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Hic jacet Guigo Craffus Delphinus primus & monachus magnæ pietatis.

Et contre le mur.

D. O. M.

GUIGONIS COMITIS

ANASTASIS.

Quam cernis tumuli effigiem,

Viator,

Monumentum eft, non fepulcrum
GUIGONIS Comitis Albonenfis
Memoria adornatum.
Is cognomento Craffus,
Inclyta ftirpis proles & parens,
Delphinorum caput,

Tanto fplendore nobilitavit nepotes,
Ut eorum dignitas

Ad Francorum thronum
Facta fit neceffarius gradus,
Nec aliter extingui potuerit
Clariffimum Delphinorum nomen
Quam regia fobole

Evaferit immortale.
Audi amplius.

GUIGO carnali pofteritate illuftris,
Spirituali felicior,

Dum S. Roberti Cafa-Dei abbatis
Filios adoptat,

In proprio caftro inftituit,
Hoc monafterium Cornilionenfe,
Ubi tot filios cælo educavit
Quot aluit monachos.

Et carnalium nepotum linea deficiente,
In fpiritualium filiorum fucceffione
Non defecit.

Audi & mirare.

GUIGO tantus dum crefcere cupit,
Minuitur totus

Et abjecto mundo ac feipfo,

Fit

Hujus cœnobii factus alumnus
& auctor.

Jam luge viator.

GUIGO vir magnæ pietatis,
Ut tradiderunt majores,
Et opera conteftantur,

Morti debitum folvit x1111. calendas februarii
Labente fæculo XI.
Sepultus loco humili,

Ubi confepulta memoria
Facere videbatur.

At Cornilionenfes cœnobita Congregationis S. Mauri
Optimi parentis memoriam

E tenebris vindicare cupientes,
Inftaurato monafterio

E veteri tumulo collectas

In hunc locum bonorificè tranftulerunt
Anno reparate falutis M. DC. LXII.

Le lendemain nous fûmes rendre nos refpects à monfeigneur l'évêque de Grenoble, qui nous reçut fort bien & prit plaifir à nous montrer lui-même fon palais épifcopal qui eft tres fomptueux. C'eft le cardinal le Camus qui l'a mis dans l'état. où il eft. Au lieu de riches tapifferies, il a mis dans fes falles des tableaux de prix de la vie & de la paffion de Notre-Seigneur,les portraits de tous les évêques de Grenoble, les noms de toutes les paroiffes de fon diocefe,des villages dont il tire les dixmes, & de tous les lieux où il donne des predicateurs. Cela eft modefte & inftructif en même temps.

Le jour fuivant qui étoit la fête de faint Dominique, nous fumes dire la meffe aux Jacobins, qui nous retinrent à dîner. Nous vîmes auffi monfieur de Beaumont maître des comptes, qui nous fit la grace de nous communiquer quelques manuf crits, & nous procura l'entrée dans la chambre des comptes. Comme nous trouvâmes de l'occupation à Grenoble tant dans les archives de l'évêque que dans celles du chapitre & de la chambre des comptes, nous y allions tous les matins, & nous retournions le foir à faint Robert: mais comme cela nous. emportoit tous les jours quatre heures de temps, nous prîmes le parti de manger & de coucher chez les peres de l'Ora

I. Partie.

Ii.

toire, qui nous reçurent chez eux durant trois jours avec beaucoup de charité.

Lorfque nous étions fur le point de prendre congé d'eux, il y vint un homme affez bien mis, tirant un peu fur l'âge, mais auffi vif qu'un jeune homme, qui nous divertit un peu, & nous fit en même temps compaffion fur fon aveuglement & fur fon entêtement Il fe plaignit avec beaucoup de chaleur à ces Reverends Peres, de ce qu'on vouloit lui faire des affaires fur une science qu'il avoit acquife par fon étude & par une dépense de quinze cens livres. Que cette fcience confiftoit à dire certainement, fi un homme qui eft malade, doit mourir de fa maladie, fi un homme qui fe bat en duel sera tué; fi un homme qui eft bleffé, a une bleffure mortelle : qu'aprés bien des recherches il avoit enfin trouvé cette science dans les ouvrages du venerable Bede, qui étoit un saint & un des plus fçavans hommes de fon fiecle : qu'il prioit ces Peres de lui faire voir les ouvrages de cet illuftre auteur. Nous tâchâmes d'abord de le defabufer, & nous lui dîmes que Be. de étoit trop éclairé pour donner dans une rêverie femblable à celle là Mais il foutint toûjours fon fentiment avec chaleur & une action fi animée, que nous avions bien de la peine à nous empêcher de rire: cependant comme il faifoit beaucoup d'inftances pour voir les ouvrages de Bede & pour nous y découvrir fa fcience, nous crûmes que le meilleur moyen pour le defabuser, étoit de les lui mettre entre les mains. Nous montâmes à la bibliotheque, & aprés bien des recherches, il trouva à la fin d'un volume de Bede, une roue avec une lettre adreffée à Menefyppus roy d'Egypte, qui avoit pour titre : De divinatione vita & mortis Pitofiris ad Menefyppum regem Ægypti epiftola. Lorfqu'il eut trouvé cette lettre, il triomphoit & avec les manieres échaufées, Lifez mon Pere, difoit il, voilà où j'ai puifé la fcience qui m'attire aujourd'hui tant d'affaires. Nous lui dîmes que cette lettre n'étoit point de Bede, & qu'elle étoit indigne de lui. Il foutint au contraire qu'elle en étoit. Pour le convaincre, nous lui dîmes qu'il n'avoit qu'à faire attention fur le titre de la lettre, & que bien loin d'être de Bede, il verroit qu'elle eft d'un auteur qui s'appelloit Pitofiris. Il fe récria beaucoup là-deffus, & foutine que Pitofiris n'étoit pas un nom d'homme, mais un mot grec qui fignifie cognitio. Nous admirâmes l'ignorance & la hardieffe de cet homme de dire que Pitofiris fignifioit cognitio, ; mais il

falloit le convaincre. Nous cherchâmes donc, & nous trouvâmes dans Pline que Pitofiris étoit un fameux aftrologue qui vivoit long-temps avant la venue de JESUS-CHRIST. Nous lui montrâmes cela fi demonstrativement, qu'il fut obligé de fe rendre, il en fut tout honteux, & fort fâché de s'eftre vû defabufer, & d'avoir perdu fur fon admirable fcience l'autorité d'un homme auffi venerable que Bede.

Chartreufe:

Etant à Grenoble, nous ne pouvions pas nous difpenfer La grande d'aller à la grande Chartreufe. Elle est fituée dans un defert affreux, où l'on n'arrive qu'après avoir monté deux lieuës par un chemin tres-étroit, au deffous duquel font des précipices, & au deffus des rochers à perte de vûë. Elle n'a rien d'agreable que ce qui plaît aux ames touchées d'une vive componction, & animées des fentimens d'une tres auftere penitence. On ne peut prefque concevoir comme il est pû venir dans l'efprit d'un homme, d'établir une communauté dans un lieu auffi horrible & auffi fterile que celui là. Mais ce qu'il y a de plus admirable, c'eft que l'horreur d'une fi vafte folitude n'ôtepoint la joye aux religieux qui l'habitent. Nous paffâmes avec eux la fête de l'Affomption & nous affistâmes à leurs matines, qui durerent quatre heures entieres. Ils nous montrerent leurs ornemens qui font tres riches, fur tout celui qui leur a éré donné par faint Louis roy de France, & une fort belle châffe de cristal, qui eft un prefent du pape Innocent XI. La maison ayant été brûlée fept fois, a été fort bien rebâtie, & au lieu de bardeau on l'a couverte d'ardoifes. Elle eft belle mais elle n'a rien de trop magnifique, ni qui bleffe la simplicité religieufe. A l'entrée on trouve quatre gros pavillons fort folidement bâtis, pour recevoir les prieurs de divers royaumes, qui viennent au chapitre general. Sur quoy il est à remarquer, que tous les prieurs venant à la Chartreufe, mettent pied à terre à la porte; mais les prieurs Allemands, à cause que faint Bruno étoit de leur pays, par un privilege fpecial, entrent à cheval dans la cour. Outre ces quatre pavillons, dans lesquels il y a bien du logement, il y a un grand corridor, où font beaucoup de cellules pour les capitulans; dans ce corridor on voit les plans de la plupart des Chartreufes de l'ordre. Celui de la Chartreufe de Marseille, qui eft admirablement beau, fe reffent du zele du Pere Dom Innocent Maffon; car ce grand general indigné d'y voir trop d'ornement, prit plaifir à le défigurer. Au bout de ce corridor eft la

;

S. Joire.

S. Chef.

falle du definitoire, dans laquelle on voit de fort belles peintures de la vie de faint Bruno, & au deffus les portraits de tous les generaux de l'ordre. Quoique les incendies frequentes qui font furvenuës à la grande Chartreufe, en ayent fait perir prefque tous les anciens monumens, on ne laiffe pas d'y trouver encore un nombre de manufcrits; mais ce n'est que par les foins du R. P. Masson, qui les a fait venir de la Chartreufe des Portes,

fi

Nous fortîmes de ce faint lieu fort édifiez pour aller à l'abbaye de faint Joire, où il y a douze religieufes Benedictines. pauvres, qu'elles font obligées d'aller entendre la messe à la paroiffe, mais pourtant fi attachées à leur état, que dans la chere année, qui obligea tant de religieufes à fortir de leur cloître, aucune d'elles n'alla chez fes parens. Nous y étions allez, comme par tout ailleurs, pour vifiter le chartrier; mais nous fumes fort furpris qu'à notre arrivée on nous pria de faire la ceremonie de la fepulture d'une religieufe qui étoit

morte.

Le lendemain nous fâmes à l'abbaye de faint Theudere, qu'on nomme vulgairement faint Chef. Jean XXII. unit la dignité & la manfe abbatiale à celle de l'archevêque de Vienne, & Paul III. la fecularifa en 1535. Il y a vingt-huit chanoines, qui font preuve de quatre degrez de noblesse du côté de pere & de mere, un doyen & huit perfonnats. Le doyen a quatre mille livres de rente, & l'archevêque douze.

Tous ces meffieurs nous comblerent d'honnêteté, & nous communiquerent de la meilleure grace du monde ce qui leur refte d'anciens monumens de la fureur des heretiques. Car ces impies brûlerent en 1562. toutes les chartes; mais ja mais ils ne pûrent brûler l'églife. Un plus determiné que les autres monta à la charpente pour mettre le feu au lambris; mais il laiffa à la pofterité des marques vifibles de la punition de fon impieté. Car s'étant laiffé tomber, il rougit tout le pavé de fon fang, qui n'a pû s'effacer depuis ce temps là quoiqu'on l'ait lave fort fouvent. Saint Theudere premier abbé du monaftere & faint Theobalde archevêque de Vienne ont été enterrez en ce lieu, mais aujourd'hui on n'a aucune de leurs reliques, foit qu'elles foient demeurées en terre, foit qu'elles ayent été brûlées par les heretiques, ce qui eft plus probable: car nous trouvâmes une ancienne infcription d'environ quatre cens ans, qui porte qu'un prêtre nommé Jean

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