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l'Égypte, & que ces infectes défolèrent également & fes habitans, & fes animaux; que la quatrième plaie fut caufée par un mêlange de toutes fortes d'infectes, qui remplirent les terres & les maifons des Egyptiens; que les fauterelles furent la huitième plaie que fouffrit l'Égypte, Dieu les ayant répandues en fi grande quantité dans tout ce pays, que la terre en étoit couverte ; & que Moyfe ayant défendu aux Ifraélites de réserver de la manne pour le lendemain, lorfqu'ils en gardoient, il s'y engendroit des vers qui corrompoient l'aliment. Enfin, les perfonnes inftruites favent que par la permiffion divine, des infectes défolèrent les Cananéens. On connoît la fin d'Hérode & d'Antiochus, qui furent rongés par des vers.

Tous ces faits auroient dû intéreffer affez les anciens Naturalistes en faveur des infectes, pour chercher à les connoître. C'est auffi ce qu'ont fait les premiers d'entre eux. Ariftote dans fa Phyfique, Pline dans fon Hiftoire naturelle, & Elien dans fon Hiftoire des Animaux, font entrés, à cet égard, dans des détails affez inftructifs. Ils ont peint & décrit la forme de plufieurs infectes,& expliqué quelquesunes de leurs propriétés; mais ayant adopté trop facilement les rapports qu'on leur en a faits, & s'étant rapportés prefque toujours à des oüi-dire, comme l'a fort bien obfervé M. de Réaumur dans le premier volume de fon Hiftoire des Infectes, ils font tombés dans des méprifes qui rendent défectueux tout ce qu'ils ont écrit. Ce n'eft pas que ces Savans dédaignaffent l'étude des infectes; car la Nature,

dit Ariftote, ne renferme rien de bas, tout y eft fublime, tout y eft digne d'admiration (a). Pline s'exprime encore avec plus de force: « Il eft facile, dit-il, de concevoir comment » la Nature a pu donner aux grands corps les » qualités qu'ils poffèdent; il entre affez de » matière dans leur maffe pour fournir, fans » peine, à la formation de diverfes facultés » dont elle les a doués ; mais il n'en eft pas de ; » même de ceux qui, par leur petitesse, doi» vent paffer presque comme un néant. Com»ment s'eft-il pu trouver, par exemple, s'écrie » ce Naturaliste, affez d'efpace dans le corps » d'un moucheron, pour y placer des organes

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capables de tant de fenfations différentes? » Où la Nature a-t-elle pu fixer celui de fa » vue? Dans quel lieu a-t-elle pu trouver la place pour y loger le fentiment du goût & » celui de l'odorat? Où a-t-elle pris les or» ganes du fon aigu & bruyant de ce petit » animal? Avec quel art ne lui a-t-elle pas » attaché des ailes, donné des jambes, & » formé un eftomac & des inteftins, &c. (b) »?

A l'exemple de ces grands Philofophes, plufieurs Pères de l'Églife ont fait l'éloge des infectes, afin d'engager fans doute les Savans à les étudier avec plus d'attention. En effet, «ils font petits ( les infectes) dit Saint Auguftin; mais la délicateffe & l'arrangement » de leurs parties font admirables. Si nous » examinons avec attention, ajoute-t-il, une

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(a) Arift. de Partibus Animalium, Lib. I, c. 5. (b) Plin. Hift. natural. Lib. II, C. II.

» mouche qui vole, fon agilité nous paroîtra » plus furprenante que la grandeur d'une bête » de fomme qui marche; &, avec la même » attention, la force du chameau nous paroî

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tra moins admirable que le travail d'une » fourmi (a) ». Celui qui a étendu les cieux, & qui a creufé le lit de la mer, n'eft point différent de celui qui a percé l'aiguillon d'une abeille, afin de donner paffage à fon venin. Ce font les expreffions de Saint Bafile (b). Enfin Tertullien recommande expreffément d'avoir de la confidération pour les infectes. « C'est fans raifon, felon lui, qu'on méprife ces » animaux, dont l'Auteur de la Nature a pris foin de relever la petiteffe par l'industrie & » la force (c) ».

Voilà de grands motifs & de puiffans aiguillons, pour s'attacher de nouveau à l'étude des infectes. D'ailleurs, le plus fage des Rois (Salomon) en avoit donné l'exemple. L'Écriture-Sainte nous apprend que ce Prince avoit écrit fur les infectes. (Rois IV, ✨. 31 ). Auffi à la renaiffance des Lettres, les Naturalistes fongèrent à en faire une étude férieufe. D'abord Gefner entreprit quelques voyages, dans la vue de faire des recherches à cet égard, & pour former des correfpondances qui le miffent en état de le feconder dans fon travail. Après avoir examiné, & fes découvertes, & celles qu'on lui avoit communiquées, il trouva

(a) Auguft. Tom. III. De Gen. Lib. III. (b) Bifilius in Hexacom.

(c) Tertullian. adverf. Marcion. Lib. I, c. 14.

qu'il avoit affez de connoiffance fur les ferpens pour former ou ébaucher un traité fur l'hiftoire naturelle de ces animaux. C'eft auffi ce qu'il fit en 1580. Son Livre parut fous ce titre: Serpentium hiftoria & Infectorum, &c.

Aldrovande fuivit l'exemple de Gefner. On a écrit que l'étude des infectes avoit tant de charmes pour lui, qu'il dépenfa des fommes confidérables à voyager pour les connoître, & que pendant trente ans, il donna, chaque année, deux cents florins d'or de penfion à un Peintre uniquement occupé à lui deffiner des infectes On ajoute, & c'eft Pierre Caftell, dans fa Vie des illuftres Médecins, (elle est écrite en latin) qu'il fe fatigua fi fort la vue à faire ces recherches, qu'il la perdit fur la fin de fes jours.

Il eft certain qu'Aldrovande fit plufieurs voyages à grands frais, pour voir par lui-même les chofes fur lefquelles il vouloit écrire; qu'il marchoit accompagné de Deffinateurs, de Peintres, de Graveurs & de Sculpteurs, à qui il donnoit de gros appointemens. Comme if embraffoit la Nature entière dans fes recherches, les infectes n'étoient point oubliés; & il eft poffible qu'il ait penfionné un Peintre pour deffiner ceux qu'il découvroit; mais il ne faut pas croire que fes voyages n'aient eu pour unique but que l'étude des infectes, ainfi qu'on veut nous le perfuader, d'autant mieux que l'Ouvrage qu'il a publié fur l'hiftoire naturelle de ces animaux, eft la moindre de fes productions. Auffi M. Leffer, dans fa Théologie des Infectes, en donne une foible idée,

en difant

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Par le bon, M. Leffer entend quelques def criptions affez exactes; plufieurs planches qui, pour être gravées en bois, ne laiffent pas

d'être très-élégantes & très-expreffives, & » diverses obfervations très-utiles, & d'autant » plus précieufes, qu'il y règne beaucoup de » droiture & de bonne - foi ». C'eft, fans contredit, un grand mérite; car ces deux qualités, droiture & bonne-foi, font d'autant plus eftimables, qu'elles forment les carac tères effentiels d'un livre de science.

Par le mauvais, l'Auteur de la Théologie des Infectes entend le fyftême de l'Auteur fur la génération des infectes. Aldrovande croyoit que les infectes s'engendrent ou peuvent s gendrer de la corruption. C'étoit le fentiment des Anciens qu'il avoit adopté.

En effet, les Philofophes de l'antiquité diftinguoient les animaux en deux efpèces, en parfaits & imparfaits. Ils appeloient animaux parfaits, ceux qui font produits par le mêlange des fexes différens ; & ils donnoient l'épithète d'imparfaits à ceux qui viennent de pourriture & de corruption : & ils enfeignoient qu'un veau mort produit des abeilles; un cheval, des guêpes & des bourdons; un âne, des fcarabées; que les fruits engendrent des vers; que les étoffes en produifent, &c. &c. En un inot, que par-tout où il y a corruption, il y a génération, fuivant cet axiôme d'Ariftote, reçu pendant fi long-temps dans les écoles: Ex corruptione unius generatio alterius: doctrine auffi

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