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AN.1536. plus d'autre que la guerre. Mais l'empereur qui avoit des affaires en Italie, dont il ne pouvoit fe debarraffer, qu'en cedant le duché de Milan qui faifoit le principal objet de fes penfées, alleguoit que la guerre contre les Proteftans n'étoit pas de faifon, pendant qu'on avoit à défendre Milan contre les François. Le pape qui n'avoir d'autre but que de faire tomber ce duché entre les mains de quelque Italien, & qui propofoit la guerre 'Allemagne, autant pour détourner l'empereur de l'entreprise de Milan, que pour opprimer les Lutheriens, comme il le difoit affez publiquement, repliqua à l'empereur, qu'en fe joignant avec les Venitiens, il lui feroit aifé de faire défifter le roi de France, foit

XII.

Le pape &

délib-rent

par

les armes ou par la negociation. Mais Charles ayant penetré l'intention du pape > feignit adroitement de le croire, & de confentirà la guerre d'Allemagne, difant toutefois, que pour n'avoir pas tout le monde fur les bras, il falloit en juftifier auparavant la caufe, & montrer par la convocation d'un concile, que l'on avoit tenté tous les autres moïens. Le pape n'étoit pas faché qu'ayent à le convoquer, ce fut dans un tems auquel l'Italie alloit avoir la guerre avec les François, qui avoient déja occupé la Savoye & le Piémont, parce que ce lui feroit un prétexte honnête pour environner le concile de gens armez,fous couleur de le défendre. Mais il le vouloit fous de telles conditions que le faint fiege n'en fouffrit rien.

Il s'agiffoit donc du lieu où l'on convoquel'empereur roit ce concile; & le pape informé par fon nonce Verger, que les Proteftans de la ligue fur le lieu de Smalkalde, avoient refolu entre eux de du concile. ne vouloir abfolument le concile que dans

en femble

une ville de l'empire, n'eut pas de peine à témoigner à l'empereur qu'il ne fouhaitoit AN. 1536 rien tant que de fe conformer entierement à Pallav.hift fes defiis, fur un article de fi grande impor- conc. Trid. tance, connoiffant bien que cette ardeur qu'il 7. 3. c. 19. avoit pour la convocation d'un concile; ne » 2. procedoit que d'un grand zéle pour les interêts de Dieu, qu'ainfi il se voyoit obligé de lui faire connoître combien il étoit porté à lui donner toutes fortes de fatisfactions.

XIII.

lls con

la ville de Mantouë.

Le pape néanmoins bien-loin de nommer une ville d'Allemagne; choifit celle de Mantoüe en Italie, donnant à entendre à l'empe- viennent de reur qu'il n'y avoit point de lieu plus commode que celui-là pour toutes les provinces Sedan in de l'Europe qui avoient interêt d'y affifter; comm 1. 10. ensuite il affigna le temps de la convocation p. 318. de ce concile au mois de Juin de l'année fuivante 1537. L'empereur qui efperoit que le concile lui ferviroit à deux chofes, l'une à tenir le pape en bride s'il lui prenoit envie de fe réunir avec la France, l'autre à reduire toute l'Allemagne à fon obéiffance, accepta volontiers la ville de Mantoue pour le lieu du concile, & ne fit point de difficulté fur les conditions, parce qu'il lui fuffifoit qu'il y eût un concile, & qu'il lui feroit aifé de changer tout ce qui ne lui plairoit pas, & de faire confentir la plus grande partie de l'Allemagne, à la tenuë & aux conditions du même concile. L'empereur étant fur le point de partir de Rome, y fut vifité par deux envoyez de France Velli, & l'évêque de Mâcon qui étoient à Rome. Ces deux envoyez ayant appris que le pape formoit un obftacle à l'inveftiture du duché de Milan en faveur du duc d'Orleans, parce que Catherine de Medicis fa femme deviendroit par-là en poffeffion de

XIV.

L'empe

France.

liv. 5.

ce duché, ce que le pape ne vouloit pas, alAN.1536. lerent le trouver pour tacher de lui faire changer de fentiment. Mais le pape qui n'aimoit reur amufe pas la famille de LeonX.& deClement VII.& les amb af- qui ne vouloit pas cependant paroître trop fadeurs de oppofé à ce qu'on lui demandoit, répondit qu'autant qu'il avoit pu connoître les deffeins Du Bellay de Charles V-ce prince ne lui avoit pas paru difpofé à donner leMilanez au duc d'Orleans, & qu'il falloit s'attendre à une rupture, fi le roi ne vouloit point d'accommodement làdeffus. Velli & fon collegue qui fentoient affez ce que ce difcours vouloit dire, ne laifferent pas d'aller trouver l'empereur,qui leur repondit, qu'ils n'avoient qu'à le fuivre tous deux chez le pape, où il les inftruiroit de fes intentions, & en même temps il fit dire aux ambaffadeurs de Venise qui étoient dans l'antichambre, de s'y trouver.

XV.

Charles V.

Il entra auffi-tôt après dans la chambre du confiftoire, où le pape avoit affemblé ce jour là les cardinaux, les ambaffadeurs, &tous les principaux prélats de Rome, les grands & les plus confiderables officiers de la cour imperiale: car le pape croyant que le deffein de Charles V. qui avoit demandé cette affemparle con blée, étoit de faire en public des remercitre le roi mens des honneurs qu'il avoit reçus à Rome, de France avoit donné les ordres neceffaires pour la renen plein confiftoire. dre la plus nombreuse qu'il feroit poffible. Pallav ut Le confiftoire, à la referve de quatre carFisp.b. 3.c.19. dinaux qui demeurerent avec le pape, alla 20 8. recevoir l'empereur jufqu'à fon appartement, I Bellay & Payant conduit au lieu ordinaire, le pape averti de fa venue defcendit pour le recevoir: l'empereur après l'avoir falué,lui dit qu'il avoit à parler d'affaires d'une extrême importance devant tout le facré college, & même publi

15. p.:24

fistv.

quement, & qu'ainfi il demandoit qu'on ne fît fortir perfonne. Auffi-tôt les cardinaux AN.1536 s'approcherent de même que les ambaffadeurs de France, ceux de Venise derriere eux, & un peu au delà plufieurs autres ambaffadeurs, & un grand nombre de perfonnes de qualité de la cour de l'empereur, & de celle du fouverain pontife. Enfuite l'empereur fe leva de fon fiege, & le bonnet à la main, commença un difcours en Efpagnol dans lequel il repandit toute la bile contre les François.

XVI. Difcours de l'em pe

reur en

plein confiDaniel hift

ftoire

de France.

Belcar. in

comm. ibid. ut fupra. Mem. hift.

Il dit d'abord que deux chofes l'avoient obligé de venir à Rome, l'une pour rendre fes refpects au pape, & le supplier de vouloir affembler un concile general; ce que fa fainteté lui avoit accordé, en nommant le lieu, & lui marquant le temps de fa convocation. L'autre pour faire entendre au fouverain pon- tom. 5.in4. tife, le defir qu'il avoit toûjours eu, pour le pag 664. bien general de toute la chrétienté, d'entretenir une bonne amitié & fincere correfpondance avec le roi François I. qu'il avoit taché par toutes fortes de moïens d'engager ce politiq. prince, à le feconder dans les deux defleins de la maique Dieu lui avoit infpirez, d'étouffer l'hére- fon d'Au & qu'il fie & d'arrêter les progrez des Turcs, l'avoit toûjours trouvé fi contraire à l'un & à P.255. l'autre, qu'il ne lui reftoit plus d'autre voïe pour le reduire à la raifon, que de fe plaindre de lui devant la plus augufte affemblée de la chrétienté. Il entra enfuite dans le recit de fes plaintes, & rapporta tout ce qui s'étoit paffé depuis les traitez faits entre l'empereur Maximilien fon ayeul, & Louis XII. pour l'union des deux maifons. Il dit que le roi lui avoit enlevé Claude de France; qu'il lui avoit manqué de parole en faveur de Renée qui lui étoit promife; qu'il l'avoit engagé dans une

triche to.

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0.x.

Raynald. annal. tom. 21 ad hunc an. n. 6.

ligue contre l'Angleterre pour l'abandonner AN.1536 enfuite; qu'il avoit employé toutes fortes de moïens pour troubler fon élection à l'empire; que la France lui avoit fufcité Robert de la Marx,& le duc de Gueldres pour ennemis & qu'elle avoit fomenté les guerres civiles d'Efpagne. Que le roi lui avoit declaré la guerre, dont il avoit été puni par la perte de fa liberté, & que pour fortir de prifon il lui avoit juré d'obferver exactement le traité de Madrid, quoiqu'il l'eur violé en tout auffi-tôt qu'il s'étoit vu en liberté. Qu'ayant enfuite terminé leurs differends par le traité de Cambray, le roi de France ne l'avoit pas longtemps obfervé,qu'il avoit attaqué vigoureufement le duc de Savoye beau-frere de fa majefté imperiale,& s'étoit emparé de fon pays. Qu'il avoit fufcité contre fa perfonne le landgrave de Heffe, le duc de Vittemberg, & les autres princes Lutheriens, jufqu'à leur fournir de l'argent pour les mettre en état d'entreprendre la guerre.

Il vint enfuite à la mort du duc de Milan, & dit que le roi avoit demandé les états du défunt,comme échus à fes enfans par la fucceffion de leur mere, quoiqu'il eût reconnu François Sforce en qualité de poffeffeur legitime de ce duché, que cependant on avoit promis de les en gratifier, pourvû que le roi s'expliquât nettement fur ce qu'il avoit deffein de faire par reconnoiffance pour la ruine de l'herefie,pour la tranquilité des Italiens, & pour le recouvrement de la Hongrie. Que depuis fur une lettre de la reine de France, qui portoit qu'encore que le roi fon mari eut mieux aimé l'inveftiture pour fon fecond fils, il feroit néanmoins content qu'elle paffât au troiûéme, on avoit affuré le roi que le duc

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