Qui d'un cœur ou perfide, ou trop ambitieux, Qu'enfin fi, par malheur, fa trop jaloufe Femme, Gardoit, malgré fes foins, un vieil dépit dans l'ame, Favorifoit les Révoltés, Il auroit cent fois plus à faire, Qu'il n'eut dans les extrêmités Où le mit autrefois Typhon le téméraire. Ne fçachant à quoi fe réfoudre, Contre ce petit Dieu fe fervir de fon Foudre, Enfin dans ce grand embarras, Son Fils, fon Apollon, qui feul fçavoit fa peine, Lui confeilla pour lors d'ufer de fa puiffance. Pour frustrer cét Enfant de la faveur des Dieux, Faites-lui promptement, dit-il, perdre les yeux, Et le mettez par-là dans l'entiere impuissance De regner jamais dans les Cieux; Car qui de nous voudroit d'un aveugle Monarque? l'on verra cette infâmante marque De fon audace, & du pouvoir Si-tôt que De votre redoutable & suprême Justice L'avis, quoique fanglant, ne laiffa pas de plaire; La Nature tout bas envain y réfifta, La Politique l'emporta, Jupiter à la fin le trouva falutaire ; Que le jaloux Phébus avoit en cette affaire, Vulcain fut chargé du supplice. Ce Miniftre cruel de fa haute Justice Il confervoit toujours un impuiffant défir Cét adultere fruit de fa Femme volage; Il craignoit Mars fon Pere, il n'osoit l'en punir, Et les plus grands efforts de fa timide rage Et joignant cét ordre févere A ce vieil & fenfible affront, 'A peine eft-il entré dans l'Ile de Cythere, Que ce pauvre Innocent, même aux yeux de fa Mere, Se fentit appliquer un Fer chaud fur le front. L'ardeur, en un moment, pénétre, s'infinue, Le Barbare en triomphe, infulte à fa douleur, Lui reproche, comme une offense, Tout fut paffionné dans ce cruel Arrêt, Et Jupiter d'un attentat Qu'il craignoit, & qu'il crut ne devoir pas attendre Tous les trois ravis du fuccès, Se flatoient de jouir en paix De leur inhumaine vangeance; Mais trompés à la fin dans leur douce espérance, Ils connurent bientôt, & même à leurs dépens, Qu'on ne fe vantoit pas long-tems De l'offenfe qu'on ofoit faire A cét aimable Enfant, à ce Dieu de l'Amour, Il fçavoit tôt ou tard fe vanger à fon tour. Apollon le premier en reffentit l'atteinte; Lui-même en fe joüant tua fon Hyacinthe; N'offrit à fon ardeur qu'un Laurier à baiser, Entre les bras de fes Maîtreffes, Acheta cherement leurs plus douces careffes es; Chacun ne fçait que trop qu'aucun ne fut honnête, Et que faire fouvent la Bête, Fut un de fes amusemens. Vulcain fut le dernier, il eut auffi fon compte; yeux de tous, Et fe crut fans façon toute chose permife, * Amour, pourquoi plus loin portes-tu ta vangeance? Quoi, toute la Nature humaine Ai-je de ton Empire empêché le progrès ? Tu me traites comme un Coupable, Iris toujours impitoyable, Se rit de mes foupirs, se mocque de mes pleurs, Et je ne fuis enfin qu'un Amant misérable. |