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Or quand je dis que la Grammaire cft fi neceffaire pour bien entendre & expli Noftradamus, je ne veux pas feulequer ment parler de la Grammaire d'ufage ou de pratique, telle qu'elle eft & doit eftre dans toutes les perfonnes habiles, qui ne fçauroient l'eftre, fans avoir du moins celle-là: mais principalement je veux dire la Grammaire fpéculative ou de doctrine, qui fçait rendre raifon de tout ce qu'elle dit, & ce qu'elle fait, telle qu'elle eft dans les bons Maiftres de l'Art.

Je ne prétends point neanmoins traiter icy de toutes les parties avec la même exactitude que feroit un Grammairien : mais feulement j'en parlerai par rapport à mon deffein ; & des quatre parties dont traite la Grammaire, fçavoir 1o. De l'Orthographic, 20. De l'Etymologie, 30. De la Syntaxe, & 4°. De la Profodie: je parlerai d'abord, dans un feul & même. Article, des deux premieres, qui s'occupent à confiderer la nature de chaque mot en particulier, & comme feparé des autres. Enfuite je pafferai à l'Article de la Syntaxe, qui examine les liaifons differentes, & le rapport des mots les uns aux autres ; & j'en ferai deux Sections, l'une de la Syntaxe comnfune, & l'autre de la Syntaxe figurée. Puis en dernier

lieu, je dirai auffi quelque chofe de la Profodie, dans le troifiéme & dernier Ar◄ ticle.

ARTICLE I.

De l'Orthographie & Etymologie.

J

E ne diftingue point l'Orthographie de la veritable écriture ou lecture qu'il faut faire de chaque mot en particulier; ni l'étymologic de fa vraye fignification, par rapport à tous fes accidens. C'eft-là auffi prefque l'unique fecours qu'ont pû jufqu'icy tirer de la Grammaire tous les Interpretes de Nostradamus pour l'expliquer. Car pourvû qu'ils fuffent perfuadez, ou du moins qu'ils puffent faire croi. re au Public, qu'ils auroient attrapé la veritable lecture avec le vrai fens de cha-. que mot en particulier, ils étoient contens mais ils ont fouvent pris plaifir à se tromper eux-mêmes, pour jetter enfuite les autres dans l'erreur, aufli- bien dans la premiere, que dans la feconde de ces deux parties deGrammaite; témoin l'Auteur anonyme, qui a été fuivi par le Sieur Guynaud, en alterant ou corrompant les deux premiers Quatrains de la premiere

:

Centurie, que je paffe fous filence avec beaucoup d'autres, pour examiner le dernier vers du cinquante feptiéme Quatrain de la troifiéme Centurie, que voici:

Aries doubte fon pole baftarnan. -Car cet Auteur Anonyme des éclairciffe-, mens pretendus fur Noftradamus, ne pouvant tirer, tout habile homme qu'il fût d'ailleurs, aucun fens vray- femblable de cette lecture, qui eft la veritable & trés-conftante dans toutes les Editions, tant anciennes que modernes, comme il eft aifé de le vérifier: il s'eft allé imaginer que ce mot doubte, étoit corrompu, & qu'il falloit affurément lire, Aries double bien qu'en fuivant cette penfée, il eft tombé, & le Sieur Guynaud avec luy, dans une grande erreur contraire à l'Aftronomie, en difant qu'Aries fait deux fois le tour de fon pôle en deux cens nonante ou quatre-vingt-dix ans : Car les Aftronomes ont obfervé que depuis Prolemée jufqu'à nous, c'eft-à-dire que depuis environ feize fiecles, chaque Signe du Zodiaque n'a avancé autour de fon pole, guéres que de la douzième partie de fon total circuit; puifque prefentement Aries n'occupe quafi encore que la place quetenoit Taurus du temps de Ptolemée; &

Taurus n'occupe guéres que celle de Gemini, & Gemini celle du Signe fuivant, & ainfi confequemment des autres, tant ce mouvement eft lent & prefque infenfible. Tellement que fuivant cette obfervation, il faudroit plufieurs milliers d'années à chaque Signe pour achever fon tour; ce n'eft donc pas là pour qu'Aries le puiffe doubler, ou le faire deux fois, en deux cens quatre vingt-dix ans, commë le penfent ces Auteurs.

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D'un autre côté pourquoi vouloir que l'étymologie du mot bastarnan, foit dérivée de Baftarnie? Par quelle analogie ou proportion ces Auteurs pretendent-ils qu'il en foit tiré Et pourquoy la Baftar? nie nous marquera t'elle le pole d'Aries, pluftoft que ne fait la France ou la Paleftine (car j'argumente ad hominem ) puifquo felon ces Auteurs, Aries domine fur tous ces Pays? Il faudroit donc encore avec tout cela, que la Baftarnie fût fituée fous le Cercle Polaire, qui eft le vrai pole d'Aries & de tous les autres Signes du Zodiaque. Mais ce n'eft pas là la feule faute que ces deux Auteurs ont faite dans ce Quatrain, où ils n'ont quafi rien dit de vray-femblable, horfmis quelques differentes révolutions arrivées à l'Angleterre, parce que cela faute aux yeux de

tout le monde. Car le Sieur Guynaud furtout, s'embaraffe de luy-même dans fes toiles, lorfqu'il cite ces paroles de l'Auteur Anonyme: La cinquième (revolu tion) fe verra bien-têt fous un Roy, legitime fucceffeur, de la Religion Romaine, &c. 11 s'embarraffe, dis-je, en ce qu'il applique la cinquiéme révolution d'Angleterre à Jacques 11. & que peu s'en faut qu'il ne crie là-deffus au miracle, s'imaginant que l'Auteur Anonyme avoit prophetizé jufte de Jacques 11. mais il ne prend pas garde que cet Anonyme, qui écrivoit ces chofes en 1655. aprés la malheureufe bataille de Worchester, artivée en 1651, l'appli quoit à Charles II. Roy d'Angleterre, & s'imaginoit, en penfant expliquer le Qua train, que ce Prince, qui s'étoit réfugié en France, aprés avoir perdu cette bataille, fucceroit fans doute, avec les mœurs Françoiles, la verité de la Reli gion Romaine, pour la bien-tôt porter aprés jufques fur le Trône d'Angleterre. En effet ce Prince fut rétabli fur fon Trône en 1660, qui n'eft pas un terme bien éloigné de 1655: mais l'Auteur Anonyme des Eclairciffemens fut trompé dans La conjecture, en ce que Charles II. a toûjours vécu, & eft finalement mort dans fon herefie, Cependant le Sieur Guy.

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