de l'Univers, & qui les fait connoître à ceux qui leur doivent naturellement obéir. Les Ecoffois fentirent la force de fes paroles, & fe foumirent avec tant de facilité, qu'il fembloit qu'ils avoient des préfages intérieurs, que bien-tôt le Duc d'York qui leur parloit au nom du Roy, le feroit luimême, & qu'ils devoient avoir l'honneur de fe foumettre les premiers à fon obéiffance & à recevoir fa loi. En effet, le 16 de Février 1685 Charle II. fortit de ce monde, & laiffa à tous les Anglais un regret fi fenfible de fa mort, qu'ils n'auroient pû fe confoler, s'ils n'avoient eu un autre lui-même dans la perfonne du Duc d'York fon frere, qui fut auffi-tôt proclamé Roy en Angleterre fous le nom de Jacque II. & peu de tems après dans l'Ecoffe, fous le nom de Jacque VII.

Ce fut le 3 de May 1685, que le Roy & la Reine furent couronnés avec toute la magnificence poffible. Leurs Majeftés fe rendirent de Witheal à Westminster fur les onze heures du matin, où elles monterent fur le Trône qui leur avoit été préparé, & enrichi d'une infinité d'ornemens d'or qui en relevoient la fplendeur & l'éclat. On leur préfenta d'abord toutes les marques de la dignité Royale, & on les distribuà aux Seigneurs qui devoient les porter. La marche

fe fit dans un ordre très-magnifique & trèsrégulier. La Reine étoit fous un Dais, porté par feize Barons des Cinq Ports, & affiftée des Evêques de Londres & de Winchefter. On portoit devant le Roy le Bâton de S. Edouard, les Eperons, le Sceptre orné d'une Croix, les trois anciennes Epées, dont celle du milieu étoit la Courtaine, ou courte Epée de S. Edouard. Le Comte de Lindsey Grand-Chambellan marchoit seul. Le Comte d'Oxford portant l'Epée Royale, marchoit entre le Duc de Grafton GrandConnétable, & le Duc de Norfolk GrandMaréchal. Le Duc d'Ormond faifant l'Office de Grand-Sénéchal, portoit la Couronne de S. Edouard entre le Duc de Sommerfet qui portoit le Globe, & le Duc d'Albemarle qui portoit le Sceptre orné d'une Colombe.

Le Roy fuivoit fous un Dais porté par feize Barons des Cinq Ports, accompagné des Evêques de Durham & de Bath. Le Duc de Northumberland Capitaine des Gar des du Corps marchoit entre le Comte de Huntingdon Capitaine des Gentilshommes Penfionnaires, & le Vicomte Grandifon Capitaine des Gardes de la Manche: Et le Milord Churchill Gentilhomme de la Chambre fuivi des Gardes de la Manche terminoit la marche. Tous les Seigneurs avoient leurs

bonnets & leurs couronnes à la main. Leurs Majestés étant entrées dans l'Eglife, & mon-tées fur un Théâtre, furent quelques tems en prieres: Elles s'approcherent de l'Autel, & y firent leur premiere offrande: On chanta quelques Motets, & les Seigneurs qui portoient les marques de la dignité Royale, les mirent fur l'Autel. Deux Evêques chanterent les Litanies: Et après le Sermon qui fut fait par l'Evêque d'Ely Grand-Aumônier, on commença le Veni Creator. Le Roy prêta le ferment accoutumé; & ayant quitté fes habits, l'Archevêque de Cantorbery l'oignit à la maniere pratiquée au Sacre des Rois d'Angleterre. Enfuite Sa Majefté fut revêtue des habits Royaux de S. Edouard, & placée fur le Trône du même Saint..

A trois heures après midy, on mit la Couronne fur la tête du Roy, & en même tems les Trompettes & les Tambours fonnerent, & on fit plufieurs décharges de Canon aux acclamations de tout le Peuple.. Auffi-tôt tous les Pairs mirent leurs bonnets & leurs couronnes fur leurs têtes. Le Roy reçut l'Anneau & le Sceptre, & baifa les Archevêques & les Evêques, fit fa feconde offrande, & monta fur fon Trône. Les Pairs Eccléfiaftiques & Séculiers vinrent lui rendre hommage, baiserent Sa Majefté à la

joue, & toucherent fa Couronne. Le Tréforier de la Maifon jetta au Peuple quantité de Médailles d'or & d'argent. La Reine ayant été couronnée reçut le Sceptre & le Bâton d'yvoire, fut conduite à fon Trône, & les Dames mirent leurs couronnes. Après la bénédiction que donna l'Archevêque de Cantorbery, Leurs Majeftés allerent à la Chapelle de S. Edouard, & le Roy quittant les habits Royaux de ce Saint, fut revêtu d'un habit Royal de velours violet. Les Dames & les Šeigneurs, leurs couronnes en tête, fe rendirent à la Sale de Weftminster, où ils prirent leurs places à des tables préparées, qui furent fervies magnifiquement. Le Grand-Sénéchal, le GrandConnétable & le Grand - Maréchal marchoient à cheval à la tête du premier service de la table de leurs Majeftés. Avant le fecond fervice, le Champion du Roy armé de toutes pieces, entra à cheval, & fit le défi ordinaire. Les Rois d'Armes proclamerent le Roy en Latin, en François & en Anglois, & la cérémonie étant achevée, Leurs Majeftés revinrent à Witehall.

L'Angleterre étoit dans de continuelles réjouiffances. Le Roy fut proclamé dans toutes les Provinces & Villes des Royaumes d'Ecoffe & d'Irlande. On présenta au Roy de tous côtés des Adreffes, où l'on

promettoit une fidélité perpétuelle & digne de Sujets véritablement foumis à leur Roy légitime. Jamais les Anglais ne firent paroître tant de zele & tant d'ardeur à foutenir les intérêts de leur Prince. Ses ordres étoient reçûs avec foumiffion, on les exécutoit exactement, & il fuffifoit de connoître la volonté du Roy pour l'accomplir. Auffi peut-on dire que ce Prince naturellement doux gagnoit le cœur de tous fes Sujets, par des manieres nobles & aifées qui le faifoient aimer & refpecter également. Jufte dans fes défirs, noble dans fes deffeins, fincere dans toutes fes actions, il mettoit toute fa gloire à gouverner en paix, & à foutenir un Peuple qu'il aimoit tendrement; & le haut dégré d'honneur où il fe voyoit élevé par fa naiffance, ne lui fervoit qu'à le répandre en graces & en faveurs à l'égard de fes Sujets. De fi heureux commencemens promettoient à l'Angleterre un nouveau fiécle d'or. Le commerce étoit libre, la paix & la tranquillité étoient folides & affurées ; lorfque tout d'un coup l'on vit d'un côté le Comte d'Argile, & de l'autre le Duc de Montmouth, qui venoient pour détrôner ce Prince légitime, & affervir fes Sujets fous une rude & cruelle fervitude.

Le Comte d'Argile ayant équippé une Flotte de Mécontens d'Ecoffe & d'Angle