Que toujours le Poëte, à vos leçons fidelle, Songe à vous rapporter les beautés qu'il tient d'elle. Mais quel funefte abus, corrompant fes travaux
Fait d'un Art tout divin une fource de maux? Cette voix confacrée aux céleftes louanges, Rivale tour à tour des Démons & des Anges, Tantôt charme le Ciel, & tantôt par fes airs Des poifons du Tartare infecte l'Univers. Faut-il donc que toujours l'efprit le plus fublime Se dégrade en cherchant à briller par le crime? Hélas! ignore-t-il que ce honteux honneur N'illuftre fon efprit qu'aux dépens de fon cœur? Quelle Mufe en ce fiécle, où regne la moleffe, Dans les Vers épurés nous chante la fageffe? Tantôt pour vous féduire un Lucrece nouveau Peintre des Voluptés dont il tient fon pinceau Sous le mafque impofant de la Philosophie, Et couronné des fleurs qu'offre la Poëfie, Viendra vous débiter, fur un ftoique ton, Sest Principes puifés dans le fein d'Albion, Séjour où la Raison, de tout joug affranchie, Vange par fes excès la foi qu'elle a trahie. D'un fiécle fait pour lui cét Apôtre enchanteur, Vous dira: voulez-vous connoître votre Auteur,
† Principes établis dans certaines Epitres en Vers fur la Liberté, le Bonheur, l'Envie, la Modération, &c.
Par la voix des plaisirs apprenez qu'il s'explique; Ne leur oppofez plus une fierté stoïque;
C'est par eux que ce Dieu veut vous conduire àlui, Que de jours vous perdez dans le deüil & l'ennui ! D'une auftere fageffe imbécilles esclaves, Vous verrai-je toujours languir dans fes entraves? Laiffez à des dévots les leçons de Pafcal; Quoiqu'il dife de l'homme, il le connoissoit mal: C'est envain qu'il s'épuife à nous crier fans ceffe Qu'il eft un monftre plein d'orgueil & de baffeffe; On reconnoît affez à fon ftile odieux
D'un Dévot médifant les accès bilieux.
J'aime bien mieux celui † qui d'un ton moins févere Lui fait de fes défauts une loi nécessaire, L'engage à les fouffrir, &, doux confolateur, Lui montre que le Ciel lui-même en est l'auteur. Voilà les fages loix du nouvel Evangile, Qu'ofera vous prêcher ce Moraliste habile! Alors quel jeune cœur, de fes beaux Vers épris, Ne voudra devenir Philofophe à ce prix ? Plus à craindre fans doute eft cét autre Chapele, Dangereux pour le moins autant que fon modele, Des fines voluptés arbitre délicat,
Satyrique fans fiel, libertin fans éclat.
Vous ne le verrez point, par des traits fanatiques,
+ Pope, que l'Auteur dans fes Lettres Philofophiques préfere à Pafcal.
Attaquer de la Foi les fondemens antiques, Et, dans fes Vers hardis, blafphêmateur nouveau, De la Religion éteindre le flambeau ;
Plongé dans les douceurs d'une yvreffe coupable, Son cœur d'un tel effort n'eft pas même capable; 'Au fein de la molleffe où fon ame s'endort, Il oublie, & le Ciel, & fon Juge, & fon fort; Et fa Mufe formée à l'Ecole des Graces, Ne fçait que badiner & rire fur leurs traces. Puiffe-t-elle rompant un ftérile fommeil, A l'Auteur de fes jours confacrer fon réveil! Ceux-ci d'un bruit flateur follement idolâtres, Vendent leur confcience & leurs Vers aux Théâtres, Et de nos paffions deviennent Partifans. Là, de triftes plaifirs dangereux Artisans,
Ils troublent de nos cœurs l'heureuse indifférence, Et nous font, malgré nous, hair notre innocence. Là, des Amans qu'on peint fous d'héroïques traits, Les feux imaginés en font naître de vrais. Là, fiere de nos maux & de fes impostures, Leur vanité triomphe & rit de nos bleffures; Et non content d'avoir infecté tous nos fens Pour prix de leurs poifons,ils veulent notre encens. Teleft le trifte abus qu'en ce fiécle coupable, Mille Auteurs infenfés font d'un Art adorable; Ah! fi la vérité préfidoit à leurs fons,
Quels fruits dans tous les cœurs naîtroient de leurs leçons !
Par eux, la pieté perdroit ces airs fauvages Qu'un févere Docteur lui prête en fes ouvrages; Au-devant de fon joug qu'ils orneroient de fleurs, La foi de tous côtés verroit voler les cœurs, L'impie, à leur exemple apprenant à se taire, Humble Foi, béniroit ton bandeau falutaire; Et nos triftes Cenfeurs prompts à fe défarmer, Loin de blâmer les Vers s'en laifferoient charmer, Voilà le feul moyen d'appaiser leurs murmures; Mais chanter des plaifirs & rimer des injures, C'eft de nos ennemis autorifer le fiel,
C'eft armer contre nous, & la Terre, & le Ciel. Racine, tu n'as pas ce reproche à te faire ; Tu fçus mettre à profit les regrets de ton pere, Et refpectant nos mœurs, tes modestes pinceaux Ne tracerent jamais que de fages Tableaux. Maître & modele heureux dans l'âge des Novices, A la Grace on te vit confacrer tes prémices, Et du fein de l'Ecole au Parnaffe François, La conduire, l'orner & nous dicter ses loix. L'Eglife t'applaudit, ta vive Poëfie
Jufqu'au fond des Enfers fit trembler l'Héréfie, Tout Chrétien reconnut qu'il penfoit comme toi, V.... en t'approuvant, eut décrié ta Foi,
Ne differe donc plus, vien combler notre attente D'unChef-d'œuvre où la foi fe montre triomphante. Vois la Religion, objet de tes travaux,
Qui fe promet déja des triomphes nouveaux.
Elle veut rappeller fes enfans qui la quittent, Son zele la dévore, & tes délais l'irritent. Vien donc la feconder, fois fenfible à sa voix, Mets le comble à ta gloire, en foutenant ses droits; Son honneur eft le tien, & des Vers l'Art fuprême Pour fe juftifier n'attend que ton Poëme.
I BOUQUET
POUR LE JOUR DE S. DENIS. Par M. DUPUY.
MI, l'on célébre demain
Ce grand Saint qui fut mis dans une obfcureChartre, Puis condamné par un ordre inhumain De perdre la tête à Montmartre ; (Tête qu'il porta dans fa main
Plus de deux mille pas, fi j'ai bonne mémoire ) Or ce Saint étant ton Patron,
Il faut fe préparer à boire
Et tâcher de boire du bon,
N'attens pas ici que je vante
Tes vertus, ton cœur, ton esprit ; Ma plume n'eft point éloquente, Je dis bon jour, & cela me fuffit. J'ajouterai pourtant d'une façon succinte Que je fuis, cher Denis, charmé de ton renom, Et que j'aime jufqu'à la Pinte
Du Saint dont tu portes le nom.
« AnteriorContinuar » |