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des Mours: non contente de conduire le cœur & d'éclairer l'efprit, elle regle encore l'extérieur dont elle écarte tout le fafte: elle fe fait fentir jufques dans les moindres paroles: elle bannit les expreffions trop étu diées : enfin elle imprime aux moindres actions ce caractere aimable de vérité qui fait toute la fureté, & par conféquent toute la douceur de la Societé civile.

Mais fila raison ramene tous les hommesala fimplicité des Mœurs, la Juftice en fait encore une-loi plus indifpenfable au Miniftre qu'elle choifit pour prononcer fes oracles:il doitfe regarder quelquefois comme le Protecteur,mais toujours comme le pere de ceux qui recou rent à fon autorité : loin de les écarter de lui par un abord faftueux, fon premier devoir eft de foulager leur timidité, de gagner leur cœur, d'attirer leur confiance: il faut que tout annonce en lui un Miniftre de Paix & de Juftice, qu'il foit à la portée de toutes les conditions, que le foible & l'opprimé puiffent ef pérer que leurs plaintes feront adreffées directement à celui qui les peut faire finir; que rien n'arrête ou n'étouffe la voix du pauvre qui implore fon fecours, & que né pour le Peuple, fon extérieur ne foit pas moins populaire que fon cœur même.

Dépofitaire public de toutes les vertus, c'eft par leur éclat feul qu'il doit briller :: le

luxe & la vanité font des objets frivoles, incapables d'éblouir une ame qui fe fent destinée à de plus grandes chofes : le bonheur de P'Etat qui peut être un de ses bienfaits, eft fon objet unique: il ne trouve de véritable plaifir qu'à être utile à sa Patrie.

Toutes les fonctions de la Magiftrature lui font précieuses: fi elles ne lui femblent pas toutes également augustes, aucune ne lui paroît méprifable: il n'imite point ces perfonnes faftueufes dont l'attention fe prête avec plaifir à ces conteftations célebres qui leur paroiffent faire honneur à leur pouvoir, ou être véritablement dignes de leurs lumieres, & fe refusent à ces caufes légeres & à ces détails rebutans qui entrent effentiellement dans l'ordre de la Justice: il fçait que la deftinée des Pauvres y eft prefque toujours attachée, que le véritable honneur du Magiftrat n'eft pas de décider entre les Grands ou fur des difficultés importantes, mais de retracer dans fes Jugemens l'image fidele & vivante de la Loi même qui établit des regles invariables, fans diftinguer les personnes ni les conditions.

Ennemi de toute affectation, il ne fait fentir aux autres aucune fupériorité, ni de condition, ni de talens : il est toujours prêt de faire à la Juftice un facrifice de fes opinions les plus cheres: les contradictions

l'inftruifent au lieu de le révolter: une éloquence douce & vraye anime fes difcours : fon extérieur fans fafte & fans artifice découvre la pureté de fon cœur. C'eft ainfi qu'il mérite la confiance des autres Miniftres de la Justice, & que la vérité qu'il a trouvé parce qu'il la cherchoit fans prévention, triomphe parce qu'il la défend fans aigreur.

Loin de lui ces foins inquiets qui captivent les autres hommes : le luxe étale envain à fes yeux tout ce qu'il peut avoir de plus fé duifant, il n'en eft point ébloui : il conferve autant qu'il peut l'ancienne fimplicité : les vrayes vertus lui paroiffent les feuls ornemens de fon Etat: fa vie uniforme,mais sage, paffe dans une heureufe ignorance de ce qu'on appelle avantages de la Fortune; ou ce qui eft de plus eftimable encore,dans une noble difpofition de cœur à n'en être point touché; vie fimple en apparence, mais vraiment digne d'un Magiftrat, & l'heureux partage dans tous les tems, des plus illuftres Miniftres de la Juftice.

Cette vertu éloignée de toute oftentation lui attire bien-tôt une confidération fupérieure à celle de la plus brillante fortune, mais cette confidération même ne diminue rien de la fimplicité de fes Moeurs : il eft furpris. de ce qu'on lui fait un mérite de cét attachement invariable à fon devoir; il ignore qu'il

eft digne de louanges, & il femble quelque→ fois que l'eftime & la reconnoiffance publique, biens fur lefquels il a un droit fi légitime, le gênent & l'embaraffent. Pour conferver cette précieuse fimplicité, le Magif trat évite avec foin de fe laiffer furprendre au vain éclat des objets extérieurs: il fçait que de ce fage éloignement dépend tout fon bonheur, & qu'en fe livrant à la jouiflance de ces faux biens, on perd peu à peu le goût qui nous attachoit aux véritables.

Artifans de nos propres malheurs, nous prêtons aux tentations les plus fortes armes: nous commençons par traiter de groffiers: ces tems heureux où l'on ne connoiffoit ni le luxe, ni le fafte: il femble que nous ignorions jufqu'à quel point il eft dangereux de nous familiarifer avec ces ennemis domeftiques de notre raison. L'admiration commenée à féduire notre ame: elle eft bien-tôt fuivie de nos défirs: un malheureux rafinement nous les représente de jour en jour fous de plus flateufes idées, & nous croyons perfectionner notre goût, lorfque nous ne faifons qu'affoiblir notre vertu.

On fe perfuade que l'attachement aux objets extérieurs n'a rien de contraire à l'efprit de Juftice qui doit animer le Magiftrat, qu'il en fera dans l'occafion un facrifice écla tant à fon devoir; mais que c'eft mal con

noître le cœur de l'homme! il ne partage pas fi long-tems fes défirs: ou la raifon y regne en fouveraine, & alors elle le détache de tous les autres objets ; ou par des combats continuels elle vient à lui paroître importune & févere: il ne la fuit qu'à regret, & dans la fauffe idée d'acheter fon repos, il ceffe enfin d'écouter une voix qui le trouble fans le déterminer.

Il n'en eft pas ainfi du fage Magiftrat qui joint à l'éloignement de ces vices. l'heureux fecours de l'habitude: loin de voir peu à peu diminuer fa vertu, il éprouve au contraire qu'elle acquiert tous les jours de nouvelles forces: bien-tôt elle devient iné➡ branlable. Les Mours fimples font les feules digues infurmontables aux paffions.

L'ambition écartera-t-elle de fon devoir un Magiftrat infenfible aux récompenfes qu'elle promet? plus attentif aux foins qu'exigent les dignités,qu'à l'éclat qu'elles répan-dent, il craint les honneurs nouveaux, bien loin de les rechercher : il fe borne à remplir les obligations de fon état : un nouveau joug ne lui paroît pas mériter les peines qu'il faut prendre pour fe l'impofer..

Que le fort, ou plutôt les fentimens mettent de différence entre le Magiftrat ambitieux & celui qui fe dévoue à la fimplicité ! l'un fait fervir fon devoir à fes projets ; l'au tre dans fes projets n'envifage que fon de

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