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S ZEPHIRE ET FLORE. HISTOIRE ALLÉGORIQUE.

L

E volage Zéphire eut pour pere le bon goût, & l'inconftance pour mere: il étoit à peine forti du berceau, qu'il fentit le penchant que fon cœur avoit pour la tendreffe. Auffi ne tarda-t-il pas long-tems à s'y livrer tout entier. Le fils de Vénus qui demeuroit dans fon voifinage, lia connoiffance avec lui: comme ils étoient de même âge & de même humeur, ils furent bien-tôt amis. Cependant Zéphire n'ofoit encore déclarer fes fentimens à l'Amour: il le connoiffoit railleur, & ne vouloit pas donner prife à fes railleries; lorfqu'un jour qu'il étoit plus rêveur qu'à l'ordinaire, l'Amour lui en guerre, & lui reprocha fon peu de confiance: Zéphire ne put tenir plus long-tems, il avoüa fa foibleffe. Hélas! dit-il à fon ami, malgré la tendreffe que j'ai pour vous, je fens qu'il me manque encore quelque chofe, & que mon cœur n'eft pas rempli! nos petits jeux ne m'amufent plus comme ils faifoient autrefois; je m'ennuye lorfque je fuis feul; quand je fuis avec vous, je voudrois vous quitter: il faut que je fois bien malade: je rêve, je foupire, je ne dors plus, je fuis dans

fit la

une agitation.... Ah! c'eft affez, dit l'Amour en faifant un éclat de rire, je connois votre mal, & je pourrois vous en guérir, mais je m'en donnerai bien de garde. Quoi donc repartit Zéphire, eft-ce là le langage d'un ami? Vous me laifferez donc mourir, cruel Amour, fans avoir pitié de ma douleur ! Que je fuis malheureux de vous avoir connu! hélas, devois-je m'attendre à un pareil traitement de votre part! Au nom de notre tendreffe, cher Amour, guériffez mon mal, puifque vous y fçavez quelque remede.

Eh bien, reprit Cupidon, il faut vous fatisfaire, je confens de vous guérir, pourvû que vous me juriez de ne me pas fçavoir mauvais gré de ce que je vais faire pour vous. Zéphire donna à peine le tems d'achever ce que l'Amour vouloit lui dire, qu'il jura fans confidérer jufqu'où l'engageoit fon ferment. Le lendemain l'Amour va voir Zéphire : il le trouve qui embéliffoit fes aifles des plus riches couleurs ; fes cheveux frifés à groffes boucles tomboient avec grace fur fes épaules; il avoit un air enjoüé que l'Amour ne lui avoit point encore remarqué jufques-là. Auffi-tôt qu'il apperçut Cupidon: eh bien, lui dit-il, êtes-vous toujours dans le deffein de me guérir? que faut-il que je faffe pour en venir à bout? me fuivre, répondit l'Amour. Auffi-tôt les deux petits Dieux tra

verfent les airs ; mais quels changemens fur leur paffage! Les Lyons & les Tygres s'attendriffent; les Bergeres ne font plus cruelles; l'indifférence au regard trifte fuit, & va chercher d'autres climats où exercer fon empire; la froideur fent fondre fes glaçons aux approches de l'Amour. Tout foupire dans la Nature;Zéphire le cœur brûlé de tant de feux ne peut plus foutenir le poids de fes aîles; il s'approche de la terre en planant, tombe accablé d'une tendre langueur. Auffitôt l'Amour le tranfporte dans un Partere & s'envole à Paphos où l'on étoit fur le point de célébrer une Fête en fon honneur. Zéphire, à fon réveil, eft faifi d'admiration à la vûë de tant de beautés ; il furmonte fa timidité naturelle, & s'adreffe à la Reine des Fleurettes. Belle Violette, lui dit-il, je fuis un jeune Enfant conduit ici par l'Amour, vous seule pouvez me guérir du mal que j'endure; vous êtes la premiere Divinité à qui je facrifie, daignez recevoir mon encens, & que l'envie que j'ai de vous fervir & de vous plaire me tiennent lieu des qualités qu'il faudroit avoir pour mériter cet honneur. L'aimable Violette accepta l'hommage de Zéphire; elle lui donna même des louanges qui partoient de la tendreffe qu'elle commençoit à fentir pour lui. Zéphire com mença dès-lors à être heureux; l'Amour

répandoit fur ces deux Amans fes dons les plus précieux. Tous les jours étoient marqués par de nouveaux plaifirs; mais hélas, fon bonheur ne fut pas de longue durée ! La Violette avoit fait la conquête de Zéphire, en affectant un air fimple & modefte; elle avoit d'ailleurs des charmes féducteurs elle étoit douce, complaifante; fes careffes étoient affaifonnées d'efprit & d'enjoûment; elle répandoit autour d'elle une odeur plus agréable que l'ambroifie; fa taille étoit petite, mais bien prife; fon port étoit aifé, fes manieres engageantes; mais elle cachoit fous ces dehors un fond de coqueterie qui déplut à l'amoureux Zéphire. Il lui fit d'abord des reproches, elle promit de fe corriger, & ne tint pas parole. Elle fe croyoit fi fure de fa conquête, qu'elle recevoit tous les jours à fa toilette un Papillon le plus galant du monde.

Zéphire l'apperçut un jour qui voltigeoit amoureufement autour d'elle, & qui tantôt lui déroboit un baifer, tantôt la careffoit avec fes aîles. La Coquette ne s'en défendoit que foiblement. Le Papillon étoit entreprenant, il fçut profiter de fon avantage; auffi-tôt l'infortuné Zéphire, pour n'être pas témoin de fa propre honte & de la défaite de fon Amante, prit fon effor, s'envola & fit bientôt un autre choix. Mais, hélas! il étoit

deftiné à être la victime de l'Amour; il ne put trouver de Maîtreffe auffi tendre & auffi fidele que lui. Pour s'en vanger il devint volage. Tantôt il foupira pour la Rofe, & tantôt pour l'Anémone; il aima quelque tems la premiere ; la beauté de fon tein, fon air majeftueux sembloient l'avoir fixé, mais il ne pouvoit s'accoutumer à fes caprices. Si fa beauté l'attiroit, fes épines le rebu toient. On dit même que cette aimable Tygreffe lui déchira une de fes aîles ; il en fut fi piqué contr'elle qu'il retourna à l'Anémone; il brifa bien-tôt fes chaînes, parce qu'elle cachoit fous l'éclat le plus brillant une amertume infupportable.

Enfin le volage Zéphire paffa fucceffivement de Maîtreffe en Maîtreffe; la Tubéreuse, la Renoncule, la Tulipe ne purent jamais fixer fon choix. Il tomba malade, & devint trifte & rêveur; fon inconftance l'expofoit tous les jours à de nouveaux chagrins; il n'éprouvoit qu'infidélités, que perfidies & trahifons de la part de fes Maîtreffes. Il en vouloit une fans défauts,mais il ne fçavoit où trouver ce tréfor auffi rare que précieux. Las enfin de chercher envain il voulut rompre avec l'Amour. Ce Dieu fut informé de fon deffein & voulut s'y oppofer; il vint le joindre, lui remit devant les yeux le ferment qu'il avoit fait de ne jamais fe broüiller avec

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