il les mit en dépôt dans l'abbaye de Cluny, qui les a confervez jufqu'à prefent, comme un des plus precieux monumens dont elle eft dépofitaire.

On voit dans l'enceinte de l'abbaye trois églises; la premiere; & la plus ancienne qui eft fort petite, eft dans le cimetiere des religieux. La feconde, qu'on appelle S. Pierre le Vieux, où S. Aimart,& peut être S. Bernon font enterrez,eft dans le cloître. On dit auffi qu'il y a des cendres de l'Apôtre S. Pierre. Elle n'est pas entiere. La troifiéme qui fut bâtie par S. Hugue, d'un ordre go. tique, étoit la plus magnifique de fon temps. Elle a cinq cens cinquante- cinq pieds de longueur, & fix. vingt de largeur, & eft haute à proportion. Il y a deux collateraux, deux croifées, & deux jubez dans le milieu du chœur, où il y a deux cens vingt fieges pour les religieux. On admire fur tout le rond. point. C'est un octogone fort delicat, foûtenu par huit petits piliers de marbre. On voit dans cette églite les tombeaux du pape Gelafe, de Rainal archevêque de Lyon, de Guerin, évêque d'Amiens, & de quelques autres évêques, celui de S. Hugues, de Pierre le Venerable, dePonce fon predeceffeur, où il eft representé les pieds liez, & la main coupée, pour montrer qu'il eft mort excommunié, & ceux de quelques au tres abbez.

L'office divin s'y fait avec une pompe & une majefté digne d'un temple fi augufte. Toutes les ceremonies y font regulie res & graves; on a tâché depuis quelques années, d'en réta blir quelques anciennes qui avoient éte abolies; mais on en a

auffi introduit quelques-unes de nouvelles. Les dimanches & toutes les fêtes, fix enfans de choeur, qu'on éleve gratuitement dans Cluny, tous fils de gentishommes, font revêtus en aube, & portent des manipules. Les grandes fêtes on commence les vêpres par l'encenfement de l'autel ; aprés quoi le celebrant entonne à l'autel le Deus in adjutorium. On fe leve pour matines à minuit & demi; à la proceffion qui precede la grande meffe, les officiers de l'autel marchent les premiers. 1. Le porte benîtier. 2. Le foudiacre portant la croix, ayant à fes côtez les deux acolytes. 3. Le thuriferaire. 4. Le diacre, & les deux affiftans, portant entre leurs mains des reliquaires; enfuite les religieux revêrus en chapes. A l'offertoire tous les communians vont offrir leur petite hoftie, que les affiftans leur donnent, & baisent la patene, & le chantre met le vin dans le calice. La principale ceremonie eft la communion fous les deux efpeces, qui fe fait par une partie des miniftres qui fervent à l'autel. Autrefois il y avoit à Cluny une petite fenêtre aux grilles de fer qui font à côté de l'autel, par laquelle on alloit communier les laïcs, qui n'entroient jamais dans le chœur. Ce même jour-là tous les religieux malades qui peuvent marcher, viennent dîner au refectoire, felon l'ancienne coûtume, auffi bien que les petits enfans de choeur.

Parmi les reliques qu'on montre dans le trefor, le chef de S. Hierôme est une des plus confiderables; une partie des chaînes de S. Pierre, qu'on dit être femblables à celles qui font à Rome. La croce de S. Hugue, qui eft de bois couvert de feuilles d'argent, dont le deffus eft d'yvoire; le coûteau qu'il portoit à la ceinture; fa robe & fon fcapulaire, qui font de couleur brune; les manches de la robe ont bien deux pieds de circonference; pour le fcapulaire, il eft affez large pour couvrir tout les bras, & le capuchon qui y eft attaché est tour d'une venue, & comme un fac..

Outre les tombeaux que nous avons dit être dans l'église de Cluny, on en voit encore d'autres dans les cimetieres, & ailleurs, qui font de perfonnes de grande diftinction. On en voit par exemple, un derriere l'églife de S. Pierre le Vieux. avec cette épitaphe::

Hic requiefcit Wido comes Matifconenfis, qui nullum hæredem feculo relinquens, converfionis gratia, Domino ducente, Clu niacum venit, una cum uxore, filiis ac filiabus, & triginta mi»

Tournus.

litibus, qui omnes monachi falti funt, & comes Albionenfis Wi
go fepultus eft in loco hoc, qui & ipfe hujus ecclefiæ meræ devo-
tionis monachus extitit. Requiefcant in pace. Amen.

Sic Cluniacenfis foboles virtute refulget
Principibus clarens, tantis ornata columnis.
Hic prior infaufta converfus forte parentis,
Alter cælefti converfus numinis aura.

On voit encore hors de l'églife, à la porte des Allemans ainfi appellée, parce que c'eft par cette porte que les religieux d'Allemagne entroient autrefois, lors qu'ils venoient au cha. pitre general on voit, dis-je, un ancien tombeau incrusté dans la muraille, qui nous a paru plus ancien que l'église, & qui par confequent doit y avoir été tranfporté, lors qu'on l'a bâtie, autour duquel on lit cette infcription:

Hinc homo perpende, mors mortis metuendæ
Omne quod hic degit, hæc fine lege legit.
Dos. decus ris here huic magna nil valuere,

Quoniam cuneta rapit mors inimica rapit.
Nunc cum patre duce ditetur Delphia luce.

On ne fçait point à Cluny quelle étoit cette Delphie, ni quel étoit ce duc fon pere.

Nous avions deffein d'aller de Cluny à Mâcon, fans paffer par Tournus, parce qu'outre l'histoire qu'a fait le Pere Chiflet fur les titres de l'abbaye, nous fçavions que monfieur Juenin, fçavant chanoine de cette églife, avoit envoyé à Paris tous les memoires que nous aurions pû recueillir nous-mêmes: mais les lettres reïtérées que les chanoines nous firent l'honneur de nous écrire, nous déterminerent à prendre cette route; ainfi nous partîmes le lundy aprés la Trinité de Cluny, & nous arrivâmes à Tornus vers le midy: auffi-tôt aprés dîné nous fûmes voir monfieur Juenin, qui nous fit avoir la communication des principaux titres, & de quelques manufcrits; fur tout de celui de la vie & tranflation de S. Philibert, des actes de S. Valerien, & de la chronique de Tournus, compofée par Falcon, moine de ce monaftere, dans laquelle il nous fit remarquer que le Pere Chiflet, qui a imprimé cette chronique, a fait quelques méprifes, & qu'au lieu que la chronique parlant du regne de Gautier, qu'elle fait fecond abbé de Tournus, dit qu'il a gouverné bis

quaternis annis, le Pere Chifflet ne dit que quaternis annis, omertant le bis ; & qu'au lieu que la chronique rapporte la mort d'Aimin, feptiéme abbé poft xvIII. fui regiminis annos; ce Pere n'a lû que ofło, retranchant tout d'un coup dix ans de gouvernement.

Il nous montra encore plufieurs anciens titres de Louis le Débonnaire, de Charles le Chauve, &c. deux bulles du pape Jean VIII. écrites en lettre lombarde fur de l'écorce. Dans une charte de Louis le Débonnaire de l'an 839. il nous fit remarquer que le pere Chifflet qui l'a imprimée au lieu de Meginarius notarius, a lû Ego mercharius notarius mercharius notarius, & qu'en deux autres chartes de Charles le Chauve, il a auffi mal lu les noms des notaires, mettant Hirmin major & Aramboldus pour Hirminmaris & Erkambaldus.

Il voulut auffi nous faire voir tout ce qu'il y a de plus confiderable dans l'églife, qui paroît fort ancienne, fur tout le fanctuaire, le tour des chapelles, & l'église fouterraine. C'estlà qu'on voit trois anciens tombeaux. On croit que les deux premiers font ceux de faint Valerien martyr, & de faint Philibert, ce qui eft affez vrai-semblable; fur le couvercle du troifiéme, on lit ces deux mots d'une tres ancienne écriture Adargarins epifcopus, ce qui doit s'entendre d'Adalgaire évêque d'Autun, mais ce couvercle paroît avoir été rapporté. On voit auffi dans l'église fuperieure, le tombeau que le car dinal de la Palue s'étoit fait conftruire de fon vivant, mais il n'y a pas été enterré. On y voit encore la couverture d'un ancien tombeau que monfieur le cardinal de Bouillon a faiɛ. ôter pour faire une chapelle. On croit que c'étoit le tombeau de Pierre 1. abbé de Tournus. Le faint Sacrement n'eft. point au grand autel, mais dans une chapelle hors du chœur ; autrefois il fe confervoit dans une armoire à côté du maître. autel.

Enfin on nous fit voir dans le trefor deux chofes confide. rables, les reliques de faint Philibert dans une châffe de bois, & un éventail ou un flabellum, dont le diacre fe fervoir autrefois à la meffe pour écarter les mouches de l'autel. Il a été fait à peu près comme ceux dont les dames fe fervent aujourd'hui, excepté qu'il a beaucoup plus d'étendue, & que le manche, qui eft d'yvoire, a plus de deux pieds. On lit en gros caractere ces vers de chaque côté::

Macon.

Flaminis hoc donum, regnator fumme polorum,
Oblatum puro pectore fume libens.

Virgo parens Chrifti voto celebraris eodem.
Hic coleris pariter, tu Philiberte facer.
Sunt duo que modicum confert æftate flabellum,
Infeftas abicit mufcas & mitigat æftum.
Et fine dat tedio munus guftare polorum.

Propterea calidum qui vult tranfire per annum,

Et tutus cupit ab atris exiftere mufcis

Omni fe ftudeat æftate munire flabello.

Autour de l'éventail, font répréfentez les faints dont voici les noms.

S. Lucia, S. Agnes, S. Cecilia, S. Maria, S. Petrus, S. Paulus, S. Andreas.

Et de l'autre côté font les vers fuivans:

Hoc decus eximium, pulcro moderamine geftum
Concedet in facro femper adeffe loco

Namque fuo volucres infeftas flamine pellit

Et ftrillim motus longius ire facit.

Hoc quoque flabellum tranquillas excitat auras,
Aftus dum eructat ventum excitatque ferenum,
Fugat & obcanas importunafque volucres.

Et autour, les images des Saints dont voici les noms.

Index, S. Mauricius, S. Dionyfius, S. Philibertus, S. Hilarius, S. Martinus, Levita.

Sur la premiere pomme du manche, S. Maria, S. Agnes, S. Philibertus, S. Petrus. Sur la feconde pomme, ce vers qui marque le nom de l'auteur :

Fohel me fanctæ fecit in honore Mariæ.

On voit un femblable évantail au monaftere de Prouille, de l'ordre de S. Dominique, dans le doicefe de Toulouse. Nous partîmes de Tournus le jour fuivant, & nous nous

rendîmes

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