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Ch. 86, p. 210.

•Page 1610.

que le peuple fût fort affligé, perfonne n'ofa parler. Les Anglois fe retitèrent auprès du roi de Navarre. Depuis le combat de S. Cloud, ce prince n'avoit pas ofé revenir à Paris. Il craignoit de n'être pas en fûreté au milieu d'un peuple qu'il avoit irrité en abandonnant fes concitoyens à la merci de leurs ennemis, & dont il venoit encore d'augmenter le mécontentement, en faifant enlever leurs prifonniers.

Les Parifiens n'étoient pas moins animés contre Marcel & les autres gouverneurs, que contre le roi de Navarre; mais perfonne n'ofoit encore se déclarer ouvertement contr'eux. Toutes fois Dieu qui tout voit, & qui Paris vouloit fauver, mit fin bientôt après à leur malheur. Le récit qu'a fait a Froiffart de cet évenement eft différent de celui des chroniques de faint Denys dans prefque toutes les circonftances.

Il étoit resté à Paris, dit-il, un grand nombre de foudoyers Anglois & Navarrois, que le prévôt des marchands & la commune de Paris avoient pris à leur folde, pour les défendre contre le duc de Normandie, & pendant la guerre, ces foldats les avoient fervis avec courage & avec fidèlité. Quand le traité eut été conclu entre ce prince & les Parifiens, quelques-uns de ces foldats fe retirèrent vers le roi de Navarre; mais il en refta plus de 3000 à Paris, qui s'y réjouiffoient & qui y dépenfoient joyeusement leur argent. Il s'éleva un débat entr'eux & les Parifiens, & il y eut plus de 60 (1) Anglois

(1) b Knigthon, hiftorien anglois, après avoir rapporté que vers l'Epiphanie 1358, la paix fut conclue en Angleterre entre Edouard & le roi Jean, & que les conditions en ayant été communiquées aux Parifiens, ils refusèrent de les accepter; ajoûte que les Parifiens, d'un commun accord, se jettèrent avec mépris fur les Anglois qui étoient dans leur ville, & dont plufieurs y avoient demeuré toute leur vie; qu'ils les tuèrent tous, & qu'ils pillèrent leurs biens. S'il s'agit, dans ce paffage, comme on n'en peut guères douter du maffacre des Anglois dans Paris, dont parlent les chroniques de S. Denys, & Froiffart, combien de fautes en peu de lignes. 1°. Les Anglois ne furent pas mafflacrés à Paris en janvier 1358, mais plutôt au mois de juillet de cette année. 2. Les Anglois ne demeuroient pas habituellement à Paris, ils y

tués

tués. Le prévôt des marchands en fut très - irrité contre les Parifiens; mais cependant, pour appaifer leur fureur, il fit arrêter plus de 150 Anglois, & les fit mettre en prifon dans trois portes [ de la ville], & ayant promis aux Parifiens de les punir comme ils le méritoient, il les appaifa; mais la nuit fuivante il mit en liberté ces Anglois qui, fortant de Paris par la porte de S. Denys, fe rendirent auprès du roi de Navarre. Cette nouvelle, qui se répandit le lendemain matin dans Paris, foulevale peuple contre Marcel; mais, comme il étoit homme fage, & délié, il fçut fi bien manier les efprits, que l'on oublia ce qui s'étoit paffé. Les Anglois, que le prévôt des marchands avoit fait fortir de Paris, s'étant réunis à faint Denys à leurs compagnons, ils réfolurent tous de venger ceux de leurs camarades qui avoient été ou tués ou, infultés. Après avoir deffié ceux de Paris, & leur avoir déclaré la guerre, ils coururent la campagne, & blessèrent ou tuèrent tous ceux de cette ville qu'ils rencontrèrent, & perfonne n'ofoit plus en fortir. Les Parifiens requirent le prévôt des marchands de faire armer une partie d'entr'eux, & de les faire fortir de la ville pour combattre les Anglois. Marcel y confentit, leur dit qu'il fe mettroit à leur tête, & fit armer 1200 hommes. Lofqu'ils furent fortis de Paris, on apprit que les Anglois étoient du côté de S, Cloud. On partagea les foldats en deux corps, qui, par différens chemins, devoient fe trouver auprès de ce lieu à un endroit marqué, pour y envelopper les Anglois. (1) Les deux corps marchèrent toute la journée aux environs de Montmartre

étoient comme troupes auxiliaires. 3°. Ce ne fut pas l'indignation des Pari fiens à l'occafion des conditions trop dures du traité de paix conclu en Angleterre, qui donna lieu au mallacre des Anglois. 4°. Ce traité de paix ne fut pas communiqué aux Parifiens en janvier 1358, mais en mai 1359 vant les chroniques de S. Denys, fol. 187, r9, col 2; & Froissart, liv. 1, ch. 201, p. 226.

(1) Cet endroit eft corrompu dans Froiffart. Voyez la note marginale, Tome I.

fui

vers le foir. fans rencontrer les ennemis. (1) Entour a remontée,

le

prévôt des marchands, qui étoit à la tête de la troupe la moins nombreuse, rentra dans Paris par la porte faint Martin, fans avoir rien fait. L'autre troupe, qui ne fçavoit pas que Marcel fût revenu à Paris avec la fienne ayant refté dans la campagne jufques fur le vépre, reprit auffi le chemin de la porte S. Honoré. Ils marchoient Troupeaux par b petites troupes, fans ordre, & comme s'ils n'euffent eu rien à craindre. Ils étoient las, l'un portoit fon • petit cafque. © bacinet à la main, l'autre le portoit fur fon col. L'un, qui fe fentoit fatigué, traînoit fon épée, & l'autre l'avoit pendue en écharpe. Marchant ainfi dans une grande fécurité, ils rencontrèrent dans un chemin creux 400 Anglois, qui, en jettant de grands cris, les attaquèrent à l'improvifte, & en tuèrent d'abord plus de 200. Les autres, fe voyant furpris, prirent la fuite; les Anglois les pourfuivirent jusqu'aux barrières de Paris; & les Parifiens, fans fe défendre, fe laifsèrent bleffer & tuer comme bêtes; & les Anglois en tuèrent plus de 600. Les Parifiens imputèrent cette défaite au prévôt des marchands, & dirent hautement qu'il les avoit trahis. Le lendemain matin, les parens & les amis de ceux qui avoient été tués, fortirent de Paris pour aller enlever leurs corps fur des chars & fur des charrettes, pour les enterrer; les Anglois, qui s'étoient mis en embuscade en tuèrent encore plus de 120. Ces malheurs redoublés répandirent le trouble & la confternation dans Paris; les efprits étoient d'ailleurs agités de cruelles inquiétudes fur l'avenir; & livrés, jour & nuit, à des foupçons que l'événement juftifia bien-tôt après. Les Parifiens ne fçavoient à qui se fier. Le roi de Navarre fe refroidissoit à

́(1) Ce mot remontée, dont fe fert souvent Froissart, fignifie le foir. Cet auteur [ vol. 1, ch. 271, p. 373] parlant d'un tems auquel on s'apprêtoit à fouper, fe fert de ces mots : Il eftoit heure de remontée. Il eftoit jà haute remontée, & le foleil s'en alloit tout jus, dit-il [vol. 2, ch. 97, p. 180], & dans le 3o vol. ch. 128, p. 338, on lit: Ce propre foir dout à la remontée, &c.

leur égard, & ne leur envoyoit plus de fecours; foit
qu'il ne voulût pas contrevenir au traité qu'il avoit fait
avec le duc de Normandie, foit qu'irrité de l'outrage
qui avoit été fait aux Anglois, il vit avec plaifir la ven-
geance qu'ils en avoient tirée. Le duc de Normandie
n'étoit pas fâché que ceux de Paris fuffent dans la peine,
parce qu'ils perfiftoient dans leur révolte, & fe laif
foient encore gouverner par Marcel. Celui-ci & fes par
tifans n'étoient pas bien à leur aife; ils n'ignoroient pas
combien les Parifiens étoient mécontens de leur condui-
te; & ils étoient informés des difcours méprifans & ou-
trageans que
l'on tenoit fur eux.

:

Le fecond continuateur de Nangis ne s'eft pas fort étendu fur le fait dont je viens de rendre compte; mais il ajoûte, à ce qu'il en dit, quelques circonftances fur le fiège de Paris, que l'on ne trouve point dans les autres hiftoriens. Après avoir fait le récit du combat qui fe donna auprès de Corbeil, & duquel j'ai parlé plus haut; il ajoûte a Une autre fois les nobles, & le duc, étant ve- a Fol. 118, col. z. nus en armes à l'endroit où avoit été le pont, auprès de celui de Charenton, pour attaquer le roi de Navarre, & les Parifiens, le roi de Navarre fortit avec les fiens, en armes; mais, s'étant approché de leur camp, au lieu de les attaquer, il leur parla beaucoup, & revint à Paris fans combattre. Cela donna des foupçons aux Parifiens contre lui; ils craignirent, qu'étant noble, il ne se joignît aux autres contre leurs intérêts; ils commencèrent à le méprifer, & ils lui ôtèrent fon titre de capitaine. Le roi de Navarre, indigné contr'eux, fortit de Paris avec les fiens; mais ceux-ci, & principalement les Anglois, infultèrent les Parifiens, qui en tuèrent la plus grande partie. Ce prince fe retira à S. Denys, & il y refta quelques jours, pendant lefquels fes gens, & principalement les Anglois qui s'étoient échappés de Paris, commirent bien des ravages autour de cette ville, prenant ou tuant ceux qu'ils trouvoient dans les campagnes, brû.

(

la

a villular. lant les a hameaux, comme la chapelle auprès de faint Lazare, le bourg de S. Laurent auprès de Paris, grange (1) ou halle de la foire du Lendit, S. Cloud, & b Villas. quelques autres b villages. Les Parifiens fe tenoient clos dans leur ville, gardant avec grand foin les portes pendant le jour, & faifant, pendant la nuit, exactement le guet fur les murailles. Le jour de la Magdelaine, ils allèrent attaquer les Anglois vers S. Cloud, mais ils furent tous tués. Les Anglois ravagèrent enfuite tout ce qui étoit hors de Paris, & toutes les fortereffes qui populares com- étoient aux environs; & ils pillèrent les d payfans. On

* magnas excubias. c

munes.

ne pouvoit imputer ces ravages à d'autres qu'au roi de Navarre. Les amis pilloient comme les ennemis, & perfonne ne prenoit la défenfe du peuple. Les monaftères qui étoient dans les champs n'étoient pas épargnés. Le peuple de la campagne fe retiroit à Paris, auffi-bien que tous les religieux & religieufes des monaftères aue Mons martirum. près de cette ville; & entr'autres, les dames de e Montmartre. Tous les monaftères furent abandonnés, & l'office divin y fut discontinué.

J'ai réfervé, pour cet endroit, le paffage dans lequel Villani parle du fiège de Paris, des négociations pour la paix, de l'infulte faite aux Anglois dans cette ville, & de la défaite des Parifiens auprès de S. Cloud, parce qu'il ne s'eft pas beaucoup étendu fur ces différens éve

nemens.

f Ch. So, p. 16. f Au commencement du mois de 8 juillet, les nobles Luglio. vinrent au nombre à peu-près de sooo hommes de

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(1) Horreum de Landeto. La foire du Lendit, qui, depuis 1444, fe tient dans la ville de S. Denys, fe tenoit auparavant entre S. Denys & la Chapelle. Voyez Hiftoire de Paris, par D. Lobineau t. 1, p. 97, & t. 2, p. 833. D. Felibien, dans l'hiftoire de l'abbaye de S. Denys, p. 280, rapporte, en citant les archives de cette abbaye, qu'en 1358, la Grange & les Loges du Lendir furent brûlées, & que Charles V donna deux arpens des bois de Vincennes pour les rétablir. Le même auteur, p. 318, dit que la Grange ou Halle de Lendit fut abattue par le vent en 1401. Ainfi Horreum de Landeto, c'est la halle couverte, fous laquelle étoient les loges des marchands qui venoient à la foire du Lendir ; & en 1358, cette halle étoit en pleine campagne.

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