SEPITRE A URANIE. Avril 1743. A IMABLE guide de mon cœurs, Soutien.de mon foible génie, Toi, dans qui l'on voit réunie Aux traits les plus charmans, la naïve candeur;; Toi, de qui l'efprit enchanteur, Et la fage philofophie, Font couler les jours de ma vie Loin du caprice & de l'erreur Qu'enfante des Mortels l'orgueilleufe manie; Permets, mon aimable Uranie,. Que fans prendre, en ces Vers, le ftile de cenfeur, Je retrace à tes yeux la route peu fuivie, Où marche mon ame ravie, Pour arriver au vrai bonheur,. Et gouter des plaifirs la tranquille douceur.. Dans le trouble & l'emportement Trop heureux de trouver, dans mon égarement,, Une favorable Déeffe Qui fçut m'infpirer, en l'aimant, Le doux amour de la fageffe.. Quand tu vins dans mon cœur allumer fon flam beau, Quel jour plus brillant & plus beau, Je me laiffai guider par l'éclat de fa flâme: De mes vœux & de mes plaifirs. Et mon printems, & mon automne C'eft elle feule que j'implore; Uranie, en, l'aimant, c'eft ton cœur que j'adore Ce cœur, dont la fincérité Déteste l'inégalité ; Ce cœur, dont la droiture ignore Près de toi, le mien enchanté Dans mes plus beaux jours voit éclore Je goute la tranquillité.. En moi, chaque inftant voit renaître Et de mon ame, & de mon cœur, Le tendre Amour s'eft rendu maître. Tes vertus & tes yeux lui fourniffent des traits. Sous fes loix je vis déformais:. Et pour forcer les destinées wer Dans le fein de l'heureufe paix, A te voir, à t'aimer, je confacre à jamais Loin des yeux des jaloux mortels, Que m'offre un cœur droit & fincere; A l'abri du péril, échappé du naufrage, Ainfi l'on voit, pendant l'orage, Malgré fa nef brisée, un imprudent Nocher, Se fauver encor à la nage, De Neptune en fureur l'empire redouté. C eft dans ce féjour, où fans ceffe M'inftruit dans l'art de vivre heureux. C'eft là que, me riant du fol Ambitieux, Font fouvent des cœurs malheureux; Que la Pourpre & le Diadême, L'éclat de la grandeur fuprême, Dont les Mortels font envieux, Ne doit point éblouir nos yeux. Qu'un Berger, de qui la Mufette Fait des plus tendres chants retentir la retraite, Livre à plus de plaifir fon cœur, Qu'un Roy qui fait trembler la terre, Qui porte dans tous lieux le fer & le tonnerre, Et n'a, fous cét éclat trompeur, Que le mafque du vrai bonheur. J'apprens que la fortune, en promeffes légere, N'eft qu'une brillante chimere, Et la fource de toute erreur; Que le mortel qui court après la renommée, Qu'au tirannique orgueil un cœur facrifié, Doivent feuls nous donner des chaînes Que le fage eft celui qui, de la vérité, Et voit couler les jours paisibles, Dans les charmes doux & fenfibles, D'une aimable tranquillité.> C'eft ainfi, qu'éloigné du bruit & du tumulte, Loin de moi, féduifante pompe! Tu n'offres qu'un bien qui nous trompe C'eft donner les jours aux plaifirs. Délivré pour jamais des accès de folie, A fçû me rendre à ma raison! Des maux les plus cruels qu'un infenfé fe caufe,, Fuyez foucis, peines, allarmes, Votre empire odieux ne s'étend plus fur moi. Jours fortunés! jours pleins de charmes Charmans tranfports, ardente flâme, Regnez, je vous livre mon ame.. |