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bien les commandements de Dieu, & les fautes garder à vos gens, & gardez bien que la temporalité ne prende la fpiritualité. Autre chose pour prefent, fors que je prie Dieu Notre-Seigneur qu'inceffamment vous ait en fa fainte garde. Il porte les lettres du Toy à meffieurs dudit Amiens, & à vous aui. Ecrit au couvent de Toulaints prés d'Amboife ce lundy XXVIII. jour de Janvier, par

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Chatillon.

Votre indigne oratemp Frere François de Paule.

Nous retournâmes enfuite fur nos pas pour aller à Chatillon fur Seine, où il y a deux abbayes, une de chanoines reguliers, & l'autre de Benedictines. Celle cy étoit autrefois à ·la campagne, en un lieu appellé le Puits d'Orbe. Saint François de Sales y alloit fort fouvent, & on montre encore aujourd'hui fa chaire, fon confeffionnal, & plufieurs chofes qui. ont été à fon ufage. Comme le Saint n'alloit au Puits d'Orbe, que pour contribuer à la gloire de Dieu, dans les conferences fpirituelles qu'il avoit avec les religieufes, il les exhortoit fouvent à quitter la campagne, où on eft fouvent privé des neceffitez fpirituelles & temporelles, à fe retirer dans. quelque ville,& à le reformer: l'abbeffe écoutoit aflez volontiers le bienheureux évêque, & elle fuivit le confeil qu'il luy avoit donné de transferer fes religieufes en quelque ville. Elle choisit pour cela Chatillon fur Seine, où elle s'établit au milieu de la ville: mais elle ne fe preffa point d'y établir en même temps la reforme; tout au contraire, aprés la mort du Saint, elle s'oppofa de toutes fes forces aux propofitions que luy en firent fes religieufes. Mais fi l'abbeffe étouffa dans fon cœur les femences de reforme, que faint François de Sales y avoit jettées; ces mêmes femences fru&tifierent dans l'ame de quelques-unes de fes religieufes. Sœur Jacqueline de Sercey, fille de Jean de Sercey feigneur d'Arconcey & de Savigny, capitaine & exempt des gardes du roy, & de dame Perronne de Monmoyen, Françoise Morifot, Denyfe Fiot, Rofe de Voine, Anne & Françoife Seyve, Marie Efpiart, Marie Vauffin, Charlotte & Marie de Quincerot, & Marguerite de Havart, la prefferent affez de mettre quelque bon ordre dans le monaftere, ce

qu'elles croyoient qu'on ne pouvoit executer que par le moyen de la reforme. L'abbeffe au lieu d'écouter une demande fi jufte, traverfa en tout ce qu'elle put les projets qu'on luy propofa: & pour les étouffer entierement dans leur commencement, elle choisit pour fuperieur monfieur de Flogny, ancien prieur de Montier faint Jean, croyant qu'un homme qui n'étoit point reformé luy-même, ne donneroit jamais dans les idées de reforme. Mais que peuvent les hommes contre les deffeins de Dieu ? Celuy qu'on croyoit devoir être le plus oppofé à l'établiffement de la reforme, fut celuy qui la pourfuivit avec plus d'ardeur. Monfieur de Flogny ayant fait la vifite au Puits d'Orbe, & ayant fçû dans les conferences qu'il eut avec ces bonnes religieufes, le defir qu'elles avoient de vivre plus conformément à leur état, s'en vint fecretement à Paris, parla à la reine mere Anne d'Au. triche, luy fit connoître le defir de ces faintes religieufes, & en obtint de fa majesté trois tirées du Val de grace fort fages & fort regulieres, avec un ordre précis d'établir la reforme dans le monaftere. L'abbeffe toute furieufe qu'elle étoit, ne put parer ce coup. Elle cut encore le chagrin de voir Magdelaine de Saux de Tavanne fa parente, qui à peine avoit fait profeffion, embraffer la premiere la reforme & fe joindre à celles dont nous venons de parler. La reine protegea toûjours ces faintes filles, & elle avoit commencé à les bâtir, mais elle ne vécut pas affez pour leur faire tout le bien qu'elle fe propofoit. Sa mort neanmoins n'empêcha point le progrés de la reforme, qui s'établit malgré toutes les perfecutions qu'on fufcita à celles qui l'avoient embraffée, & elle fubfifte encore aujourd'hui avec l'édification de tout le pays.

Pendant que nous y étions, on nous fit voir quelques lettres originales de faint François de Sales, & on nous affura que le confeffeur avoit été gueri par l'attouchement d'une. On nous raconta encore qu'un jour la mere de l'abbeffe se confeffant à faint François de Sales, on vint l'avertir au Puits d'Orbe que fon mari fe mouroit. Le Saint d'un efprit prophetique dit, Elle ira devant ; en effet la dame après s'être confeffée, étant allée pour voir fon mari mourant, elle mourut fubitement en entrant dans la chambre,& alla devant fon mari au tombeau. Une autre fois que le Saint avoir affifté à la profeffion d'une religieufe, enfuite d'un raviffement, il dit

Le Val des
Choux.

à l'abbeffe: Si j'avois fçu ce que je fçai, cette fille n'auroit pas fait profeffion. Cette fille n'eft point pour nous. On vit l'effet de cette prophetie, lorfque cette religieufe voyant que l'abbeffe ne vouloit point de reforme, elle le retira à Dijon. dans le monaftere des religieufes Bernardines du Tard.

Le Val des Choux n'eft qu'à quatre lieuës de Chaftillon. Il eft fitué dans une affreufe folitude. Nous n'y arrivâmes qu'aprés avoir fait une grande lieue dans un bois fort épais, & aprés avoir defcendu environ un bon quart de lieuë. C'est un chef d'ordre, mais peu confiderable, qui n'eft qu'une branche de celuy de S. Benoît. On dit dans le pays qu'il doit fon origine à un frere Wiart, convers de la Chartreufe de Lugny, qui ne trouvant pas les Chartreux affez aufteres, fe retira dans cette folitude prés d'une fontaine, & y affembla des difciples: Ce qui peut confirmer cette tradition populaire, c'est que les religieux de Val des Choux avoient l'habit des Chartreux dans le commencement de leur inftitut, & qu'ils portent encore aujourd'hui l'habit blanc, dans lequel ils ont changé quelque chofe, prenant un chaperon au lieu du capuchon, qui tenoit autrefois à la cuculle où fcapulaire. Cette tradition cependant ne peut fe foûtenir: 1.Parce que le Val des Choux a été fondé par Eudes duc de Bourgogne bien peu d'années aprés la chartreuse de Lugny, & qu'en ce temps-là les Chartreux, comme aujourd'hui, n'avoient pas befoin de reforme, étant dans la plus grande ferveur de leur ordre, & que quoy que les religieux du Val des Choux ayent pris beaucoup de pratiques des Chartreux, ils n'ont cependant jamais été auffi aufteres qu'eux. 2. Jacques de Vitry, qui vivoit dans ce temps-là, dit qu'ils fuivoient les ufages de Citeaux, & non pas des Chartreux. 3. Le premier prieur du Val des Choux ne fut point le frere Wiard, mais un Gui, qui eut pour fucceffeur Humbert. On voit encore leur tombeau dans l'églife, fur le quel on lit ces deux Vers:

Hic duo funt fratres, caput ordinis, & prothopaires.
Guido & Humbertus. Sit Chriftus utrifque mifertus.

4. On lit encore une infcription dans l'églife du Val des
Choux, qui fait connoître le temps auquel le frere Wiard
s'y retira, c'est-à-dire, environ cent ans aprés la fondation du
monaftere; car voici comme elle eft conçûë: Anno Domini

M. CCXCIII.

UNIV

OF

MICH

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