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d'hirondelles, fufpendues à la voûte en forme de grappes (a).

Embarraffé de tous ces témoignages, M. de Buffon ne fait que penfer de la migration des hirondelles. Que peut-on répondre, en effet, à des gens qui ont vu, à l'approche de l'hiver, les hirondelles s'attrouper, & fe jeter dans les eaux? Qui ont encore vu des Pêcheurs les tirer de l'eau, & même de deffous la glace? Que dire enfin à des gens qui ont eu ces hirondelles, lorfqu'elles étoient dans cet état de torpeur, & qui les ont rappelées à la vie en les mettant dans un lieu chaud? Le feul moyen de concilier ces faits, c'eft de croire que l'hirondelle qui s'engourdit, n'eft pas la même que celle qui voyage; que ce font deux efpèces différentes que l'on n'a pas diftinguées, parce qu'on ne les a pas foigneufement comparées.

Cependant les Ornithologistes diftinguent "plufieurs fortes d'hirondelles. L'hirondelle des maifons eft la plus connue: elle fait fon nid dans les cheminées, & le bâtit de chaume, de foin & de paille, en prenant toujours une becquetée de boue avec chaque brin de chaume, afin de mastiquer le tout; de forte qu'elle lie fon ouvrage comme un Maçon. Quand fon nid eft bien uni en dedans, elle y apporte des plumes, & toutes fortes de matières molles.

L'Auteur de l'Amusement philofophique fur le langage des bêtes, le P. Bougeant, rapporte à ce fujet, un trait curieux, qui ne fauroit

(a) Huetiana. pag. 198.

être trop divulgué. J'ai dit que les hirondelles mâle & femelle appellent du fecours lorsqu'on touche à leur nid: or, un jour qu'un moineau s'en étoit emparé, celles-ci affemblèrent leurs compagnes pour les défendre contre l'ufurpateur. Bientôt ce moineau fut affailli d'une troupe d'hirondelles, qu'il écarta cependant en paffant fon gros bec par l'ouverture du nid. Le combat dura un quart d'heure, & l'ufurpateur refta victorieux; mais ne pouvant le chaffer, les hirondelles prirent le parti de le claquemurer dans le nid. Chaque hirondelle apporca de la terre détrempée, & il fut ainfi

enterré tout vivant.

Cette forte d'hirondelle ne pèfe qu'une once: elle mange en volant; car elle a les pieds fi courts & fi foibles,. qu'elle marche fort mal & très-rarement. Elle s'attache au maître de la maifon; elle le careffe: mais elle meurt lorfqu'on la met en cage.

On appelle hirondelle de la Chine, un oiseau qui a la couleur & la forme de l'hirondelle, . avec des membranes aux pattes comme les canards. C'est un oiseau marin, très-célébré,. à ce qu'on croit, par les Anciens, fous le nom d'Alcyon, & dont on a dit bien des merveilles. Les Marins en débitent auffi fur l'hirondelle de la Chine, qui valent bien celles de l'Alcyon. Ils affurent que cet oifeau fait fon nid blanc, tranfparent, très- uni & très- léger; qu'il le traîne jufqu'au bord de la mer, & attend là que le vent de terre fouffle. Alors il lève fon aile en forme de voile, pour que le

vent le pouffe au large, & vogue ainfi avec son nid au milieu des eaux.

Une opinion reçue, eft que les nids des hirondelles ordinaires font très-bons pour le mal des yeux; & les Chinois eftiment que ceux de leurs hirondelles guériffent les maux d'estomac & les maladies de langueur: ils en mangent avec du gingembre.

Les cailles, ainfi que les hirondelles, abandonnent l'Europe vers le commencement d'Oc tobre, pour fe retirer en Afrique. Elles voyagent par troupes: elles ont à leur tête une autre efpèce de caille, qu'on appelle le Roi des cailles, lequel leur fert de guide. On ne conçoit pas comment un oifeau, qui a tant de peine à voler, a le courage & la force d'entreprendre un fi long & fi périlleux voyage. II faut que le defir de changer de climat foit une des affections les plus fortes de l'instinct de cet oifeau. On dit qu'il en périt beaucoup en route, & que les vaiffeaux qui fe trouvent à leur paffage, en font quelquefois couverts.

Les Anciens & les Modernes fe font beaucoup occupés de cette migration. Les premiers n'en doutoient point, quoiqu'ils fuffent que çes oifeaux volent très-peu, & prefque malgré eux, comme Ariftote l'a écrit dans fon hiftoire des Animaux, Liv. 9, c. 8. Mais quelques Modernes n'eftimant pas qu'il fût poffible que, vu cette difficulté de voler, les cailles puffent faire un fi long trajet, ont cru & même foutenu que ces oifeaux fe retirent dans des trous pour y paffer l'hiver dans un état de tor

peur & d'engourdiffement, fans faire attention que les cailles ont trop de chaleur pour être fujettes à cet état ; car tout le monde fait que fa chaleur a paffé en proverbe, & qu'on dit vulgairement: chaud comme une caille.

Čes oiseaux ne fe retirent donc pas dans des trous. Ils s'en vont réellement aux approches de l'hiver. Refte à favoir comment ils font ce voyage. Or, voici les obfervations qu'on a faites pour acquérir cette connoiffance.

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Premièrement, on a remarqué que cette grande étendue de mer que les cailles traverfent, eft interrompue, de distance en distance, par plufieurs ifles où elles peuvent fe repofer, comme l'ifle Minorque, la Corfe, la Sardaigne, la Sicile, les ifles de Malthe, de Rhodes, & de l'Archipel. En fecond lieu, le vent les aide beaucoup à faire ce voyage, comme Ariftote l'a fort bien remarqué dans fon ouvrage ci-deffus cité, Liv. &, c. 12. Et Pline ayant fait la même remarque dans fon Hiftoire naturelle, Liv. 19, c. 23, dic que quand elles font furprifes dans leur paffage par un vent contraire, elles s'abattent fur les vaiffeaux qui font à leur portée, & qu'à leur défant, elles tombent dans la mer. On les voit alors flotter & fe débattre fur les vagues, une aile en l'air, comme pour prendre le vent. Aldovrande a écrit qu'elles favent bien que ce malheur peut leur arriver, je veux dire le changement de vent; & que pour fe fauver plus aifément fur l'eau, elles fe muniffent, en partant, d'un petit morceau de bois, pour s'en fervir comme de point d'appui ou de radeau

fur lequel elles fe délaffent de temps en temps, en voguant fur les flots (a).

Il est donc certain que les cailles traversent les mers, & changent de climats. On prouve encore cette vérité par des faits, qui, étant joints à ces obfervations, lui donnent le dernier degré de certitude.

D'abord Bélon, étant fur un vaiffeau qui paffoit de Rhodes à Alexandrie, vit des cailles qui alloient du Nord au Sud; & en paffant de l'ifle de Zante dans la Morée, il en vit un grand nombre qui faifoient la même route.

En fecond lieu, on lit dans les Mémoires de mathématique & de phyfique, Tom. III, que M. le Commandeur de Godeheu les a vues conftamment paller à Malthe au mois de Mai, & repaffer au mois de Septembre. Et M. de Buffon rapporte, dans le Tom. II de fon Hiftoire des Oifeaux, que vers le commencement de l'automne, on en prend une fi grande quantité dans l'ifle de Caprée, à l'entrée du golfe de Naples, que le produit de cette chaffe fait le principal revenu de l'Evêque, qu'on appelle, par cette raifon, l'Evêque des Cailles. Et il nous apprend encore qu'il en tombe une quantité fi prodigieufe fur les côtes occidentales du Royaume de Naples, que, fur une étendue de côte de quatre ou cinq milles, on en prend quelquefois jufqu'à cent milliers dans un jour, & qu'on les vend environ huit liv. le cent, &c.

En voilà affez pour qu'on foit en droit de

(a) Aldrovand. Ornithologia, Tom. II, pag. 156.

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