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• Voyez ci-deffus, p. 257.

CINQUIÈME MÉMOIRE.

SUITE DE L'ANNÉE M. CCC. LVIII.

D

Epuis que le régent étoit forti de Paris, toutes fes démarches avoient tendu au même but: c'étoit de fe mettre en état de réduire, par la force des armes, cette ville, qui étoit le centre de la révolte. Se voyant alors à la tête de la plus grande partie de la nobleffe, qui, après avoir exterminé les payfans, fes ennemis particuliers, s'étoit empreffée à fe joindre à lui, il alla mettre le fiège devant Paris.

Marcel, de fon côté, avoit pris toutes les mefures néceffaires pour faire une vigoureuse défense.

Tous les Parifiens n'étoient pas réunis dans les mêmes fentimens, & on auroit pû les divifer en quatre claffes.

En général, & je l'ai a déja dit plus d'une fois, Marcel étoit plus craint qu'aimé dans Paris.

:

Le prévôt des marchands, & fes plus intimes confidens, qui n'étoient pas en grand nombre, livrés à l'ambition & à l'avarice, formoient les projets les plus criminels ils vouloient renverfer les loix fondamentales de l'état, & établir une nouvelle forme de gouvernement, fans doute dans l'espérance d'en être les principaux miniftres. Non (1) feulement ils empêchoient que le Roi ne pût fortir de prifon, ils vouloient même faire mourir ce prince & le régent, ou du moins les enfermer dans une prifon perpétuelle, & mettre le Navarrois fur le

trône.

Les principaux chefs du parti étoient Picquigny l'échevin Confac, Robert de Corbie, Delifle, Mafcon,

(1) Troisième volume des ordonnances, page 347.

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& (1) Jean de S. Leu, curé de fainte Geneviève [des Ardens], dans la maifon duquel ils tenoient quelquefois leurs conférences fecrettes.

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Ils ne ceffoient d'animer le peuple contre le régent par des difcours féditieux. Ils lui imputoient les malheurs de la France, dont ils étoient la principale cause parce que leur révolte l'empêchoit d'y remédier. Ils peignoient ce prince avec les couleurs les plus noires. İls difoient qu'il étoit trop (2) jeune, & qu'il avoit trop peu d'expérience pour être à la tête du gouvernement, & (3) que le roi de Navarre étoit le feul qui pût faire ceffer les calamités qui affligeoient la France. Ils reprochoient au régent de n'avoir (4) point de bonne foi, d'avoir fouvent manqué aux promeffes qu'il avoit faites (5),d'empêcher la paix avec l'Angleterre, pour fe conferver l'autorité dont il jouiffoit pendant la captivité du Roi, d'avoir fait abattre & détruire plufieurs châteaux, fortereffes, & autres maisons des nobles, & d'avoir fait piller leurs biens, d'avoir intention de détruire & faire piller Paris par fes gens d'armes, & de leur avoir abandonné cette ville, les autres cités, & le plat pays du royaume.

Une partie des Parifiens féduite, aigrie par ces déclamations que l'on réitéroit fans ceffe, fervit aveuglément la fureur de Marcel & de fes adhérens, dont ils (6) ignoroient les pernicieux deffeins, & qu'ils croyoient de

(1) Lettres d'octobre 1358. Tréfor des chartes, regiftre 86, pièce 527. (2) D.... eust trouvé led. Regnaut [ de le Capelle] avoir tenus led. mons. le régent a fil de putain, & qu'il n'aroit mie pouvoir de bien faire; avec plu- fils. feurs autres paroles, magnifians led. roi de Navarre.

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(3) Voyez ci-deffus, page 104.

....

(4) b Que en nous [ le régent] n'avoit mie loyaulté, ne ne tenions promelles ou convenances que nous feiffions. Immédiatement auparavant il y a, que le roy de Navarre devoit mieux avoir le gouvernement du royaume de France, que nous qui étions en fes mal confeillies.

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(5) Quatrième volume des ordonnances, page 347.

(6) c Se font armez avecques les deffus nommés, & leurs complices, & tant

a Lettres de février 1358. Tréfor des chartes, registre 90, pièce 59.

b Letttres d'octobre 1358. Ibid. régiftre 86, pièce 446.

Lettres de décembre 1358. Tréfor des chartes, registre 86, pièce 582.

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a Ch. 185, p.209.

bonne foi n'avoir d'autre but que le bien public. Ils exha loient la haine qu'on leur avoit infpirée contre le régent par des (1) injures groffières & atroces qu'ils vomiffoient fans ceffe contre lui.

Il y avoit à Paris plufieurs habitans qui [ fi l'on (2) veut s'en rapporter à ce qui eft expofé dans quelques lettres de rémiffion] étoient attachés dans le fond du cœur à leurs fouverains; mais qui fe laifsèrent entraîner au torrent de la révolte, dans la crainte d'être les victimes de la tureur de Marcel & de fes adhérens, qui faifoient tuer ceux qui refufoient de fe joindre à lui.

Enfin le Roi avoit encore dans Paris des sujets fidèles qui ne trempoient point dans la révolte, que la prudence empêchoit de fe déclarer ouvertement pour lui, & qui attendoient les occafions favorables de lui marquer le zèle qu'ils avoient pour fon fervice.

Telle étoit la difpofition des efprits dans Paris, lorsque le régent vint à l'affièger vers la fin de juin.

Auffi-tôt après cette advenue, dit a Froiffart, qui, immédiatement auparavant, avoit rapporté l'attaque de Meaux, qui fut faite le 9 de juin; le régent s'étant mis à la tête de tous les nobles & gentilshommes, qu'il avoit pu raffembler, tant du royaume que de l'empire, il vint affièger Paris du côté de [S. Antoine ]: il avoit à peu près 3000 lances, auxquelles il payoit une folde. Il étoit

en leurs compagnier comme hørs, ignorans touse woyes de la très-grant traison par euls machine & pourpensés, & à leur affection, Je foient les aucuns enhardiz à parler d'aucunes parolles vilaines de nous, de noire personne, & de noftre fanc &lignaige, non recordables.

(1) Ce fait fe trouve dans plufieurs lettres. Voyez ci-dessus les notes (2) & (4), page 269.

(2) * Er s'il a été consentant, complice ou alié en aucune manière avec lefdin grévost & fes complices, des cas & maléfices deffufdiz ou d'aucuns d'iceux, & a été pour fauffes & mauvaises fubgestions, & pour eschiver le péril de son corps, ou ceulx eftoient qui alier ne se vouloient à eulx, quant de par eulx en étoient requis; parquoy il n'ofgir, ne ne pouvoit contrefter à eulx, ne à leur mauvaise voulenté & emprise.

*Lettres d'août 1358. Ibid. pièce 216. Cette claufe fe trouve prefque dans les mêmes termes, dans des lettres du même mois, ibid. fol. 67,"ro.

togé quelquefois à S. Maur, & quelquefois au pont dé Charenton. Ses troupes faifoient des courfes jufqu'aux portes de Paris, & fi cette ville n'eût pas été aufli bien fortifiée qu'elle l'étoit, elle eût été détruite ; &, pour mieux châtier les Parifiens, elles brûlèrent tous les villages des environs de Paris, qui n'étoient pas fermés. Le régent étoit maître de la Seine & de la Marne. Ses troupes couroient des deux côtés de la Seine, fans trouver de résistance: elles empêchoient qu'il n'arrivât rien à Paris, ni par terre, ni par cau; & perfonne n'osoit ni entrer dans cette ville, ni en fortir. L'on fent bien qu'il ne faut entendre ceci que du côté où le régent étoit campé; car de l'autre côté, vers l'occident, Paris n'étoit ni assiégé ni même bloqué; & même, à parler exa&tement, on ne peut pas dire que Paris fût alliégé du côté de l'orient. Ce n'étoit qu'une espèce de blocus. On ne trouve, dans les monumens historiques, aucune trace ni d'attaques, ni d'affauts; & il paroît que le régent n'avoit d'autre deffein que celui de matter les habitans, en leur retranchant la plus grande partie de leurs provifions qui venoient des pays dont il étoit le maître, & qui defcendoient par la Seine & la Marne.

Les troupes du régent n'épargnoient pas même les lieux où elles étoient campées.

Dans des (1) lettres du mois de janvier 1364, l'abbé & les religieux de S. Maur-les-foffés, repréfentent au régent que, pendant qu'il affiégeoit Paris, ils ont perdu, à l'occafion d'une (2) courfe qu'on faite fes troupes, l'original des lettres de fauve-garde qui leur avoient été accordées par Philippe de Valois ; & dans des 2 lettres a Ibid. p. 605. du mois de février 1365, ils lui repréfentent que, pendant le fiège de Paris, lorsqu'il étoit aux (3) Carrières, ils ont fouffert de grands dommages, que leurs granges

(1) Quatrième volume des ordonnances, page 531.

(2) In curfu gentium noftrorum armorum.

(3) Hameau qui tient d'un côté à Conflans, & de l'autre à Charenton.

&

manoirs ont été brûlés, & que tout ce qui étoit dedans avoit été pris ou gâté. Ils disent auffi, qu'à l'occafion des guerres, le régent leur avoit ordonné de bâtir un fort; ce qui les avoit obligés de perdre [ & d'abattre ] une grande partie de leur dortoir, de leur cloître, de leur • Moustiers, a couvent, de leur chapitre, & des autres édifices de l'abbaye, & qu'il leur en a beaucoup coûté pour garnir ce fort de gens d'armes, d'artillerie, & des autres chofes néceffaires pour sa défense.

• hommes fuffifans.

Je reviens à la narration de Froiffart.

Le prévôt des marchands, fon confeil, & la communauté de Paris, étoient toûjours fort attachés au roi de Navarre. Marcel faifoit travailler nuit & jour à fermer Paris, où il avoit raffemblé un grand nombre de gens d'armes & foudoyers, Navarrois & Anglois, archers & autres compagnons,

Il y avoit à Paris des b perfonnes de mérite & de confidération, tels que Jean Maillart, Simon fon frère, & quelques-uns de leurs parens, que la haine que le régent avoit pour les habitans, pénétroit d'une vive douleur, & qui fouhaitoient ardemment qu'ils rentraffent dans leur devoir, en donnant à ce prince les fatisfactions qu'il demandoit. Mais ils étoient obligés de cacher leurs fentimens; car Marcel s'étoit tellement rendu le maître de l'efprit de prefque tous les habitans, qu'ofer le contredire, c'étoit s'expofer à une mort certaine.

P. 118, col. 1. c Le fecond continuateur de Nangis dit que le choix que les Parifiens avoient fait du roi de Navarre pour leur capitaine, ayant encore augmenté l'indignation que le régent, & ceux qui lui étoient attachés, avoient contr'eux, les nobles s'approchèrent de Paris, prêts à combattre, fi les habitans avoient voulu fortir de leurs murs; mais ceux-ci fe tinrent enfermés, & ils difoient qu'ils n'avoient point intention de combattre contre leur feigneur, mais qu'ils fe défendroient fi on les attaquoit. Les nobles firent faire un pont fur la Seine, entre

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