- D'abord Rondelet s'attacha aux coquillages de mer, qu'il divifa en bivalves & en turbinées; &, bien loin de perfectionner la méthode des Anciens, il la gâta, en claffant avec les bivalves, des coquillages qui font univalves, tels que le lépas & l'oreille-de-mer: il n'éclaircit guères mieux la claffe des turbinées, quoiqu'il ait remarqué, le premier, l'obfcurité de ce nom. Sans s'arrêter à en donner une fignification précife, il prétend que les pourpres, les murex, les buccins, les fabots, les nérites, les limaçons de mer, les cylindres & les porcelaines compofent cette claffe (a).

Aldrovande fuccéda à Rondelet dans l'étude des coquillages; mais il ne jugea pas à propos de s'affujétir à aucune divifion, & il s'attacha uniquement à décrire les coquillages avec exactitude, & à découvrir leur nature & leur géné ration. Ce n'étoit pas le moyen de concourir bien efficacement aux progrès de la Conchydlogie; car, comment peut-on traiter une science avec fuccès, fi on n'a point de méthode ? Auffi un célèbre Naturalifte nommé Lifter, s'étant dévoué abfolument à l'étude des coquillages, commença par les claffer. Après un examen réfléchi de tous ceux qu'il put découvrir, il eftima qu'il n'y en avoit que de trois fortes favoir, de turbinées, de bivalves & d'univalves (b). Cela paroît bien fimple. Cependant, quoiqu'on faffe grand cas de fes recherches, il

(a) G. Rondeletti D. M. de Pifcibus marinis in quibus vera Pifcium effigies expreffa funt, 1554. (b) Hiftoria animalium Anglia, Lib. II & III, 1678,

y a tant de variations dans cette méthode, que le favant Auteur de l'Hiftoire naturelle éclaircie, &c. (M. d'Argenville) trouve que Lifter a plus embrouillé par elle l'hiftoire des coquillages, qu'il ne l'a éclaircie.

ceorum,

En 1681, trois ans après la publication du Livre de Lifter, Philippe Bonnani, Jéfuite, forma une autre divifion des coquillages. Dans un Livre qu'il mit au jour fous ce titre: Recreatio mentis & oculi in Obfervatione animalium Teftail établit trois claffes de coquillages; favoir, des univalves non-turbinées, des bivalves turbinées, & des bivalves. George Everard Rumphius adopta cette divifion (a), que Nicolas Langius, Médecin de Lucerne, cruz perfectionner en y ajoutant des fous-divifions. Il ne changea rien aux univalves non-contournés; mais il partagea les coquillages contournés ou turbinés en fix claffes, & divifa chaque claffe en plufieurs fections, dans lefquelles il comprit plufieurs genres; ce qui compliqua tellement fa méthode, que perfonne n'a été tenté de la fuivre (b). Et comme tout le travail des autres Naturalistes, pour claffer les coquillages, eft infuffifant, on peut conclure que, jufqu'ici, on n'a rien découvert d'exact à cette fin.

C'est le fentiment de M. d'Argenville. "Chez Lifter, dit-il, tous les coquillages

(a) Thefaurus Coclearum, Concliarum, Conchylierum, &c. 1711.

(b) Methodus nova & facilis teftacea marina in fuas debitas claffes, genere, & fpecie diftribuendi, 1722.

» font des buccins » (ce font des coquillages qui reffemblent à une trompette); " & chez

Bonnani, tout eft murex », (qui eft un coquillage univalve, communément garni de pointes & de tubercules). « Des principes certains, ajoute cet habile Conchyologiste, un » examen régulier pour établir les claffes & les familles, pour en bien diftinguer les genres, » les efpèces & les variétés, font les feuls » moyens qu'on doit employer pour réduire » cette matière à des règles fûres ; c'eft la » vraie manière d'éviter les diftributions arbi» traires (a) ».

Or, ces moyens confiftent à confidérer le coquillage par l'extérieur ou la robe, appelée coquille; &, pour les mettre à exécution, il commence par reconnoître trois fortes de coquilles, des coquilles de mer, des coquilles d'eau douce, & des coquilles de terre, qu'il divife en trois claffes, en univalves, en bivalves & en multivalves.

La première claffe contient quinze familles ou genres; favoir, les lépas, l'oreille-de-mer, les vermiffeaux, &c. Il y en a fix dans la feconde claffe, comme les huîtres, les cames, les moules, &c. Six autres familles compofent la troisième claffe; ce font les ourfins, les glands, les pouffe-pieds, &c.

Ayant ainfi déterminé la claffe & la famille de chaque coquille, M. d'Argenville en con¬ noît les genres & les efpèces, en détaillant

(a) Hiftoire naturelle éclaircie dans deux de fes. parties principales, la Lithologie & la Conchyologie, 1742, pag. 116.

dans les univalves, 1°. les parties extérieures de la coquille, telles que fa forme, fa figure, &c.; 9. les parties intérieures, comme la longueur & l'évasion de fa bouche, &c.

Et dans les bivalves, il examine fi leurs pièces font égales ou inégales; fi elles font unies par-deffus, ou couvertes de rides, de tubercules, de pointes, &c.

Cette méthode eft générale pour les coquillages d'eau douce, comme pour les coquil lages de mer. A l'égard de ceux de terre, l'Auteur de ce fyftême obferve que s'ils font viyans, ils fe réduifent en tout à fix familles, dont les cinq premières, qui font les lepas, les limaçons, les buccins, les vis & les conques, fe rapportent aux mêmes genres marins; & les limaces, fi faciles à diftinguer, compofent la fixième famille.

Si les coquillages font morts, il faut les divifer en univalves, bivalves & multivalves, comme les coquillages de mer; car ces coquillages morts, nommés fofiles par les Nauralistes, font analogues aux coquillages de mer, dont ils ont fait autrefois partie, & qu'on ne trouve d'autre différence entre eux, fi ce n'eft que les foffiles font revêtus d'un fuc pierreux, & qu'ils ont perdu leur couleur naturelle (a).

Dans le temps que M. d'Argenville mettoit çe fyftême en état de voir le jour, un Naturalifte de Florence nommé Gualteri,

(a) Voyez l'hiftoire de la Géologie dans ce volume, pag. 60.

compofoit une méthode, en rangeant avec ordre les coquilles d'une collection confidérable qu'il en avoir faite. Il diftingue les coquilles par le nombre de leurs ouvertures & de leurs cavités, en fe fervant des termes monotoma, ditoma, politoma, ce qui forme trois claffes équivalentes aux univalves, bivalves & multivalves. Il divife enfuite ces trois claffes en cinq parties, qui fe partagent en d'autres claffes, lefquelles forment beaucoup de fections (a). Mais cette multiplicité de claffes, de parties, de divifions & de genres, complique trop cette méthode, pour qu'elle puiffe être de quelque utilité.

Il eft difficile qu'un homme de génie, en étudiant une matière, n'ajoute pas quelque découverte ou quelques obfervations nouvelles à celles de fes prédéceffeurs en cette étude. M. Adanfon ayant voulu connoître, pendant son séjour au Sénégal, les coquillages de ce pays, imagina un fyftême de Conchyologie qu'on estime. D'abord il divife les coquilles en limaçons & en conques, & en diftingue de quatre fortes; favoir, les univalves & les operculés pour les limaçons; les bivalves & les multivalves les conques. Il fous-divife enfuite ces quatre familles générales en plufieurs autres familles fubalternes, en confidérant l'analogie, & les rapports qu'elles ont entre elles quant à la coquille, & relativement à l'animal. Par exemple, dans la coquille des limaçons, l'Au

pour

(a) Index Teftarum Conchyolorum, qua obfervantur in Mufao Gualteri, 1742.