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qu'elles fuffent en âge d'être mariées, Philippe [ le Long] auroit le gouvernement des royaumes de France & de Navarre, & des comtés de Champagne & de Brie, & qu'il en recevroit les hommages comme gouverneur que Marguerite feroit remife entre les mains d'Agnès, ducheffe de Bourgogne fa grande-mère, qui auroit foin de fon éducation, mais qu'elle ne pourroit être mariée fans le confentement de Philippe [ le Long], ou de celui qui gouverneroit alors le royaume, des comtes de Valois, d'Evreux & de la Marche, ou de leurs fils, en cas que les pères fuffent morts; & dans le cas de la mort des fils, des plus prochains du lignage de Fran

ce.

Philippe [le Long] ftipula expreffément qu'il ne feroit ni lié ni engagé envers ces princeffes,s'il arrivoit que la reine Clémence accouchât d'un fils, aux droits duquel ces préfentes conventions ne pourroient porter aucun préjudice.

Ces conventions furent faites en présence, du confentement & par le confeil des princes du fang & des principaux feigneurs de France, qui jurèrent & promirent de les obferver; &, pour donner à cet acte plus d'authenticité & plus de force,on y ajoûta que les prélats,

les

pers, les barons & les comtes du royaume, & principalement ceux en présence de qui il avoit été paffé, feroient requis d'y mettre leurs fceaux avec ceux de Philippe [le Long ] & d'Eudes duc de Bourgogne.

Le (1) 15 de novembre, 1316, la reine Clémence accoucha d'un fils qui fut nommé Jean, & qui fut roi de France & de Navarre, & comte de Champagne & de Brie; mais il mourut le 19. du même mois & Philippe [le Long] fut couronné Roi le 6 de janvier suivant, malgré l'oppofition du duc de Bourgogne, de laquelle j'ai rendu compte ci-deffus. Cette oppofition n'avoit aucun fondement le droit de Philippe le Long fur la (1) Hift. généalog. de la maison de France, t. I. p. 92.

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couronne étoit inconteftable; mais celui que Jeanne fa nièce avoit fur la Navarre, la Champagne & la Brie, foit comme héritière de fon père & de fon frère, foit en vertu du traité du 17 de juillet 1316 étoit auffi bien fondé. Philippe le Long ne put cependant se réfoudre à exécuter ce traité. Le duc de Bourgogne, toûjours zélé pour les intérêts de fa nièce, (1) fe lia avec les nobles de la Champagne, & se prépara à soûtenir, par la force, les droits de Jeanne. Ces commencemens de troubles, qui auroient pû avoir des fuites très-funeftes furent heureusement étouffés par un nouveau (2) traité conclu à Paris le 27 de mars 1317, vers la fin de l'an• Pr. p. 6. née a entre Philippe le Long & Eudes duc de Bourgogne, au nom de fa nièce, au fien & au nom de fa mère avec laquelle il étoit tuteur ou curateur de fa nièce ( 3 ). Le duc de Bourgogne renonça à perpétuité pour fa nièce aux droits qu'elle pouvoit avoir fur les royaumes de France & de Navarre, & il renonça pour elle, en faveur de Philippe le Long & de fa poftérité mafculine feulement, aux droits qu'elle avoit & comme héritière de fa mère, & en vertu des traités qui avoient été faits fur les comtés de Champagne & de Brie, moyennant une récompenfe qu'on donna à Jeanne; & il s'engagea de lui faire ratifier ce traité lorfqu'elle auroit douze ans, & à fon mari, fi elle en avoit un.

Il fut ftipulé, que fi Philippe le Long mouroit fans enfans, la Champagne & la Brie reviendroient à Jeanne, à l'exception de la portion qui appartenoit à Philippe le Long & à Charles le Bel fon frère pour caufe de l'appanage ou provifion de la fucceffion de leur mère ; & que, dans ce cas, Jeanne rendroit à la couronne la récompenfe qu'elle auroit reçue pour ces comtés ; mais que ce

(1) Voyez ce qui fera dit du traité du 27. de mars 1317.

(2) Pr. p. 6. Voyez fur la date de cet acte la note (i) de la p. 302. du 17o vol. du recueil de l'Académie.

(3) Voyez ce qui fera dit ci-deffous fur l'acte du mois de juillet 1336,

pendant ils refteroient entre les mains de celui qui feroit roi de France en qualité de garde & de bailliftre de Jeanne, jufqu'à ce qu'elle eût douze ans. On convint même que lorfqu'elle auroit atteint cet âge, elle ne pourroit avoir la fucceffion de ces comtés, qu'elle & fon mari, fi elle en avoit un, & qu'il eût quatorze ans, n'euffent ratifié ce traité. On convint encore que, fi Jeanne mouroit fans enfans, la Champagne & la Brie en cas qu'elle les poffe dât, ou la récompenfe qu'elle auroit reçue pour ces comtés reviendroient à la cou

ronne.

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,

a C'eft-à-dire,

rente en terre.

b Mortain

Pour récompenfer Jeanne des renonciations que l'on faifoit en fon nom, on lui donna 1o. a 15000. livrées de terre à tournois, qui devoient être affignées d'abord fur 15000. livres de le comté d'Angoulême & fur fes dépendances ; &, fi ce comté ne fuffifoit pas pour remplir cette fomme fur la châtellenie de ↳ Moretoing dans le bailliage de Coutances. 2°. 50000. livres tournois qui devoient être employées à achetter des terres dans le royaume: il fur ftipulé que Jeanne tiendroit en pairie & en baronie, & les terres qui lui feroient affignées pour fournir la valeur des 15000. livres de rente, & celles qui feroient achettées des scooo. livres, en cas que ce fuffent des fiefsrelevant du Roi, qui retiendroit la garde & le bail de ces terres jufqu'à ce qu'elle eût douze ans. On conclut, par le même traité, le mariage de Jeanne avec [ Philippe], fils aîné de Louis comte d'Evreux, & avec fon frère puîné, en cas que Philippe mourût avant le mariage. L'on convint de demander des difpenfes d'âge, [car Jeanne n'avoit guères plus de fix ans (1)], pour célébrer ce mariage le plutôt qu'il feroit poffible, pour le bien commun & de paix, (ce font les termes de l'acte ) & pour les grands biens & proffits qui s'en enfievent, & pour

с

efchiver les maux & les grands périls qui en pourroient © éviters

(1) Elle étoit née le 28. de janvier 1311. Hift. généalog, de la maison de France, to 1. Pr92o

• Pag. 32

venir. La prompte conclufion de ce mariage paroiffoit
fans doute bien importante, puisqu'il fut réfolu de le
faire par paroles de préfent, fi on ne pouvoit obtenir de
difpenfe d'âge. L'on convint auffi qu'auffitôt que le
mariage auroit été célébré, Jeanne, qui étoit élevée au-
près de la ducheffe de Bourgogne fa grande-mère, fui-
vant que l'on en étoit convenu par le traité du 17. de
juillet 1316. feroit remise entre les mains de la reine
(1) Marie [ veuve de Philippe le Hardi], & entre celles
de Louis comte d'Evreux [fon beau-père ], auxquels
le Roi, comme bailliftre de Jeanne, fourniroit les
fommes néceffaires pour fa dépenfe. Par le même traité,
le duc de Bourgogne & les nobles de Champagne, re-
noncèrent aux alliances qu'ils avoient faites enfemble;
& Philippe le Long leur en accorda le pardon & leur
remit toutes les peines qu'ils pouvoient avoir méritées
& le duc & les nobles de Champagne qui étoient pré-
fens lui firent hommage.

Ce traité fut confirmé le même jour, par un autre acte que l'on peut voir dans les preuves de l'hiftoire

d'Evreux 2.

Le fceau, & peut-être le motif fecret de ce traité, fut le mariage du duc de Bourgogne avec Jeanne, fille de Philippe le Long, qui fe fit le 18. juin (2) 1318. (3) Par çe mariage Eudes joignit à fon duché le comté de Bourgogne qui appartenoit à Jeanne mère de fa femme.

Le mariage de Philippe d'Evreux & de Jeanne fut auffi célébré par parole de préfent (4) l'an 1318. & Char les le Mauvais, roi de Navarre, fut leur fils aîné,

(1) Il y a feulement dans l'acte la reine Marie. Je ne trouve point dans ce tems là d'autre reine de ce nom, que Marie de Brabant, feconde femme de Philippe le Hardi. Cette reine mourut le 10. ou le 12. de janvier 1321. Elle étoit mère de Louis comte d'Evreux. Voyez Hift. généalog. de la maifon de France, t. 1. p. 88.

(2) L'hiftoire généalogique de la maison de France, p. 94,

(3) Dupuy, traité des droits du Roi, p. m. 745.

(4) Second continuateur de Nangis, p. 74. col. I,

(1) Le traité conclu par Philippe le Long étoit avantageux à la couronne, en ce qu'il y réuniffoit à perpétuité le royaume de Navarre: mais, pour ce qui regarde la Champagne & la Brie, il n'avoit fongé qu'à fon intérêt particulier & à celui de fa poftérité mafculine, fans avoir égard à celui de Charles le Bel fon frère.

Philippe le Long étant mort fans enfans mâles la nuit du 2 (2) au 3 janvier 1321, Jeanne rentra dans tous fes droits fur la Champagne & la Brie, auxquels le duc de Bourgogne fon oncle avoit renoncé pour elle ent aveur de Philippe le Long & de fa poftérité masculine : mais Charles le Bel, frère & fucceffeur de ce Roi, fuivit fon exemple, & fçut se conserver la propriété de ces deux provinces par un a traité qui fut conclu vers l'an Pr. p. 1ñ (3) 1324.

Charles le Bel ne traita pas avec le duc de Bourgogne 'dont la tutelle avoit ceffé par le mariage de Jeanne, mais avec Jeanne elle-même, qui, en 1323, avoit douze ans, & avec Philippe d'Evreux fon mari, qui dans cette année avoit à peu-près dix-neuf ans; puisqu'il eft dit dans une bulle donnée le 3 des nones de mai de la 2de année du pontificat de Jean XXII, [ c'est-à-dire, les de mai 1318 (4)], qu'il n'avoit pas encore quatorze ans.

Ce traité, fait entre Charles le Bel & Philippe d'Evreux, ressemble affez à celui qui avoit été conclu le 27 de mars 1317, entre Philippe le Long & le duc de Bourgogne ; c'est-à-dire, que les deux parties contractantes y trouvèrent leurs avantages: cependant on augmenta, par ce dernier traité, la récompenfe due à Jeanne.

Charles le Bel, dit dans un b traité du mois de janvier 1327, que Philippe comte d'Evreux lui demandant, au

(1) Hiftoire généalogique de la maifon de France, t. I. p. 282. 2) Hift. généalog. de la maison de France, t. L. p. 93.

(3) Voyez, fur le tems auquel ce traité fut conclu, la p. 304. du 17° vol. du recueil de l'Académie.

(4) Preuve de l'hift. d'Evreux, p. 38. & hift. généalog. de la maison de France, t. I. p. 282.

Preuv. de l'hifts d'Evreux, p.474

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