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Ultima gaudii luctus

Occupat.

nous dire
que, comme la Courtisanne
Laïs avoit amaffé en Grece, de grandes
richeffes, des prefens que luy faifoient
fes amans à l'envi les uns des autres : de
même celle-cy dont il parle, qui fera de
la même nation ou Laïs fut autrefois fi
en vogue, & qui ne fera pas auffi moins
belle, ne fera pas non plus une moindre
fortune; puifqu'elle aura (dit le fecond
vers) une infinité de galants qui la ren-
dront heureufe, en luy donnant, fans
doute, à qui mieux mieux, pour avoir la
préfeance dans fon cœur & fon amitié.
Car il faut entendre ce vers, comme s'il
y avoit en Latin,'

Facta fælix ab innumeris procis, ainfi que nous le remarquerons encore plus loin dans la Profodic.

Mais helas que ce phantôme de bonheur, tel qu'il paroift aux mondains, fera pour elle de courte durée ! puifqu'ayant cfté mife apparemment fur un vaiffeau, pour eftre transportée de Grece en Espa elle aura le malheur de tomber entre les mains de gens qui luy feront fans dou te fouffrir mille indignitez, & finir par là triftement la vie, pour vérifier cette Sentence: Que la fin des plaifirs mondains font les pleurs & les larmes,

gne,

Voila le fens le plus naturel qu'on puisse tirer des deux derniers vers. Car de dire avec le Sieur Guynaud, que cette Dame viendra à la Cour de France, & qu'elle fera aimée de quelqu'un de nos Rois, c'eft ce qui ne fçauroit me paroiftre tant foit peu vrai-femblable, n'y ayant pas feulement un pauvre petit mot dans ce Quatrain, ni même dans tout le refte des Prophéties de notre Oracle, d'où l'on puiffe raisonnablement recueillir ou deviner ce fens. C'eft pourquoi j'aimerois bien mieux dire, avec beaucoup plus de probabilité : Qu'un grand Prince, Arabbe de naiffance, qui fe fera rendu maître de Conftantinople & de l'Egypte, voyant enfuite apparence toute certaine, dans la conjoncture ou fituation des affaires de l'Europe, de faire alors de grands progrés de guerre en Efpagne, il armera pour ce fujet une tres-puiffante Flote, afin de venir à bout de fon deffein; qu' enfuite paffant par la Grece, parce qu'el le fera fur fa route, il y fera connoiffance & amitié avec cette belle Dame; fi bien qu'aprés avoir conquis la Grenade, qui fait partie des Efpagnes, fe croyant déja au-deffus du vent, & en état de reprendre fes plaifirs accoûtumez, il envoyera fans doute fes ordres pour faire venir en

Cent.V.

Quat.

XIV.

Cent.V.

fa Cour cette charmante Beauté. Mais il eft à croire que l'impatience de fe revoir enfemble, leur ayant fait négliger de prendre ou attendre l'occafion d'une bonne escorte: il ne faudra pas s'étonner aprés cela, fi le vaiffeau fur lequel fera montée cette Dame, pour eftre transportée hors de Grece en Efpagne, fera infulté fur la route, quelque part auprés de Malthe; d'autant qu'on pourroit fort bien conjecturer tout cecy des trois Qua trains fuivans, que voicy,

Saturne & Mars en Leo Espagne

captive, Par chef Lybique au conflict attrappé, Proche de Malthe Heredde prinfe vi

ve,

Et Romain Sceptre fera par Cocq frappé.

De la felice Arabie contrade,

2. LV. Naiftra puissant de loy Mahometique, Vexer l'Espagne, conquefter la Grenade,

Cent X. 2. XCV,

Et plus par mer à la gent Liguftique. Dans les Efpagnes viendra Roy tres-puissant,

Parmer & terre fubjuguant or midy: Ce mal fera, rabaiffant le Croiffant, Baiffer les ailes à ceux du Vendredy.

Car par le premier Quatrain on voit qu'un Chefou Roy de Lybie mettra l'Ef pagne en captivité, pour y tomber luymême quelque temps aprés, étant pris ou attrappé dans un combat; & par le fecond, qu'un Prince Arabbe viendra conquefter la Grenade, ce qui revient asfez au fens du premier, & fe trouve en même temps confirmé par le troifiéme & dernier Quatrain. D'autant que c'eft l'ordinaire de Noftradamus, de parler d'une même chofe, & d'un même Prince, en plufieurs Quatrains feparez, & fous dif ferentes circonstances & figures, afin de n'eftre pas aifément entendu ni fuivi, comme on le peut recueillir cu inferer de fes propres paroles, fur la fin de l'Epître à Henri II. F'euffe, dit-il, adapté les uns avec les autres: mais, &c. Il y a donc maniere, felon Noftradamus, de lier les Quatrains les uns avec les autres, quand on voit qu'ils ont du rapport. C'eft pourquoy, je dirois avec bien plus d'apparence & de vrai- femblance, que tout ce qu'a dit ici le Sieur Guynaud : Que ce feroit là le Prince du Regne Hifpanique

qui auroit fait en passant par la Grece, habitude & connoiffance avec cette belle Dame; & même je le croirois d'autant plus volontiers, qu'il eft porté en mots exprés, au troifiéme vers du premier Quatrain des trois derniers que nous venons de citer,

Proche de Malthe Heredde prinfe vive,

C'eft-à-dire que cette Amante fera prise en vie. Car j'aimerois fans comparaison beaucoup mieux attribuer à cette Dame le fens de ce vers, que de l'attribuer à ce je ne fçai quoy, que veut dire le Sieur Guynaud page 242. Je dirois donc que fous ce mot Heredde ou Herodde, comme on voudra lire, eft caché le nom de cette infigne Courtisanne, qui fera prise en vie quelque part autour de Malthe: parce que c'eft là le chemin pour aller de Grece par mer en Efpagne; & cela retomberoit parfaitement bien au fens des paroles du premier Quatrain, Hors tranflatés en regne Hifpanique, captive prinse, &c. foit qu'elle foit prife en y allant, ou en revenant, il n'importe.

J'ajouterois encore que ce même Roy Arabbe ou de Lybie, n'auroit pas à la fin

un

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