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Qu'il n'est point de foupirs qui ne demandent rien d'amours font faits comme le mien,

Et qu'enfin peu

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Supprimons donc ces noms d'Amant & de Maî treffe >

Ce qu'on appelle amour, tranfport, ardeur, foibleffe;

N'aimons que la vertu : mais ailleurs que chez vous La trouve-t-on aimable, avec des traits fi doux? On peut dans un ami trouver un cœur fidelle, Mais la vertu chez lui ne fut jamais fi belle. L'amitié fe conferve avec plus de douceur, Quand les yeux font contens auffi bien que le

cœur ;

Quand, pour fe faire aimer, la fageffe invifible, Dans un charmant Objet, fe rend prefque fen

fible.

Sur votre front la gloire elle-même se peint,
Et prend, pour se montrer, l'éclat de votre teint.
Que la fiere pudeur a de puiffantes armes
Quand, pour fe faire craindre, elle emprunte vos
charmes !

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On croit, en vous voyant, qu'elle vit parmi nous, Et que la vertu même eft faite comme vous.

C'eft ainfi que Tircis, dans le fond de son ame`, Parloit fincerement à l'Objet de sa flâme. Il part pour la chercher, & fe flate en secret Du fuccès d'un amour fi fage & fi discret. Tome I. Partie II.

Y

Il la trouve, il l'approche avec cette affurance
Qu'inspire la vertu, que donne l'innocence ;
Il lui parle un langage où ne fe mêle rien
Que ne puisse approuver un cœur comme le fien.
Philis, d'un cœur plus doux voit Tircis & le loue,
Mais prefqu'à même tems Tircis la défavouë;
Et fes nouveaux regards excitent dans son cœur
Un amour, dont loin d'elle il se croyoit vainqueur.
C'eft envain qu'il combat fa fatale puiffance;
Il sent qu'il ne sçauroit la vaincre en sa présence,
Et que, pour une entiere & prompte guérifon,
La fuite eft un fecours plus für que la raison.

LA

BELLE NORMANDE.

HISTOIRE.

Na beau prendre des précautions contre l'adreffe des Belles. Les plus défians en font toujours les dupes, & l'Avanture qui fuit en convaincra le Lecteur.

Une jeune Dame, qu'une occafion preffante avoit obligée d'aller précipitament en Normandie, en revenoit il y a deux mois. dans un Carroffe de voiture pour Paris, fans autre fuite que celle d'une Femme de cham bre qui l'accompagnoit. Du blond, du blanc, du rouge, & quelque régularité de traits qui pouvoit la faire paffer pour belle, plurent à un Cavalier qui fe trouva auprès d'elle à une Portiere. Il lui débita quelques douceurs; &, pour se mettre dans fon efprit en répu tation de mérite, il affaifonna ce qu'il lui dit d'obligeant, de quelques petits contes de bonne fortune, qui faifoient comprendre qu'il ne tenoit qu'à lui de choifir. La Dame trouva la rencontre avantageufe, & comme elle ne cherchoit qu'à moins fentir l'ennui

du chemin, elle réfolut de fe réjouir du Cavalier, en prenant les airs d'une Coquete. Elle écouta tout, fourit gracieufement aux plus fortes déclarations qu'il lui put faire, & lui laiffant préfumer qu'elle le trouvoit aimable, elle lui donna lieu de croire qu'il n'auroit pas de peine à s'en faire aimer. Le foir il entretint fort long-tems la Dame. Il la conjura de lui découvrir qui elle étoit, & en reçut une fauffe confidence qui ne le laiffa plus dorer qu'elle n'eût le cœur fenfible pour lui. Elle feignit d'être fille, fe donna le nom d'une jeune Demoiselle de Rouen, qu'elle avoit connuë pendant fon voyage, dit qu'elle alloit trouver fa mere à Paris, où elle étoit depuis quelque tems pour y poursuivre un Procès; qu'elle avoit eu ordre de s'y rendre en hâte pour l'accompagner dans les follicitations qu'elle avoit à faire, que fon retour dépendoit de la promptitude avec laquelle fon affaire feroit vidée, & que fi elle fe faifoit appeller Madame par la Femme de chambre qu'elle amenoit, c'étoit pour fe garantir de la cenfure des délicats qui pourroient faire un jugement défavantageux de voir une fille fans efcorte dans un Carroffe public.

Cette confidence obligea le Cavalier. La jeuneffe de la Dame rendoit la chose affez vrai-femblable; & plus il parut qu'elle lui

ouvroit fon cœur, plus il fe flata de l'avoir touché. Ce qu'il y eut de particulier dans la fauffe hiftoire qu'elle lui conta, c'eft que la Belle Normande dont elle prenoit le nom, avoit avec elle un fort grand rapport de traits, je ne dis pas feulement pour le vifage, mais pour la taille & la voix. On en remarquoit la différence à les voir l'une avec l'autre; mais féparément, il n'y avoit perfonne qui ne s'y méprît. Cette reffemblance avoit fait leur amitié. La Dame avoit voulu voir d'abord la belle Normande, qu'on lui avoit dit être fa figure; & elle s'étoit laiffé tellement charmer de fon humeur, qu'elle en avoit été prefque inféparable jufqu'à fon départ. Elles s'étoient promis de s'écrire. La Dame commença dès le foir même, & fit à la Belle une relation fort enjoüée de la conquête qu'elle efpéroit faire fous fon nom.

Le Cavalier qui l'avoit quittée fort tard, emploiia une partie de ce qui reftoit de nuit à réfléchir fur fon avanture. Comme il étoit Poëte, il fit provifion de Madrigaux amoureux, & il s'en fervit le lendemain à faire valoir fa paffion à la Dame. C'étoit un amufement pour elle dans le Carroffe. On s'écria fur leur tour galant, & on ne put lui voir tant d'efprit, fans lui avouer qu'on étoit fâché de l'avoir connu. Jugez combien cét aveu lui donna de joye. La Dame qui étoit

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