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à la Louifiane & à la Caroline. C'eft un arbriffeau aquatique, de la hauteur de nos cerifiers, qui a le port du mirthe, & dont les feuilles ont auffi à peu près la même odeur. Sa graine, qui eft mûre en automne, étant bouillie, rend une fubftance graffe, laquelle venant à furnager, fournit la cire dont il s'agit une livre de graine en rend plus de deux onces; & cette graine eft fi commune, qu'un homme en peut cueillir aisément quinze livres par jour.

L'utilité de cette forte de cire eft d'autant plus grande dans ces pays, je veux dire la Louifiane & la Caroline, qu'à caufe de la grande chaleur qui y règne, les chandelles de fuif fondent fans être allumées.

Il y a à la Chine un arbre femblable à celui-ci pour la forme, qu'on nomme Arbre de fuif, parce que fon fruit donne véritablement cette fubftance. Ce fruit confifte en des grains blancs, de la groffeur d'une noisette, dont la chair a la qualité de fuif: on la fait fondre avec de l'huile ordinaire, & on en forme des chandelles, que l'on trempe dans la matière que fournit l'arbre de cire; ce qui forme une croûte autour de la chandelle, qui l'empêche de couler.

Dans le même empire de la Chine, croît un arbre qu'on peut nommer Arbre à huile, parce que fon fruit rend en grande abondance une huile excellente. Les Chinois appellent Tonchu, un autre arbre affez femblable au noyer, dont ils retirent une huile qui fait un très-beau vernis: mais le vernis véritable de la

Chine, celui qui eft connu à Paris fous le nom de vernis de la Chine, vient d'un arbre d'une moyenne hauteur, appelé Thi-chou. Lorfque ce vernis fort de l'arbre, il reffemble à la poix liquide; mais lorfqu'il a été expofé à l'air, fa furface prend d'abord une couleur rouffe, & peu-à-peu il devient noir.

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L'arbre aux favonettes peut être mis dans la claffe des arbres dont je viens de parler. porte un fruit femblable à la cerife pour la forme, mais de couleur jaune, & dont la fubftance claire & gluante étant agitée dans l'eau, la rend mouffeufe comme le favon, & lui donne la propriété de dégraiffer & blanchir le linge.

De tous les arbres les plus utiles, il n'en eft point comme l'Arbre de pain, qui croît naturellement dans l'ifle de Tinian. Ce fruit eft de fi bon goût, qu'on s'en nourrit au défaut de pain. Les gens de l'équipage de l'Amiral Anfon en mangèrent, & le préférèrent au pain même; de façon que pendant fon féjour dans l'ifle fortunée de Tinian, on ne diftribua point de pain à l'équipage. (Voyage autour du monde, de l'Amiral Anfon).

Au refte, tout le monde fait que les Indiens font du pain ou une forte de galette, qu'ils appellent Caffave, avec la racine du magnoc, qui eft un arbriffeau de cinq pieds de haut, & dont la racine reffemble à celle du fureau. (Troisième Lettre du P. de la Neuville, Jéfuite, fur les habitans de la Guyenne).

Enfin un dernier arbre digne d'être remarqué parmi ceux qui font finguliers par leur

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utilité, c'est l'Arbre à enivrer les poissons, lequel croît dans les Antilles. L'écorce de cet arbre étant bien pilée, & mife ainfi en poudre dans des facs, fi on jette de ces facs dans une rivière où l'on veut pêcher, les corpufcules qui s'en détachent fe mêlent dans l'eau, & enivrent les poiffons; de façon qu'on les voit d'abord fur les eaux, & fe jeter enfuite fur le rivage.

Anciennement dans la Judée, & dans l'Égypte, il y avoit des arbres qui produifoient un baume d'une odeur agréable, & excellent pour les bleffures. Leurs Rois en faifoient fi grand cas, qu'ils les tenoient enfermés, & les faifoient garder comme des tréfors. L'efpèce de ces arbres n'existe plus: on croit qu'elle a été détruite par les Barbares, qui ont conquis ces Royaumes.

C'est ainfi, vraisemblablement, que nous avons perdu le Cinamomum,des Anciens, auquel, felon Mathiole, & quelques Naturalistes, on a fubftitué la canelle; auffi nomment-ils ce canelier Cinanomum, feu canella Zeillanica. Cet arbuste croît dans l'isle de Ceylan en si grande abondance, qu'on en voit des forêts de douze lieues de longueur. Son fruit germe dès qu'il tombe à terre, & il en fort un canelier avec tant de promptitude, que fi les habitans n'entretenoient pas foigneufement les routes qui font dans les forêts, elles feroient bientôt fermées. Ses fleurs ont une odeur admirable, & qui fe fait fentir à plufieurs lieues de diftances lorfque le vent foufle de terre: maist c'eft fa feconde écorce furtout qui porte un parfum

parfum délicieux, & dont on tire une huile qu'on emploie dans les aromates.

Nous avons cépendant aujourd'hui un arbrê qu'on appelle Arbre du baume: il donne, comme celui des Anciens, une liqueur fans odeur, mais qui eft fort bonne pour les bleffures. On en fait ufage comme du baume du Pérou, & on la conferve précieusement dans des phioles. Cet arbre du baume vient dans les Antilles. Au refte, ce baume du Pérou fe tire d'un pays chaud de l'Amérique méridionale: il découle de fon écorce, & a une odeur fuave & pénétrante, laquelle approche beau

coup de celle du benjoin, autre réfine fèche & inflammable, qui découle naturellement par l'incifion d'un arbre appellé Belzof, qu'on trouve au Royaume de Siam, & dans les ifles de Java & de Sumatra.

Les Anciens, en parlant des plantes extraordinaires, ont fait mention d'une plante qui croiffoit én Sardaigne, laquelle caufoit à celui qui la mangeoit, une efpèce de rire qui étoit convulfif, parce qu'il attaquoit les nerfs de la bouche & du vifage, & lui faifoit faire des grimaces femblables à celles d'un homme qui veut rire, ou qui fait mine de le vouloir; d'où vint le proverbe: un ris fardonique, rifus fardonicus, ou rire à la manière de Sardaigne, c'est-à-dire d'un ris forcé.

Cette plante, fi elle exifte, n'eft pas connue des Naturaliftes modernes. Nous avons auffi perdu cette plante fi célèbre par la mort qu'elle donna à Socrate: je veux dire la ciguë. C'étoit le poifon que l'on employoit pour

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faire périr ceux que l'Areopage condamnoit à mort. Cependant, tandis qu'on en faifoit ce fâcheux ufage à Athènes, on la regardoit comme un remède propre à modérer & à tempérer la bile. On s'en fert aujourd'hui avec fuccès pour guérir des fquirrhes & des cancers invétérés. Ainfi la ciguë, qui étoit autrefois une plante mortelle, en eft une bienfaisante aujourd'hui. Comment cela? Pour réfoudre ce problême, il faudroit avoir d'abord la defcription & la figure exactes de la ciguë des Athéniens, afin de la comparer à notre ciguë;

& favoir enfuite fi le terroir & le climat d'Athènes ne rendoient pas cette plante venimeuse. La ciguë des Romains étoit fans doute la même que celle des Grecs; car comme ils étoient à portée de le vérifier, leurs Naturaliftes n'auroient pas manqué d'en faire la différence: or, cette ciguë ne produifoit point chez eux les funeftes effets qu'elle caufoit à Athènes ce qui prouve que le climat & le terroir de Rome changeoient la nature de fon fuc. Pline dit même que, bien loin de nuire, cette plante eft bonne contre l'ivreffe.

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Quoi qu'il en foit, la plante qu'on nomme actuellement Cigue, & qui croît aux environs de Paris, a une tige d'un verd qui eft femé de quelques tâches rougeâtres ; fes fleurs font en rofes & difpofées en parafol; fes feuilles, employées extérieurement, font adouciffantes; mais elle eft malfaifante, prife par la bouche; & M. Wepfer, dans fon Traité de la ciguë, imprimé en 1733, nous apprend que des perfonnes ayant pris de la ciguë pour une

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