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Qu'on révéroit, & qu'on appelloit Sages
Qui font encore eftimés parmi nous,
Pour être heureux, ne chercherent que vous;
Que, fous le nom de la Philofophie,
Par leurs fecours vous futes rétablie.
Ils enfeignoient à braver la fureur
Des Paffions, à trouver le bonheur
Dans le repos & dans l'indépendance:
Du Préjugé, pere de l'Ignorance,
Ils méprifoient le fantôme orgueilleux.
Mais, quand on vit ces Sages pareffeux,
Des Paffions Ennemis implacables,

Ne mettre au rang des biens vrais & durables,
Et ne chercher d'autre félicité,

Que les douceurs de la tranquillité;

Tout d'une voix, comme une Erreur fatale,
On abjura leur nouvelle Morale ;
Et pour jamais l'aveugle Opinion
Ofa flétrir vos Loix & votre Nom.
Moi-même hélas! par elle prévenue,
Combien de fois vous ai-je combattuë?
Vous m'enchantiez, & cependant mon cœur
N'ofoit alors vous devoir fon bonheur:
Mais aujourd'hui que la raifon m'éclaire,
Je viens vous rendre un Culte volontaire :
Douce Pareffe, azile des plaifirs

Divinité fi chere à mes défirs,

En acceptant aujourd'hui mon hommage,

De ma raison fongez qu'il eft l'ouvrage,

LES DEUX REJETONS.

FABLE de M. RICHER.

DEUX

Eux Rejetons de la même racine,

Tous deux d'une égale hauteur,

Hors du lieu de leur origine

Furent plantés, L'un échut par malheur

Dans un mauvais terroir. La maigre nourriture
Qu'il en tira, l'empêcha de grandir,
De s'étendre & de s'arrondir.
Trifte rebut de la Nature,

Il n'avoit que des fruits pierreux.
L'autre eut un deftin plus heureux;
Et profitant d'une terre féconde,

Il devint le plus beau du monde :
H fembloit né pour le plaifir des yeux;
Portant des fruits en abondance,

Vermeils & bons par excellence,

Dignes d'être fervis fur la table des Dieux.
L'Arbre, que Zéphire careffe,

Devint présomptueux & rempli de fierté.

Combien d'heureux voit-on, dans leur yvreffe,
Oublier ce qu'ils ont été !

Le pauvre Rejeton l'ayant nommé fon frere;
Qui t'a rendu, dit-il, fi téméraire

D'ofer m'appeller de ce nom?

J'aurois pour frere un avorton!

Cela ne fe peut pas: corrige ton langage. P4

Ton bois fec, & mon verd feuillage
En démontrent la fauffeté.

Dieux! répond l'Arbuste insulté,
Jufqu'où monte ton infolence!

Le feul hazard fait ta beauté.

Je voudrois bien te voir fur le Tuf transplanté ;
Tu n'aurois pas tant d'arrogance,

Cette Fable eft du nombre de celles que M. Richer a prefqu'entierement refondues. Il en a retouché auffi plufieurs de fon Recueil de Fables dont l'Edition a été débitée avec fuccès. On en fouhaite depuis long-tems une nouvelle Edition. Outre une centaine de Fables qui n'ont jamais vû le jour, on feroit charmé de voir comment notre Fabulifte s'y eft pris pour améliorer un excellent fond: & il y auroit beaucoup à profiter dans la comparaifon. Ce n'eft pas un plaifir peu piquant pour les gens de goût d'obferver par quelles voyes ce même goût s'eft perfectionné dans les Maîtres de P'Art. Ce ne feroit pas auffi un préjugé défavorable pour ce Recueil nouveau d'entendre l'Auteur avoüer généreufement dans fa Préface, qu'il a trouvé quelques unes de ses anciennes Fables au deffous de fa réputation, & que par ce motif il les a judicicufement fupprimées. Je ne parle ici que d'après luimême;& fa candeur eft fi connue qu'on n'aura pas de peine à croire ce que j'avance.

DISCOURS

ITÉ

SUR LA SIMPLICITE

DES MŒURS.

D

ANS un tems où l'ancienne févérité des Loix femble fe ranimer pour prof crire le luxe & la fauffe grandeur, la Magiftrature, dont un des principaux devoirs a toujours été le fage éloignement de ces vices, ne doit-elle pas prêter de nouvelles forces à l'autorité qui les condamne, & par la voye rigoureuse, mais plus perfuafive des exemples, rappeller, s'il fe peut, la fimplicité

des Mours?

Qu'il nous foit donc permis en ces jours folemnels, deftinés à nous retracer l'image de nos devoirs, de rappeller au Magiftrat l'idée de cette vertu précieuse qui doit être recherchée dans tous les tems, & qui fait le bonheur de toutes les conditions.

Ennemie du fafte, de l'artifice & de l'oftentation, elle confacre l'homme à la vérité, & l'attache à fon devoir par des liens in

PS.

diffolubles : elle l'éclaire fur la véritable grandeur: elle lui fait connoître que ce n'eft qu'à fa foibleffe qu'il faut imputer la recher-che de ces dehors brillans inventés pour le déguiser aux yeux des autres, & pour le dérober, s'il fe pouvoit, aux fiens propres ; que l'éclat extérieur n'augmente pas le prix. des talens & de la raifon, que la fageffe l'a toujours dédaigné, & que c'eft le de ces mérites fuperficiels qui fe repaiffent du vain plaifir d'en impofer au vulgaire..

partage

Ce n'eft pas que par un caprice farouche la fimplicité des Moeurs méprife l'eftime des hommes: elle en connoît les avantages utiles à la vertu même, mais elle cherche à la mériter, & non à la furprendre: elle ignore l'art de se faire valoir par des dehors faftueux: elle ne penfe qu'à faire le bien, & ne s'oc cupe pas même du foin de relever le prix de fes propres actions: elle fe montre telle qu'elle eft, & néglige le fecours des ornemens étrangers. Semblable à ces perfonnes. que la Nature a pris foin d'orner d'une beauté vraye, qui méprifant un éclat emprunté, peu attentives aux graces qui les parent, plaifent fans les rechercher, même fans paroître le fçavoir, & remportent fur l'affectation une victoire qui ne leur coute ni feins, ni défirs..

Telle fe montre à nos yeux la fimplicité

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