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nom de fa femme, le comté de Champagne en vertu du traité fait par Philippe le Long, & lui foûtenant plufieurs raifons qu'il ne devoit pas avoir cette comté, ils ont fait enfemble l'accord fuivant.

par

Il paroît, par le traité conclu vers 1324, que ce traité fut fait à peu près fur le plan de celui de 1317, pour récompenfe de la Champagne & de la Brie que Philippe d'Evreux & Jeanne demandoient. On donnà au mari, à cause de sa femme, 15000 livres de rente à tournois, qui devoient être affignées fur le comté d'Angoulême & fur Mortain : mais, au lieu de 50000 livres que Jeanne devoit avoir par le traité de 1317 pour être employées en terres, on lui donna 70000 livres pour tenir le tout en pairie. On ajoûta, dans ce traité, une claufe dont la tournure eft affez fingulière, & qui mérite d'être rapportée dans fes propres termes. Item: Pour ce qu'il fembloit audit comte que ladite recompenfacion ne recompenfacion ne fouffiroit pas pour ladite contée de Champagne & de Brie, pour la engraiffier & faire fa condicion mellour, fu traictié & acordé, combien que celle recompensacion appartinft à La fame, que cependant, en cas qu'elle mourût fans enfans, & qu'il lui furvécût, la moitié des 15000 livres de rente, & la moitié des terres que l'on acheteroit avec les 70000 livres lui appartiendroit à lui & fes hoirs légitimes; l'autre moitié retournant à la couronne de forte qu'on faifoit à Philippe d'Evreux perfonnellement un avantage confidérable, pour dédominager fa femme de ce qu'on lui faifoit perdre.

On ne voit point, par le traité fait vers 1324, quelle fut la nature de la renonciation que firent Philippe d'Evreux & Jeanne fa femme au comté de Champagne & de Brie, ni fi elle fut générale & perpétuelle, ou feulement en faveur de Charles le Bel & de fes enfans mâles. Comme il paroît que l'on fe conforma à peu-près, dans ce traité, à ce qui avoit été réglé par celui de 1317, il est très-vraisemblable que la renonciation fut restrainte à

la perfonne de Charles le Bel & de fes enfans mâles. Lorfque ce traité fut conclu, l'affignat & l'affiette des 15000 livres de rente données par celui de 1317 n'étoit pas encore fait. On y travailla peu de tems après, puifque, le 28 de juin 1325, l'affiette étoit faite fur le comté d'Angoulême: mais, comme le revenu de ce comté ne montoit pas à 15000 livres, Charles le Bel nomma ce jour-là deux commiffaires pour affigner ce qui s'en manquoit, fur la châtellenie de Mortain. L'affiette fur Mortain étoit faite le 27 de janvier 1327, a ainsi qu'il * Ibid. p. 474 paroît par des lettres de ce jour, par lefquelles Charles le Bel accorde au comte & à la comteffe d'Evreux, au fujet de ces affignats, de nouveaux avantages, dans le détail defquels il eft inutile d'entrer: mais un fait important, qui fe trouve dans ces lettres, c'eft que Charles le Bel avoit changé la rente de 15000 livres de tournois en parifis; c'est-à-dire, qu'il l'avoit augmentée du quart, en forte qu'au lieu de 15000 livres de rente en terre, on leur avoit donné 18750 livres.

a

Charles le Bel mourut le premier de février 1327, (1) fans laiffer de poftérité mafculine.

2

J'ai déjà dit ci- deffus que la couronne fut déférée à Philippe de Valois, malgré les prétentions d'E, douard III, roi d'Angleterre, & de Philippe comte d'Evreux. Philippe de Valois rendit à Jeanne, au commencement de fon règne, le royaume de Navarre, auquel le duc de Bourgogne avoit renoncé pour elle par le traité de 1317; & Philippe comte d'Evreux, fon mari, prit le titre de roi de Navarre. Il ne paroît pas, par les pièces que j'ai vûes, que ce prince ait reclamé, en 1328, les droits que Jeanne pouvoit avoir fur la Champagne & fur la Brie; & la première date du règne de Philippe de Valois, que j'ai trouvée à ce sujet, eft du 14 de mars 1335. b Ce font des lettres de ce roi données Pr. p. 1 à Villeneuve, près d'Avignon. C'eft Philippe de Valois (1) Hiftoire généalogique de la maison de France, p. 95.

feul qui y parle & qui y déclare les conditions de l'accord qui a été fait entre lui & le roi & la reine de Navarre, fur les conteftations qui s'étoient élevées, parce que eux faifoient à Nous plufieurs grans demandes & requestes, en difant que Nous eftions tenuz à eux en plufieurs grans chofes, èfqueles nous difions que Nous ne entendions en rien eftre tenuz à eux ne à aucun d'eux. On trouve enfuite les articles du traité qui fut conclu fur ces différentes prétentions. Le roi & la reine de Navarre pour eux, leurs hoirs, fucceffeurs & ayans caufe, quittent & remettent purement, générallement & abfolument, perpétuellement & à tousjours au roi, fes hoirs, fucceffeurs ou ayans caufe, tous les droits qu'ils avoient ou pouvoient avoir fur les comtés de Champagne & de Brie, tant à caufe de la fucceffion de Louis le Hutin & du roi Jean fon fils ,_ qu'en vertu des traités faits avec Philippe le Long & Charles le Bel; & ils lui en font pleine, pure & vraie ceffion & transport perpétuel, fans Y rien retenir, avec convenances réelles & perpétuelles de jamais non y rien demander.

Le Roi, de fon côté, donna à Jeanne, outre les com tés d'Angoulême & de Mortain, & les autres héritages & rentes qui lui avoient été accordés par le traité fait avec Charles le Bel, 5000 livres tournois de rente annuelle & perpétuelle, à prendre héritablement fur le tréfor du Roi à Paris, par elle & par fes hoirs loyals & naturels nez & à naiftre de fon propre corps, & non. autres, à condition cependant que le roi de Navarre fon mari cefferoit de prendre fur le tréfor royal une rente de 5000 livres dont le roi Philippe de Valois lui. avoit fait don en faveur de fa femme ou autrement. Par cette claufe on ôtoit 5000 livres de rente au roi de Navarre, qui, ne cédant rien du fien, n'avoit pas droit de demander un dédommagement; & on les donnoit à fa femme à qui il en falloit un pour l'abandon qu'elle faifoit de fes droits. Peut-être auffi que la rente qui avoit

été donnée au roi de Navarre n'étoit qu'à vie, au lieu que celle que l'on accordoit à sa femme étoit perpétuelle & devoit paffer à fa poftérité. On donna encore à la reine de Navarre, pour elle & pour fes enfans, une rente de 3000 livres tournois à prendre fur le tréfor à Paris, jufqu'à ce que le Roi l'eût affignée fur des terres, & 70000 livres parifis, pour lesquelles le Roi lui affigna, pour elle & pour fa poftérité, 7000 livres parifis de rente, à prendre fur le tréfor à Paris. C'étoit, fuivant les apparences, les 7000 livres qui lui avoient été accordées par le traité de Charles le Bel, dans lequel on étoit convenu que cette fomme feroit employée en achat d'héritages. Il fut dit par celui-ci que la reine de Navarre tiendroit les rentes de 5000 livres tournois, de 3000 livres tournois, & de 7000 livres parifis, en baronie & en pairie à une foi & hommage, avec les comtés d'Angoulême & de Mortain, & toutes les autres chofes que Charles le Bel lui avoit accordées. Il fut ftipulé que, fi elle mouroit fans enfans, ou fes enfans fans enfans [à perpétuité], tout ce qui lui auroit été donné par ce traité & par les précédens, retourneroit à la couronne; mais on convint que, fi elle mouroit avant fon mari, foit qu'elle laissât des enfans ou qu'elle n'en laifsât point, la moitié de tout ce qui lui avoit été accordé par ces traités appartiendroit à fon mari pendant fa vie feulement, fans qu'il en pût rien paffer aux enfans qu'il pourroit avoir d'une autre femme que de la reineJeanne.

Ces lettres de Philippe de Valois font tournées de telle façon, qu'il n'eft pas poffible d'y découvrir fi cette princeffe étoit auprès du Roi, lorfqu'elles furent don nées. Voici comment elles finiffent: Toutes lesquelles chofes.... furent parlées & à plein accordées à la Villeneuve près d'Avignon, en l'oftel du cardinal Néapoleon, le 14 de mars l'an de grace 1335. Nous [Philippe. de Valois] & notredit coufin préfent à ce, & à perpétuel mémoire... Nous avons fait mettre noftre fcel à ces pré

.....

fentes lettres faittes & données à la Villeneuve, &c. & le refte comme ci-dessus.

Il n'y a guère d'apparence que la reine de Navarre fût auprès de Philippe de Valois, lorfque ces lettres furent Pr. p. 19. données : car trois mois après, en a juillet 1336, cette princeffe, & le Roi fon mari, donnèrent des lettres, lefquelles ne parlent point de celles de Phlippe de Valois; mais qui y font cependant entièrement conformes, & qui font copiées prefque mot pour mot fur elles. Il eft bon de remarquer qu'en juillet 1336, la reine deNavarre avoit atteint, depuis environ cinq mois, la majorité parfaite de 25 ans.

En conféquence de ce traité, on affigna à la reine Pr. p. 12. de Navarre, au mois de b juin 1339, 3000 livres de rente fur (1) Bénaon & Frontenay - l'abbatu, & fur d'autres terres fituées dans le pays d'Aunis & dans la Xaintonge.

C'est par l'acte du mois de juillet 1336, duquel je viens de rendre compte, que la Champagne & la Brie ont été unies irrévocablement à la couronne. Les traités précédens avoient été faits par les tuteurs ou le mari de Jeanne, & on pouvoit les foupçonner, peut-être avec quelque apparence de raison, d'avoir facrifié les intérêts de la mineure à leurs avantages particuliers. Cette princeffe avoit, à la vérité, figné un de ces traités; mais elle n'étoit pas encore pleinement majeure. D'ailleurs, la renonciation portée par le traité fait avec Philippe le Long, n'étoit, pour ainfi dire, qu'éventuelle, & étoit reftrainte à la perfonne de ce Roi & à celle de fes enfans mâles: & j'ai déjà marqué qu'il y avoit grande apparence que le traité fait avec Charles le Bel portoit la même claufe; mais, en 1336, Jeanne, pleinement majeure de 25 ans, renonça à la Champagne & à la Brie pour toûjours & fans efpérance de retour.

(1) Ces lieux fe nomment aujourd'hui Bénon & Fontenay-l'abbatu. Le premier eft fitué dans l'Aunis, & l'autre dans la Xaintonge.

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