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apprit à Lowango, d'une Négreffe qui étoit restée trois ans avec ces animaux.

Ce même Écrivain dit, qu'ayant acheté d'un Négre deux petits orangs-outangs, fut témoin de leurs habitudes & de leur intelligence dans le vaiffeau où il les embarqua. Ils s'affeyoient à table comme des hommes; mangeoient auffi debout fans diftinction; fe fervoient du couteau, de la cuillier & de la fourchette pour prendre ce qu'on mettoit fur leur affiette, buvoient du vin & d'autres liqueurs. Si, étant à table, il leur manquoit quelque chofe, ils faifoient entendre aux Mouffes qu'ils leur apportaffent ce qu'ils defiroient; & quand ces enfans refufoient de les fatisfaire, ils fe mettoient en colère, fe jetoient fur eux, les jetoient par terre & les mordoient.

Le mâle fut malade en rade: on le faigna deux fois fans réfiftance de fa part. Il y a plus, c'eft que toutes les fois qu'il fe trouvoit depuis incommodé, il montroit fon bras pour qu'on le faignât, comme s'il eût fu que cela lui feroit falutaire.

Henri Groffe, dans fon Voyage aux Indes Orientales, dit qu'on fit préfent de deux orangs-outangs à M. Horne, Gouverneur de Bombay, , qui avoient à peine deux pieds de haut étant debout. Leur forme étoit entièrement humaine: ils étoient d'un blanc pâle, & n'avoient d'autres cheveux ni poils, qu'aux endroits où les hommes en ont ordinairement. On les mit dans une cage, & ils y parurent mélancoliques. Quand on les regardoit, ils cachoient leur nudité avec leurs mains. Qa

leur avoit dreffé un lit dans cette cage: ils s'y couchoient, & avoient foin de le faire tous les jours. La femelle mourut de maladie, & le mâle, en donnant toutes fortes de fignes de la douleur la plus profonde, refufa de manger, & ne furvécut pas plus de deux jours à fa compagne.

On lit des traits pareils d'un orang-outang femelle, dans le Voyage de Schouten aux Indes. Elle cachoit, avec une de fes mains l'endroit de fon corps qui diftingue fon fexe: elle faifoit proprement fon lit tous les jours, s'y couchoit, la tête fur un oreiller, & fe couvroit d'une couverture. Quand elle avoit mal à la tête, elle la ferroit avec un mouchoir, & c'étoit un plaifir, dit M. Schouten, de la voir ainfi coëffée dans fon lit.

François Pyrard rapporte qu'il y a de ces efpèces de finges qui fervent comme une perfonne quand on les a inftruits de jeunesse. Ils portent d'un lieu à un autre des fardeaux fort pefants, vont puifer de l'eau, la portent dans un baffin fur la tête, pilent du millet dans un mortier,& rendent les mêmes fervices qu'un efclave. Pyrard appelle cette efpèce Baris: il dit qu'on la trouve dans la Province de Sierra-Liona : il paroît que c'est le même animal que les Portugais appellent Elfelvago, & qui eft connu des Naturalistes fous le nom de Quojavauran.

Mais il n'eft point de finge plus capable de recevoir une éducation, que le petit orangoutangs, qu'on appelle Jocko. Voici comment M. de Buffon en parle: Je l'ai vu, dit cet illuftre écrivain, s'affeoir à table, déployer

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» fa ferviette, s'en effuyer les lèvres, fe fervir » de la cuillier & de la fourchette pour porter

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à fa bouche, verfer lui-même fa boiffon » dans un verre, le choquer lorfqu'il y étoit » invité, aller prendre une taffe & une foucoupe, la porter fur la table, y mettre du » fucre, y verfer du thé, le laiffer refroidir » pour le boire, & tout cela fans autre inftigation que les fignes ou la parole de fon maître, & fouvent de lui-même. Il ne fai» foit du mal à perfonne, s'approchoit même » avec circonfpection, & fe préfentoit comme » pour demander des careffes. Il aimoit prodigieufement les bonbons: tout le monde lui en donnoit ; &, comme il avoit une toux fréquente & la poitrine attaquée, cette grande quantité de chofes fucrées contribua » fans doute à abréger fa vie. Il ne vécut à » Paris qu'un été, & mourut l'hiver fuivant » à Londres (a)

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C'est ainfi qu'on eft parvenu à connoître un animal qui approche fi fort de la nature de l'homme, qu'on l'a appelé tantôt homme des bois, tantôt homme fauvage, & enfin le Pygmée de Guinée. Il eft cependant autant audeffous l'homme, qu'il eft au-deffus des autres animaux, comme l'a fort bien prouvé le célèbre Auteur de l'Hiftoire naturelle, tome 12.

Les Voyageurs ou Naturaliftes modernes ont découvert une autre efpèce de finge dans les Indes, qu'on appelle Gibbon. Il marche debout comme l'orang-outangs; mais fes bras

(a) Hiftoire naturelle, tom. XII de l'édit. in-12.

font d'une longueur fi démefurée, qu'étant debout fur fes pieds, il touche encore la terre avec fes mains fans courber le corps & fans plier les jambes, de façon qu'il marche à tre pieds lors même qu'il eft debout. M. de Buffon en a vu un vivant.

qua

Les Grecs appeloient Cercopithécos tous les finges à queue. Ils ne connurent que ceux des pays où ils avoient pénétré; de forte que les finges de Congo, du Sénégal, de Madagascar, de Bengale, de Guinée, de Siam & de la. Cochinchine, font des découvertes des modernes, parce que toutes ces Terres étoient également ignorées des Anciens.

queue,

Comme il n'y a point d'animaux qui foit fi variés que les finges, afin de les connoître plus facilement, M. Briffon les divife en cinq races. La première comprend les finges qui n'ont point de queue, & ont le mufeau court; tels font les finges d'Afrique. Dans la feconde race font claffés les finges qui n'ont point de & ont le museau allongé comme le pareffeux. La troisième renferme les finges à queue trèscourte, tel que le babouin. La quatrième classe les finges à longue queue, & le museau court comme les fagouins & les fapajous. Et la cinquième race eft compofée des finges qui ont la queue & le mufeau allongés: tels que le Makaque, le Magot, &c.

Parmi ces finges, les plus dignes de remarque, font les finges rouges de la Cayenne. les finges verds, le grand finge de la Cochinchine, dont la robe eft fi variée en couleur, & fur-tout le finge-lion du Bréfil & le pareffeux.

Le finge lion eft un joli petit animal : il a la tête ronde: tout fon corps eft couvert de poils longs, doux comme de la foie, d'un blanc jaunâtre & luifant : fes oreilles font rondes, unies & cachées fous les poils de la tête. On en a vu un à Paris en 1754, qu'on avoit donné à Madame la Marquife de Pompadour.

Le pareffeux eft une fort vilaine bête: on l'appelle auffi Unau ou l'Aï. Il n'a point de queue; fes poils font très-épais, crépus, & reffemblent à de la laine. Il rit & pleure en mêmetemps. Il emploie deux jours pour monter fur un arbre, & autant de temps pour en defcendre. Sur terre, il fait à peine cinquante pas en un jour. On ne fait pas de quoi il vit, & on ne l'a jamais vu boire. On foupçonne que c'eft du fuc des feuilles qu'il tire fa nourriture: en ce cas-là il vit de peu, & cela eft fort heureux; car, comment pourroit-il fe procurer des alimens, s'il lui en falloit beaucoup, puisqu'il a tant de peine à fe traîner?

Dans le fecond ordre des quadrupèdes Linnaus, que je fuis actuellement, comprend les bêtes féroces; favoir, le lion, le léopard, le loup-cervier, & les autres animaux de ce genre dont j'ai parlé ci-devant; l'ours, le loup, le martre, la loutre, le phocas, le blaireau, la civette, le hériffon, les armadilles, la taupe & la chauve-fouris.

Les Anciens ont affez bien connu l'animal qu'on appelle Ours. Ariftote en parle avec jufteffe; car ce qu'il nous en a appris, fe rapporte à ce que les Naturaliftes modernes ont découvert fur le caractère de cette bête. Ce

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