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quatre-vingt dix huit genres déterminés par les fleurs & par les fruits pris ensemble, & qui fe foudivifent en huit mille huit cens quarantefix espèces de plantes que caractérisent les différences, ou de la racine, ou de la tige, ou des feuilles.

Pour connoître donc toutes les plantes, il fuffit de retenir dans la mémoire quatorze figures de fleurs ; & lorfqu'on voit une plante qu'on ne connoît pas, le fyftême de Tournefort apprend à quelle claffe elle fe rapporte. La règle générale eft que toutes les plantes, femblables par les fleurs & par les fruits, font de même efpèce, & que la différence de la racine ou de la tige, ou des feuilles font leurs différentes espèces.

Ce fyftême, qui parut, en 1694, fous le titre d'Elémens de Botanique, ou Méthode pour connoître les plantes, fut très-goûté, & en mêmetemps adopté par les Botaniftes les plus habiles & quoiqu'on propofât de nouvelles divifions de plantes avec des raifons plaufibles pour les faire adopter, la doctrine de Tournefort ne perdit point de fon crédit. Mais, en 1737, M. Linnaus découvrit qu'aucune de ces divifions ne réfolvoit le problême, dont la folution étoit i defirée, fur le caractère des plantes.

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Ayant en quelque forte mis fous fest fept mille plantes, il reconnut que les étamines & les piftils formoient ce véritable caractère. La confidération de ces parties des plantes lui fournit vingt-quatre claffes, & onze cents foixante-quatorze genres. Il publia cette découverte dans un livre qu'il fit imprimer fous ce

titre: Methodus fexualis fyftema à ftaminibus & piftillis, éd. in-8°.

On fit le plus grand accueil à cet ouvrage; & un habile Botanifte, nommé M. Royen, ne fe contenta pas d'en parler avec admiration; fon enthousiasme alla même fi loin, qu'il ne reconnut plus de grand Botaniste que Linnæus. Cela ne plut point à tous les Botaniftes. Les Difciples de Tournefort furent furtout choqués de cet éloge fi pompeux, qui déprimoit le mérite de leur Maître: ils cherchèrent à contef ter au favant Suédois la réalité de fa découverte. Quoiqu'on eût lu jufques-là tous les écrits des anciens Naturaliftes avec la plus grande attention, & qu'on n'y eût rien vu qui pût donner quelques lumières fur les principes de la Botanique, cependant les yeux de l'envie, ou fi on l'aime mieux, l'amour de la gloire de Tournefort, leur firent découvrir chez les Anciens le fyftême de Linnaus. Ontrouva que les premiers Botanistes de la Grèce l'avoient connu; que Théophrafte & Pline en avoient parlé; que Bauhin, Griew, Malpigli, Rai, Vail lant, &c. ne l'ignoroient pas; & que Boerhaave avoit employé, dès l'an 1710, la confidération des étamines & des piftils, pour caractériser les genres: mais on convint que l'exécution de cette méthode eft neuve, & dûe à Linnaus.

Sans s'arrêter à ces chicanes, ce favant Botaniste s'attacha à bien mériter de la Science qu'il cultivoit, en l'enrichiffant de plufieurs écrits très-favans, & dignes des plus grands éloges. Parmi ces productions, qui forment

environ vingt volumes de différens formats, on diftingue fon Syftema natura, qui a été adopté par des Botanistes très-éclairés; favoir, MM. Ch. Gronovius, Browne, & Jacquin. Auffi le nombre des partifans de Linnaus a balancé celui des Difciples de Tournefort, si même il ne l'a point furpaffé. Ce qu'il y a de certain, c'est que ces deux grands Botaniftes partagent aujourd'hui tous les Savans & tous les Amateurs dans la fcience des plantes.

Pour faire connoître l'état actuel de la Botanique, je vais tranfcrire l'expofition exacte qu'en fait M. Adanfon dans la Famille des Plantes, part. I, pag. 141.

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« Les bibliothèques de Botanique regorgent » de catalogues, appelés Flora, Hortus, Botanicon, &c., qui font l'énumération des plantes qui croiffent dans chaque Province, » ou dans chaque jardin: encore ces derniers font-ils utiles, en ce qu'ils font connoître » l'état actuel de la Botanique dans chaque État. On peut citer pour modèle de ces catalogues, celui de Simon Pauli, publié en "1652, fous le titre de Viridarium, in-12, Haffnia: il contient tous les jardins publics » de Botanique de fon temps... C'eft un grand abus que la multiplicité de ces catalogues; abus qu'entraîna le Pinax de C. » Bauhin, en faifant des Nommeurs de plantes: qu'on me paffe ce terme, qui me paroît » meilleur que ceux de Nomenclateur, Nomi»nateur ou Dénominateur. Cet ouvrage donna » lieu à 300 volumes de catalogues, qui parurent depuis 1596 jufqu'en 1753, &c. ».

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Comme on s'applique aujourd'hui à face des phrafes pour les plantes, M. Adanfon prétend que cette méthode fait de la Botanique une fcience vaine de noms, & point du tout une science de faits; & il reproche à M. Linnaus de lui avoir donné une nouvelle faveur par fon livre intitulé: Species Plantarum. Dès que cet ouvrage parut, continue M. Adanfon, les gens les moins verfés dans la Botanique, fe crurent Botaniftes, avant même de favoir les principes de cette fcience. Chacun, dans fa Province, voulut faire des catalogues des plantes qui s'y trouvent, & quels catalogues!

Les uns copient mot pour mot les phrafes de Linnaus; les autres y font de légers changemens, & fe fondent fur des remarques minutieufes, qui les rendent encore moins exactes: de forte qu'on a vu paroître, en moins de dix ans, une centaine de catalogues, qui ne font qu'une copie des phrafes de ce grand Naturalifte. Cette manie de catalogues gagne au point de faire craindre que la Botanique ne foit enfin accablée fous le poids inutile de ces phrafes, qui ne font, fi l'on en croit l'Auteur de la Famille des Plantes, " qu'une écorce » gangrenée de la fcience ». Mais il faut efpérer, ajoute-t-il, que le nombre des Provinces de l'Europe n'étant pas inépuifable, la fource des catalogues tarira, lorfqu'on en aura fais un ou deux mille.

Ces catalogues, malgré l'abus qu'on en a pu faire, nous ont pourtant fait connoître le nombre de plantes qu'on a découvert on en compte aujourd'hui foixante-dix mille, parmi

lefquelles on n'en trouve guères qu'environ dix mille d'efpèces différentes, les autres figures qu'on en a, étant des répétitions des mêmes plantes.

On nomme ces plantes, on défigne leur caractère; mais on ignore les vertus de plufieurs d'entre elles. Les Anciens leur attribuoient des qualités occultes. Ayant cru reconnoître enfuite une analogie dans la figure d'une plante, fes couleurs, fa végétation avec le mécanisme du corps humain, on ne douta point qu'il n'y eût une fympathie entre les hommes & les végétaux, & on fe fervit de cette raifon pour expliquer les effets que les plantes opérent comme médicamens. Ces fyftêmes eurent cours jufqu'au temps où on imagina de décompofer les mixtes pour en découvrir la nature.

Les premiers effais de cette méthode fe firent fur des minéraux, & les connoiffances qu'ils procurèrent donnèrent l'idée de décompofer auffi les végétaux, afin de connoître leurs vertus par leurs produits. Quatorze cents plantes furent mifes confécutivement à cette épreuve ; mais on en retira les mêmes principes, & on ne trouva aucune différence entre les plus falutaires & les plus venimeufes. L'expérience & le hafard fuppléerent d'abord à ces tentatives infructueufes, & firent connoître en mêmetemps, que les diverfes parties d'une même plante peuvent avoir des vertus différentes, fuivant la nature des fucs qu'elles contiennent, & la différence d'organisation: & c'est par ces deux voies, l'expérience & une ana

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