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Il étoit de l'églife une vive lumiere,
Le bouclier de fa liberté,

Le foutien de fa verité,

Qui conferva toujours fa difcipline entiere.

Quand il monte à grands pas au faîte des vertus,
Quand la haute fagesse éblouit tout le monde,
Il s'abaiffe de plus en plus
Dans une humilité profonde.

Des dons fi grands & fi parfaits,
Dont la celebre renommée

Etoit en tous lieux parfemée,

Furent en luy des biens qu'il ne connut jamajs.

Il vit d'une conftance extrême
Les viciffitudes des temps,

Et dans les maux les plus preffans.
Fut toûjours femblable à luy-même.

Le zele genereux qui dévoroit fon cœur,
Rempliffoit fon efprit d'une fainte ferveur,
Et d'une active vigilence;

Et ce feu confomma fur un divin autel
Par une longue patience,

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Tout ce qu'il avoit de mortel.

Il est mort ce prelat illuftre,

Aprés avoir régi durant trente-huit ans

Son églife & fes chers enfans,

Et porté fès beaux jours jusqu'au seiziéme luftre.

J'ajouterai à cette épitaphe un fonnet fait pour luy servir auffi d'épitaphe.

Icy gift un prelat, qui de fa fepulture

Voulut bannir la pompe & les vains ornemens :
Mais de fa fainteté les fameux monumens

Parlent bien mieux de luy, que n'eût fait la fculpture.

Son efprit fut fi ferme, & fon ame fi pure ̧ ››
Son cœur fi dégagé des faux amusemens,
Que les peuples ont vu dans tous fes reglemens
De la premiere église une vive peinture.

Mirepoix,

Pamiers.

Foir,

Il fut d'un faint prelat le modele parfait,
Humble, pauvre, & caché, mais toûjours fatisfait,
Veillant fur fes brebis & toûjours à lour suite.

O! vous qui nous devez un exemple pareil,
Si vous ne voulez pas imiter fa conduite,
Au moins ne cherchez pas des taches au foleil.

D'Alet nous prîmes la route de Mirepoix, petite ville épifcopale de peu de confequence. La cathédrale n'a rien de remar-quable, que le tombeau & les reliques de faint Gauderic berger,. l'argenterie & les tapifferies que Philippe de Levis évêque de Mirepoix & abbé de la Graffe y a donné. Nous vêmes auffi dans les archives des livres de choeur faits par un Cordelier manchot, où il y a de tres-belles mignatures.

Pamiers n'eft éloigné de Mirepoix que de trois. lieuës. La ville eft un peu plus belle. L'églife cathédrale bâtie par monfieur de Caulez, & ornée par monfieur de Verramont, eft tres fomptueufe. Le palais épifcopal eft magnifique, il y a des peintures admirables, & des tapifferies tres-riches.

Dans le diocefe de Pamiers eft l'abbaye de faint Volusien de Foix, fituée dans le conflant de l'Arege, dont le fable est mêlé de pouffiere d'or, & de l'Argentine. C'étoit originairement une maison de l'ordre de faint Benoift, qui dépendoit de l'abbaye de faint Tiberi. Sur la fin du onziéme fiecle ou au commencement du douzième, elle fur donnée aux chanoines reguliers, qui la poffedent encore aujourd'huy. Cette abbaye avoit été, comme les autres, exposée à la fureur des Calviniftes, qui étoient fort puiffans à Foix mais la reforme de fainte Genevieve a reparé tous les defordres que l'herefie & le relâche des anciens religieux y avoient caufé Nous y fumes reçû avec tout l'acceuil & toute la charité poffibles, & comme j'avois déja eu quatre atteintesd'une fievre tierce, je m'y fis faigner. Nous y pafsâmes la feste de la Nativité de la Vierge, & nous fumes ce jour-là dire la meffe au Montgaufi, où il y a une chapelle de Nôtre-Dame qui dépend de l'abbaye. Il y a ce jour-là un grand concours de peuple, qui y vient non feulement de la ville, mais auffi de tous les environs; & ce qui eft de plus admirable, c'eft que beaucoup des pelerins montent à genoux la montagne, & ballient les che mins de leurs habits. Nous fumes touchez de la foy de ces bonnes gens, & nous ne fommes pas furpris fi Dieu les exauce plû

tôt que les riches, qui croyent offrir à Dieu un grand facrifice, lorfque du bout des lévres ils difent quelques formules de prie res. En faveur des paysans on prêche la veille en patois; mais le jour de la fête on prêche en François.

Nous devions aller de-là au Mas-d'Azile, à Combelongue, & à Conferans; mais comme j'étois incommodé, je laissai ce travail à mon compagnon, & je pris le chemin du monaftere de la Graffe, pour y prendre quelque foulagement.

La Graffe eft une abbaye fort illuftre dans le Languedoc, fon- La Grasse. dée du temps de Charlemagne, fur une petite riviere, dans un fond environné de tout côté de montagnes. Les donations qui luy ont été faites par les princes & par les grands feigneurs, & les biens nobles qu'elle poffede, l'ont rendue la plus confiderable du pays. On n'y voit pourtant rien, ny dans les bâtimens, ny dans l'églife, qui fe reffente de fon ancienne fplendeur, excepté le grand autel qui eft magnifique. On montre dans le tréfor la châffe de faint Maxime évêque de Riez, le chef de faint Abyn archevêque d'Embrun, qu'on a long-temps fait paffer pour le chef de S. Aubin évêque d'Angers; & une boëte d'yvoire, dans laquelle on confervoit autrefois le faint Sacrement à une chapelle. Il y a dans la bibliotheque un texte des évangiles, qu'on prétend avoir été donné par l'empereur Charlemagne ; & dans les archives une bulle du pape Agapet, écrite fur de l'écorce; avec le teftament de Guillaume cardinal de fainte Marie au delà du Tybre, fait l'an 1369. Il avoit été religieux de faint Martial de Limoges, & voulut y être enterré avec fon fcapulaire fous le rochet.

Je paffai fix jours à la Graffe, & ma fanté s'étant rétablie durant ce temps-là, mon compagnon arriva, & nous partîmes enfemble avec le R. P. prieur de la Graffe, pour aller à Fontfroid Fontfroid. abbaye de l'ordre de Cifteaux, fondée vers l'an 1130. par Emeri vicomte de Narbonne dans une folitude affreuse. Le monaftere eft toutefois illustre, & a l'honneur d'avoir eu pour abbé le abbé le pape Benoift XII. une des plus brillantes lumieres de cet ordre. Quel ques auteurs ont avancé, que plufieurs des vicomtes de Narbonne y étoient enterrez; cependant il ne paroît aucun monument d'eux dans l'abbaye, que le tombeau du dernier, qui fut tué l'an 1444. dans un combat contre les Anglois. On voit fon lépulere de! pierre au milieu du chœur.

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supados o Nous filmes tres-peu de chofe à Fontfroid, parce que les ar- Narbonne. chives étoient à Narbonne, où nous arrivâmes le 18 de feptem

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bre. Le lendemain, qui étoit un famedi des Quatre-temps, nous allâmes à la cathédrale. Nous y arrivâmes comme on chantoit la grande meffe, à laquelle on fe fervoit d'ornemens de couleur verte. Le diacre & le foûdiacre n'avoient ny tunique, ny dálmatique, ny planetes pliées, mais feulement des aubes parées. On étoit à l'offertoire lorfque nous entrâmes. Je fus fort attentif au reste des céremonies, & je remarquai que le foûdiacre soutint la patene jufqu'au Pater, qu'il vint la donner au diacre, qui la tint élevée jufqu'à ce qu'il fallut la remettre au célebrant. A l'élevation fix clercs tenoient debout des flambeaux. Deux autres clers auffi debout encenferent le faint Sacrement à l'élevation avant le Pater, & à Domine non fum dignus. Al Agnus Dei deux petits enfans de choeur vinrent prendre la paix, qu'ils donnerent premierement au diacre & au foûdiacre, enfuite aux deux thu riferaires, puis au choeur : cependant le diacre & le foûdiacre demeurerent à genoux jufqu'après la communion. Le célebrant prit la feconde ablution au coin de l'autel, & y purifia fon calice.

Aprés avoir remarqué les céremonies, nous confiderâmes l'églife. Elle ne comprend que le chœur, mais il ne cede en rien aux plus belles églifes du royaume. Son élevation, fa largeur, & fa délicateffe attirent l'admiration de tout le monde. Le tour dés chapelles répond à cela. Il eft large, élevé, & tres bien percé. Le grand autel eft magnifique : c'eft, fi je ne me trompe, monfieur le cardinal de Bonzy qui l'a fait faire. Au milieu du chœur eft le tombeau de Philippe le Hardy roy de France, fils de faint Louis, fur lequel on lit cette infcription.

Sepulcrum bone memoria Philippi quondam Francorum regis, filiż B. Ludovici, qui Perpiniani calida febre ex hac luce migravit tertia Nonas Octobris, anno Domini M. CC. LXXXV.

On voit dans une chapelle un tableau de la refurrection de Lazare, peint par Michel-Ange, dont le pape Clement VII. qui avoit été archevêque de Narbonne, fit préfent à cette églife. On dit qu'il avoit été deftiné pour l'église de Marfeille, & qu'il en avoit fait faire un autre pour celle de Narbonne : mais que par méprife on envoya à Marfeille celui qu'on devoit envoyer à Narbonne ; & à Narbonne celui qui étoit destiné pour Marseille; & que chaque églife trouva celui qu'elle avoit reçû fi beau, qu'elle ne voulut pas s'en défaifir. On nous montra auffi un crucifix, qu'on dit être celui dont parle Gregoire de Tours ; mais il ne

nous

nous parut pas d'une fi grande antiquité. La facristie eft fournie de tres-riches ornemens, & de beaucoup d'argenterie. Le foleil où l'on expose le faint Sacrement, eft fi grand & fi maffif, qu'il faut huit preftres pour le porter.

L'aprés-dîné nous fumes au palais archiepifcopal, qui eft tresmagnifique, quoique d'une ancienne ftructure, & qui n'eft pas du goût d'aujourd'hui. On y voit plufieurs anciennes infcriptions Romaines; mais comme nous étions perfuadez qu'elles ont été ramaffées par plufieurs, nous ne les prîmes pas. Il y a dans le jardin un tombeau de marbre avec des figures antiques, qui font connoître qu'il eft d'un chrétien. La bibliotheque de monseigneur l'archevêque eft tres-riche, tous les livres font bien conditionnez. Cet illuftre prelat étoit abfent, mais nous ne laiffâmes pas de voir fes archives, qui font tres-belles, tres bien fournies, & fort bien difpofées. Nous n'en avons point vû de meilleures dans aucune cathédrale, & où nous ayons plus puifé: auffi reftâmesnous à Narbonne plus long-temps que nous n'avions crû. Monfieur Pesch chanoine de faint Paul nous accompagna pendant tout ce temps-là, & prenant plaifir de travailler avec nous, il nous épargnoit toute la peine qu'il pouvoit. Il nous fit même voir quelques manufcrits tres-rares, qui font à luy, dans lesquels nous trouvâmes des chofes qui nous firent plaifir, fur tout l'ancienne Version Italique du livre de Tobie & de celui d'Efter. Il nous donna une copie d'une lettre du roy faint Louis aux confuls de Narbonne, extraite de l'original qui eft dans les archives de cette ville, que je veux rapporter icy.

Ludovicus Dei gratia Francorum rex, dilectis fuis confulibus & univerfitati civitatis & burgi Narbonenfis falutem & dilectionem. Noveritis quod oblationem mille librarum Turonenfium nobis feu genti noftra, fcilicet Arnulpho de Curia Ferrandi militi, & magiftro Raymundo Marci clerico noftris, à vobis nomine nof tro factam pro fubfidio noftri passagii tranfmarini, plurimum gratam habentes, intelligimus gratis factam & ex mera liberalitate veftra, abfque omni prajudicio juris & libertatis veftra; nec ex hoc intendimus novam inducere confuetudinem, nec etiam vos propter hoc ad fimilem praftationem in pofterum obligari : in cujus rei teftimonium prafentibus litteris noftrum fecimus apponi figillum. Actum apud Aquas-mortuas die Jovis ante feftum Afcenfionis Domini, anno ejufdem M. cc. feptuagefimo.

La chofe la plus curieufe qui foit dans Narbonne, c'est le canal

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