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Non ce n'étoit pas à deffein
Qu'Annette fi matin quittoit fa Bergerie
Pour aller dépouiller une rive fleurie
Des dons faits pour orner & la tête & le sein.
Je ne fçais quelle rêverie

La conduifoit dans la prairie.

Ce n'étoit point l'amour qui la faisoit rêver; Ou du moins cét amour ne faifoit que de naître. On le fuit que l'on croit à peine le connoître, On le reffent qu'on ofe encore le braver. Mais laiffons là ce petit traitre.;

Ce font des fleurs qu'il faut trouver. La Campagne en étoit abondamment pourvuë Mais, quelle avanture imprévuë!

Voici que, recevant l'organe de la voix,
Ces mêmes fleurs dont, par la vuë

Annette avoit déja fait choix,

Parlent pour la premiere fois.

Refpe&te nous, jeune Bergere,
Refpecte nos vives couleurs

Que va bien-tôt flétrir le plus grand des malheurs,

Si pour la gloire paffagere

D'une parure vaine & qui t'est étrangere,
Tu nous fais éprouver les plus vives douleurs.
A peine ferons-nous cueillies,

Que perdant tout-à-coup notre premier éclat,

Par le plus chétif odorat,

Nous ne ferons pas même un moment accueillies, Epargne nous un tel affront

Qui n'ajouteroit rien à tes traits qu'on encense; Et puiffe, au nom d'un Dieu fatal à l'innocence, Une aimable rougeur couvrir toujours ton front!

En écoutant ces fleurs qui, de fi bonne grace,. Peignoient & déploroient leur prochaine disgra

ce,

Annette reffentit une douce pitié ::

Et, pour ce bon office, eut de ces fleurs nouvelles,

Dans le confeil fuivant, propre à toutes les Belles,

Un gage de bonne amitié.

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Ce que, dans un péril extrême,

Nous t'avons dit pour nous,

même,

Annette, pour toi

Pour toi, tu peux le prendre en toute fureté.
Chaque jour au Village on vante ta beauté :
Mais la beauté qu'eft-elle ? une fleur paffagere
Qu'un moment voit briller, qu'un instant fait

vieillir.

Ne compte donc pas trop fur cette fleur,

re,

Et fur-tout, garde toi de la laiffer cueillir.

Berge

¶ LE SINGE MASQUÉ.

J

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'Ai lu qu'à certain Singe un jour il prit envie
De fe mafquer en Carnaval :-

En dois-je être étonné? Non : j'ai vu dans ma víe
Plus d'un Singe en habit de Bal.

Celui-ci n'étoit pas, fi j'en crois mon journal,. Le plus laid magotin de France.

De tout l'acoutrement qu'inventa pour la Danfe Le talent calotin d'un peuple folichon,

Dom Bertrand fe couvrit en Mafque d'importance.. Domino, Barbe, Capuchon,

Miroir, Tabatiere, Manchon,

Frifure, Eau de Senteur, beau Linge;
Rien ne fut oublié : le Singe

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Il logeoit dans ce moment là

Chez un de ces Meffieurs, dont la vie agissante
Roule parmi les jeux, les plaisirs & les ris,
Et que tous les matins, au milieu de Paris,
L'un des premiers regards de l'Aurore naiffante
Surprend à Table, au Bal, ou bien chez la Souris.

Vers une galante affemblée

Notre Singe mafqué marche à pas diligens:

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Sous un pareil habit reconnoit-on les gens?
Le voilà fauxfilé dans la joyeuse bande,

Et tout alloit des mieux dans le commencement:
Mais un maudit faux pas fit malheureusement
Tomber le mafque. On fe demande :

Quel eft ce laid minois qu'on voit à découvert ? Et notre Singe eft pris fans verd.

Pris fans verd? Je me trompe à cent malins paffages

Que fur fon compte on débita,
Bertrand point ne fe démonta.

Les fous font volontiers plus hardis que les fages.
Meffieurs, dit-il, je fuis, un fot, un animal:
Quoiqu'imitateurs nés de toutes vos gambades,
En matiere de mascarades

Nous vous copierons toujours mal.

Je ne fçais quel défir fantasque

Etoit venu m'en imposer:

Nous autres Animaux fçavons nous mettre un mafque?

Vive l'Homme, ma foi, pour se bien déguiser!

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SLE SERIN ET SA FEMELLE.

CHez

FABLE III

Hez Meffieurs les Serins, Peuples de Cana

rie,

Pour jazer il eft décidé

Que le mâle a toujours le Dé.

C'eft ici le contraire, & même je parie
Qu'à bon nombre d'époux notre ufage déplaît.
Chez nous la Femme parle, & le Mari se tait.
Un Serin, avec fa femelle,

Eut, dit-on, un jour fur ce point
Une affez plaifante querelle :
Il fe plaignoit, chofe nouvelle,
Que fa femme ne parloit point

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Des airs nouveaux il la défraye; Chanfons en pure perte! on ne lui répond rien. Il cherche quelque autre moiien..

De toutes les douceurs tour à tour il effaye:
Mon petit cœur... motus. ma Reine... pas un mot,
Qu'est-ce donc, s'écrie-t-il, me prend-t'on pour
un fot?

A cét emportement dont la fuite l'effraye,
Serinette parla pour la premiere fois :

Le Ciel le lui permit, comme, par parenthese,
Il permet quelquefois, pour mettre le hola,
Que chez-nous la femme se taife.

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