Imágenes de páginas
PDF
EPUB

HISTOIRE

DE LA GÉOLOGIE. L'HISTOIRE générale de la Terre a quatre parties 1°. l'Hiftoire Géographique, qui eft la connoiffance & la defcription de toutes les régions qui font fur fa furface: 2°. l'Hiftoire Aftronomique, qui a pour objet fa figure & fa fituation dans l'efpace: 3°. I'Hiftoire Phyfique, je veux dire l'expofition des travaux des Phyficiens pour connoître fon origine & fa formation, & pour expliquer les phénomènes qu'on obferve fur elle-même & dans fon atmosphère: 4. enfin fon Hiftoire naturelle, laquelle confifte en la defcription de fa forme extérieure & intérieure: c'eft ce qu'on appelle Géologie.

J'ai déjà publié les trois premières parties de l'Hiftoire générale de la Terre : favoir, l'Hiftoire Géographique & l'Hiftoire Aftronomique, dans celle de l'Aftronomie & de la Géographie, qui font partie de l'Hiftoire des Sciences exactes; l'Hiftoire Phyfique dans l'Hiftoire du Globe terreftre, pag. 249 de l'Hiftoire des Sciences naturelles, & je vais écrire l'histoire naturelle de ce globe, ce qui en donnera une connoiffance complette, fi mes travaux répondent à mon zèle & à mes vœux.

Le P. Kirker penfe que Dieu, en créant la l'a formée raboteufe avec les montagnes

terre,

qu'on y voit. Suivant Burnet, lorfqu'elle fut formée, fa furface étoit égale, uniforme, fans mers, fans montagnes; elle étoit couverte d'un limon gras, où les premiers germes fe développoient aifément: mais la chaleur du foleil ayant defféché ce globe peu-à-peu, il fe fendit d'abord, s'ouvrit enfuite, & un bouleversement total en changea la contexture. Des monceaux de pierres fe trouvèrent ainfi difperfés ça & là, & formèrent fur la terre des montagnes, des vallées, des plaines, des précipices, & des inégalités de toutes efpèces (a).

Sans remonter à l'origine de la formation de la terre, d'autres Naturaliftes ont regardé les montagnes comme des excroiffances de ce globe, &, pour en donner une idée, comme des loupes & des porreaux fur la peau de notre corps. Cette comparaifon paroîtra d'autant plus juste, qu'on confidérera que la plus haute montagne, qui a à peine deux ou trois lieues de hauteur perpendiculaire, n'eft prefque rien, eu égard à la maffe de la terre, laquelle a plus de neuf mille lieues de circonférence. Une loupe, comparée à notre corps, eft donc plus grande que la plus haute montagne comparée au globe terreftre.

Enfin, pour que rien ne manque à la justesse de ce parallèle, les mêmes Naturaliftes veulent que les montagnes ne foient qu'une végétation dans la terre, c'eft-à-dire, que les parties terreftres étant pouffées par la chaleur, & humecpar l'eau, s'élèvent au-deffus de la furface (a) Hiftoire des Philofophes modernes, tom. 7, pag. 124.

tées

de la terre, jufqu'à ce que cette eau étant abfo-
lument évaporée, il refte un corps dur qui ne vé-
gère plus : & c'eft ce qui forme une montagne.
Quoi qu'il en foit de tous ces fyftêmes, il
eft toujours certain
que les montagnes font les
parties de la terre les plus apparentes : auffi c'est
par elles que je dois commencer l'Hiftoire de
la Géologie.

Les Anciens croyoient que les montagnes avoient été formées par des Géants, qui avoient mis des rochers les uns fur les autres pour efcalader le ciel ; & les Poëtes de ces temps reculés, afin d'embellir cette idée, ajoutèrent que Jupiter renverfa ces Géants à coups de foudre, & les enterra fous ces mêmes montagnes, où ils vomiffent des flammes contre le ciel : on peut juger par-là de l'ignorance des premiers hommes fur la nature des montagnes.

Lorfqu'on prit la peine d'examiner ces parties de la terre, on fubftitua à ces fictions des connoiffances réelles. D'abord on reconnut que les montagnes qui font en chaînes font les plus anciennes : il n'y a aucun foffiles dans ces montagnes, point de coquilles ni de corps marins organifés: ce font des roches fuivies, des mines en filons qui les forment. Les obfervations ont encore appris que les montagnes ifolées ou garnies de grouppes, de monticules, & remplies de corps calcinés à demi-vitrifiés, &c. font plus modernes : elles ont été formées par des révolutions, par des bouleverfemens de terres, par l'éruption de quelque feu fouterrein. Enfin les montagnes les plus nouvelles font celles qui font compofées de couches irrégulières, de

1

pierres & de terres de plufieurs couleurs & de différentes matières étrangères. Les Naturalif tes appellent ces petites montagnes ou monticules, collines elles font l'effet des dépôts fucceffifs, lors des alluvions confidérables.

Parmi les montagnes proprement dites celles qui forment des chaînes, les plus con fidérables font dans la zône-torride; favoir, la chaîne des Cordellières, en Amérique, qui font fous l'équateur. Cette chaîne s'étend fort audelà des deux tropiques, un peu plus loin qu'eux du même cercle, je veux dire l'équateur. En Afrique, il y a trois montagnes très-hautes, qu'on nomme montagnes de la Lune & du Monomotapa, le grand & le petit Atlas.

En s'éloignant davantage de l'équateur, on trouve le mont Caucafe, dont la chaîne s'étend jufqu'à la Chine, les Pyrénées, les Alpes, & les montagnes de la Grèce, qui ne forment que la même chaîne avec les montagnes de l'Europe. En finil y a auffi des montagnes qui s'étendent depuis le Danemarck, par la Suède & la Mofcovie, le long de la mer glaciale, jusqu'à la mer orientale.

Čes chaînes de montagnes forment cinq lignes, qui divifent le globe terreftre en autant de zônes prefque parallèles à l'équateur. Elles font coupées par d'autres lignes de montagnes, qui s'étendent d'un pôle à l'autre, à-peu-près comme les méridiens. La plus remarquable eft la chaîne des Apenins, laquelle paffe par les Alpes, par la Bohême, & fe perd dans une partie de la Laponie.

Mais deux obfervations plus importantes, & qu'on doit à un favant Naturalifte moderne,

[ocr errors]

M. Bourquet, c'eft 1. que le penchant des montagnes eft plus rapide du côté du Midi & du Couchant, que du côté du Nord & du Levant : 2°. que toutes les montagnes font formées dans leurs contours, à-peu-près comme les ouvrages de fortification; de forte que, quand on voyage du Nord au Sud, on remarque que la montagne qui eft à droite forme des angles qui regardent l'Orient; que les angles de la montagne du côté gauche regardent l'Occident, & que les angles faillans de chaque côté répondent réciproquement aux angles rentrans, qui leur font alternativement oppofés. M. Bourguet appelle clef de la Théorie de la Terre, cette correfpondance des an gles des montagnes ; & M. de Buffon eftime qu'il a raifon (a).

Les montagnes les plus élevées font dans les pays méridionaux; & plus on approche de l'équateur, plus on trouve d'inégalités fur la furface de la terre. Telles font le mont Sinai an Japon, les Cordellières au Pérou, le Pic de l'Ile Ténériffe, &c. celle-ci a deux mille cinq cents pieds de hauteur perpendiculaire. Au fommet de ces montagnes on éprouve, au milieu de l'été, un froid plus piquant que celui de nos climats dans les plus rudes gelées; tandis que les habitans qui font au pied, y fouffrent des chaleurs extrêmes; on ne trouve à ce fommet que des fables, des cailloux, des pierres & des rochers, dont les pointes s'élèvent sou

(a) Abrégé des Tranfactions Philofophiques, tom. 4, part. 2, & le tome premier de l'Hiftoire naturelle, &s. par M. de Buffon.

« AnteriorContinuar »