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'Auxonne.

un creneau une pierre où je lûs cette infcription gravée en anciennes lettres Romaines.

ATTIA SACRATA

C. F. PROSCAENIUM
VETVSTATE COLLAPSUM
DE SUO RESTITUIT.

Auxonne eft une petite ville fur les frontieres de la Bourgogne, fituée fur le bord de la Soone, à deux lieuës & demie de Dole. Elle est bien fortifiée, & fort jolie. Ce fut-là où fainte Colette bâtit le premier convent de fa réforme, dans lequel elle demeura cinq ans. Nous y vîmes dans un ma nufcrit écrit de fon temps, les conftitutions que la Sainte prescrivit à fes fœurs, qui tout aufteres qu'elles font, s'obfervent encore aujourd'hui dans toute leur rigueur, car ces faintes filles gardent une abftinence perpetuelle, & ne mangent pas même de viande dans leurs maladies. Elles jeûnent toute l'année, ne mangent ni beurre ni laitage en carême, marchent toûjours nuds pieds fans fandales & fans focs, quelque froid qu'il faffe, ne quittent jamais leur habit, travaillent elles-mêmes au jardin, & à tout ce qu'il y a de plus humiliant; leurs cellules font affreufes, & leurs lits fi petits, qu'elles ne peuvent s'y coucher entierement, elles y dorment comme affifes. Mais cette grande aufterité n'altere aucunement la joye, la paix,& la tranquillité de leurs ames, & n'empêche pas qu'elles ne vivent tres-long-temps. J'y ay eu une tante, qui y eft morte religieufe, âgée de quatre-vingt onze ans, & qui à cer âge ne pouvoit fouffrir qu'on luy fervît dans fes maladies des œufs, ou quelque chofe accommodé au beurre durant le carême. La tradition de la maison est qu'un ange en traça, le plan à Sainte Collette en 1412, c'eft pourquoy ces dignes filles d'une fi fainte mere n'ont jamais voulu qu'on aggrandît leur enclos, quoi qu'il ne foit pas fort étendu. L'abbeffe nous fit voir deux lettres de cette Sainte, dont l'une étoit écrite de fa propre main, à une religieufe d'Auxonne; l'autre à fon confeffeur, qu'on fera peut être bien aife de voir icy.

JESUS MARIA.

Ma tres-chiere & bien amée fille en Noftre Seigneur, tant humblement & chierement comment je puis, je me recommande à vous &à vos bonnes prieres devant Noftre Seigneur, en vous chierement priant, que vous foyez toufiours bonne fille, devote, humble, patiante, & oubediantes à vos prellas, & à toutes vos bonnes fœurs, pour l'amour de Noftre Seigneur, qui pour vous fut obediant jufques à la mort, & croyez toufiours ce bon confele de vous bonnes fœurs. Car je vous ay laiffies au convent d'Auxonne pour votre falut, car c'eft ung bon convent,& fay de vray qu'il y at de bonnes religieufes,& mettez parfaitement votre cuer en Dieu. Car nous qui avons quitté le monde, ne nous doit jamais chaloir de parens, ne de amis, fenon pour prier Dieu pour leur falut, & me recommande tres - humblement à voftre mere, quant elle vous venra voir; à noftre mere l'abbeffe, & à tous mes bonnes fœurs. Je prie le Saint Efperit qu'il vous ait a fa fainte garde, en accomplissant tous vos bons defirs. Amen.

SOEUR COLLETT E.

Et fur le dos de la lettre:

A ma tres-chiere & bien amée fille en Dieu feur Loyfe Bafende, demourant au convent d'Auxonne, cet foit humblement presentée.

LETTRE DE LA SAINTE A SON CONFESSEUR, Frere Pierre de Lavaux.

JESUS MARIA.

Mon tres-chier & bien amé pere en Noftre Seigneur, je vous recommande ma pauvre ame, la plus pauvre de tout le monde. Ellas que feraige, que deveraige devant le fouverain Juge. Cherte je n'offe penfer à mes horribles offenfes quer je arois caufe de toute defefperanche. Je fuis fans fentiment des biens efpirituels, mon chier pere, de tout la puissance de ma pauvre ame; je vous pris que vous metez toute la paine que porez d'amer Noftre Seigneur, embrafe

A a iij

de Loone.

voftre ceur en la benoiste Passion de noftre benoift Sauveur. Portez
& fentez les peines comme vrays enfans, ales par tout aprés, fi par
ardant defir maiprifies toutes autre amour que la fienne. Votre ef.
perance foit toute en ly, & je ay efperanche qu'il vous fera bien tant
de biens....& le mortifiez fouvent. Sa benite tremeur foit tousiours
en vostre ceur, mon Pere; n'ayez quefque foignement de my,
& ne
Laiffez à faire autre bien: Noftre Seigneur a plus pitié de my, que
je ne juis dine. Il foit garde de voftre ame. Amen.

+ Vostre indigne fille Seur COLLETTE.

D'Auxonne nous prîmes le chemin de Cîteaux en paffant par S. Jean S. Jean de Loone, lieu de ma naiffance, où je trouvay mes parens un peu affligez de la mort d'un de mes freres; ce qui m'obli gea d'y fejourner un jour pour les confoler. Ils firent de leur côté ce qu'ils purent pour nous témoigner le plaifir qu'ils avoient de nous voir: Ils en prenoient un fingulier à nous raconter tout ce qu'avoient fait nos peres pour témoigner leur zele & fidelité au service du Roy, lors qu'en 1636. l'armée Imperiale conduite par le general Galas, affifté des troupes des roys d'El pagne & d'Hongrie, commandées par le marquis de S. Martin, & de celles du duc Charles de Lorraine qu'il commandoit en perfonne, vint fondre dans la Bourgogne, & mettre le fiege devant S. Jean de Loone au mois d'Octobre. Monfieur de S. Poën gouverneur de la ville, qui n'avoit que cinq cens hommes de garnison pour la défendre,& qui à peine trouvoit quatre cens hommes parmy les habitans qui fuffent propres à porter les armes, voyant une armée formidable, capable d'inonder toute la Province, affembla les habitans, & leur reprefenta qu'il étoit impoffible de refifter à une armée fi puiffante; que ce feroit une temerité à une poignée de gens de vouloir mefurer les forces avec tant de troupes fi bien aguerries, que la prudence ne leur permettoit pas de s'expofer tous à une mort certaine, qu'ils ne pourroient pas fe difpenfer de livrer la place aux ennemis ; & qu'en l'extremité où ils fe trouvoient, tout ce qu'ils pouvoient faire, étoit de faire une capitulation hono. rable Les habitans qui ne mefuroient pas tant leurs forces fur leur nombre que fur leur courage, eurent bien de la peine à entendre ce difcours; & pour toute réponse, ils dirent au gouverneur avec beaucoup de refolution: Monfieur, fi vous parlez de vous rendre, nous allons vous jetter dans la riviere. Le gouver

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neur voulut s'excufer fur ce que fes troupes n'étoient point payées, & qu'il n'avoit point d'argent pour les payer. Alors un des principaux habitans pour luy fermer la bouche, lui offrit fa bourse, & fur le champ luy comta une fomme confiderable. Le gouverneur voyant une fi grande refolution, leur dit, Meffieurs, puifque vous êtes fi braves, je veux bien feconder l'ar deur que vous avez pour le fervice de Sa Majefté; & s'il faut perir, mourir au moins avec vous en homme d'honneur. Sur cela on renvoya le trompette qui étoit venu fommer la ville de fe rendre ; & je me fouviens d'avoir oui dire à feu mon pere, qu'on dreffa une potence pour pendre le premier qui parleroit de fe rendre. Les ennemis qui avoient fix-vingt pieces de canon attaquerent la ville avec beaucoup de violence, & firent un grand feu : Les habitans la défendirent encore avec plus de vigueur. Tous étoient continuellement en action; les femmes travailloient auffi-bien que les hommes, & ne servoient gueres moins. Celles qui étoient enceintes les nourrices & leurs petits enfans, étoient dans l'églife, & prioient Dieu devant le Saint Sacrement, qu'on avoit exposé. Enfin, les ennemis aprés avoir fait une bréche confiderable, refolu. rent de donner un affaut le jour de la fête de la Touffaint. Ils le donnent, & ils font repouffez avec une grande perte. Cette perte ne les rebute pas : Refolus d'en donner le jour fuivant un fecond, ils fomment les habitans une feconde fois de fe rendre, avec de grandes ménaces de leur part, fi on ne leur livre promptement la ville. Mais les habitans s'étant affemblez, renouvellerent tous (excepté quatre qui prirent la fuite) leur ferment de fidelité au Roy, refolus de mourir tous l'épée à la main, pour le fervice de Sa Majefté; & au cas qu'ils vinssent a être forcez de mettre chacun le feu dans leur maison, & dans le magasin des poudres ; & pour lors s'il y avoit lieu de s'évader, de fortir par le pont de Soone, & d'en brûler une arcade en fe fauvant. La refolution des habitans étonna les ennemis, qui voyant continuellement des hommes qu'on voyoit paffer exprés fur le pont de Soone, crurent qu'on avoit reçû un fecours confiderable, quoy que les habitans euffent feuls foûtenu le fiege jufqu'alors. Enfin, le troifiéme de Novembre fçachant que monfieur le comte de Rantzau, avec quinze cens hommes, avoit paffé par Auxonne pour fecourir la place; fatiguez d'ailleurs par les inondations de la riviere, ils furent contraints de lever honteufement le fiege, avea

perte de la plus grande partie de leur armée, qui étoit capable d'enlever toute la Bourgogne, & que la feule generofité des habitans mit dans l'impuiffance de rien faire cette année. On vit alors l'accompliffement de la prophetie de la bienheureuse fœur Marguerité du faint Sacrement religieufe Carmelite de Beaune, fi connue en Bourgogne par la fainteté de la vie & par les miracles continuels qui fe font à fon tombeau; car comme elle voyoit tout le monde effrayé de la prefence d'une armée fi formidable, elle dit: Laiffez-les venir, le faint Enfant Jefus les chaffera avec une paille. On peut bien dire que faint Jean de Loone comparé à une fi grande armée, n'eft qu'une paille.

Lorsqu'on fçut en cour la levée du fiege, & qu'on apprit le détail de ce que les habitans avoient fait pour le service de la couronne, le roy en eut une fi grande joye, que pour reconnoître leur fidelité, il leur accorda de grands privileges, les exemptant à perpetuité de toutes fortes de tailles & d'impôts, dont ils jouiffent encore à prefent ; & je me fou viens d'avoir oui dire à feu mon pere, que ce bon roy étant au lit de la mort recommanda à ceux qui devoient conduire le royaume aprés fa mort, fes fideles fujets de S. Jean de Loone. Le grand Henri de Condé gouverneur de Bourgogne étant venu à faint Jean de Loone, & ayant oui raconter ce que nous venons de dire, eut de la peine à le croire, & voulut voir la déliberation qui fe conserve dans la maison de ville. Mais lorsqu'il l'eut vûë, il admira la valeur des citoyens, & anima par cet exemple ceux qui étoient auprés de lui à bien fervir le roy. Nous voulûmes auffi voir cette déliberation,& on

ne fera peut être pas fâché de la trouver icy avec les lettres

patentes du Roy Louis XIII. qui contient les privileges octroyez à fes fideles fujets de faint Jean de Loone.

RESOLUTION DES HABITANTS DE LA VILLE DE faint Jean de Loone, de mourir pour le fervice de fa Majefté, & foutenir le fiege formé par les armées de l'Empereur, des Rois d'Efpagne & de Hongrie & le Duc Charle.

Nov

OUS Pierre Defgranges, & Pierre Lapre efchevins & juges de la ville & communauté de S. Jean de Loone, fçavoir faifons à tous qu'il appartiendra, Que ce jourd'huy dimanche deu xième du mois de novembre mil fix cent trente fix environ l'heure

de

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