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pour un Oncle tel que celui que vous venez de perdre; tout, hors le défefpoir, vous eft permis, & votre douleur eft juste. Mais fongez en même tems que tant de lumieres que vous avez acquifes, au-deffus des perfonnes de votre âge & de votre fexe, nous répondent de votre fermeté, & ne rendez pas, à force de pleurer, votre efprit complice de la foiblesse des autres.

Je fçais, & je dois cette juftice aux manes de ce fage Oncle, dont la mémoire vous eft fi chere , que la mort vient de vous enlever un parfait ami plutôt qu'un parent, que l'estime & l'amitié de ceux qui le connoiffoient, étoient inféparables de l'avantage qu'ils avoient de le connoître, & que c'est enfin pour vous, une perte irréparable; mais

Fufqu'à quand voudrez-vous, fans nous daigner entendre,

Qu'on approuve les pleurs que l'on vous voit répandre?

Que la tendreffe & la reconnoiffance foient les vertus qui vous entretiennent du fouvenir de cette perte; mais que vos yeux, qui font les deux plus beaux yeux du monde, ne s'énorgüelliffent point de la vanité de verfer des torrens de larmes, dont une ombre ne peut leur fçavoir aucun gré. Votre deftinée les confacre ces yeux à un autre

ufage, & tous ceux qui les voyent, vous demanderoient, s'ils ofoient le faire, un compte rigoureux de leurs opiniâtres larmes. Pour moi, quelque chofe que je vous dife, pour moderer votre affliction, ne m'en croyez pas? apprenez au contraire que je me fais un plaifir malin de vous voir pleurer, & que ces pleurs me femblent ne s'échapper de vos yeux, que pour me vanger du defordre où ils ont fouvent mis les miens... Mais dans mon malheur, je me trouve encore heureux de m'appercevoir déja que ce fecret que j'ofe confier à votre douleur, devient le premier degré de votre confolation. Ne m'épargnez pas, Mademoiselle, & confolez-vous entierement, même aux dépens de tout mon repos.

La fortune jufte à votre égard, en vous comblant de fes faveurs, va s'unir à l'amour pour vous faire le fort le plus heureux, & affurer la felicité de l'Epoux qu'elle vous deftine. Ce trait n'étoit pas dans ce que vous m'avez un jour conté de votre horof cope; mais il eft dans mon idée, & il faut plus d'un bien à la fois, pour confoler une perfonne telle que vous, d'une perte comme celle que vous pleurez. Je fuis, &c.

I O DE.

Les Inégalités du Cœur humain, fixées par la Foi.

Par M. DE SALIS, de l'Oratoire,

TRESO

RESOR des cœurs, paix défirable,

Quand viendras-tu fixer mes erreurs dans le port?
Quand trouverai-je entoi ce calme inaltérable
Qui nous met au deffus du fort?

Quoi! toujours du caprice & la dupe & la proye,
Serai-je tour à tour enyvré par la joye,

Et déchiré par la douleur ?

Ciel, n'eft-ce point affez? pour combie d'infortune, D'un bien perdu faut-il que l'image importune

M insuite encor dans mon malheur?

*

Quel Peuple d'ennemis barbares, Du fein qui les enfante, ont bannile repos?" Quoi ! fe difputent-ils, dans leurs fureurs bifarres, L'honneur de varier mes maux?

L'ambition, l'Amour, le dépit qui m'enflâme Sont les Dieux ou plutôt les boureaux de moname

Et fi je refpire un moment,

Bientôt, cruel ennui, fuccédant à leur place,

Tu verses dans mon cœur un poifon qui le glace

Et le confume lentement.

Mais pourquoi, Fortune perfide, Viens-tu par de faux biens irriter mes défirs? Quelle honte pour moi! ton caprice décide De mes maux & de mes plaifirs. Tu fouris & tes dons enyvrent ma sagesse; Tu frappes, & tes coups accablent ma foibleffe ; Tout me manque avec ta faveur.

Moi-même, en y penfant, j'augmente ma tor

ture.

Tel, & moins vif encore un feu fans nourriture, Se dévore dans fon ardeur.

*

Je suis heureux, ceffons nos plaintes,
Et fuivons du plaifir le charme tout puiffant;
Rien ne peut déformais, par de fourdes atteintes,
Renverfer mon bonheur naiffant.

Tout eft calme au dehors, la Fortune me flate,
Autour de moi la joye & la richeffe éclate,
Mon chemin eft femé de fleurs.

Je foupire.... d'où vient ce changement étrange

Humeur, c'eft ton ouvrage, un foufle te dérange, Et mes ris font changés en pleurs.

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Que ma dépendance eft cruelle! Tout, excepté moi feul, peut disposer de moi, Du tems qui toujours change, image trop fidelle, Mon inconftance fuit la loi.

Plus léger que le vent, plus mobile que l'onde, S'abandonne au hazard ma courfe vagabonde; Aimable paix, viens l'arrêter;

Ne m'abufai-je point d'une vaine efpérance? Dans les bras de l'Orgueil, au fein de l'Ignorance, Le vrai bien peut-il habiter?

Je nage dans l'incertitude,
Et veux percer la nuit de ma fombre prifon,
Dans un Dédale obscur, ma vive inquiétude
Ne fait qu'égarer ma raison.

Impétueux, ardent, avide de lumieres,
Je vois en frémiffant de jalouses barrieres

Borner mon effor criminel;

Et m'échappant du Cercle où le Deftin m'enferme,

Je ne trouve au-delà que mille erreurs pour terme? Et pour fruit qu'un trouble éternel.

*

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