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ni de remiffion qu'ils n'y fuffent tous compris. Friquet ajoûte que ce fut le chancelier du roi de Navarre, feul & fans le confeil d'aucune autre perfonne, qui fit faire les lettres que le roi de Navarre envoya aux bonnes villes du royaume & à différens particuliers, pour leur demander du fecours contre les amis du connétable.

Toutes les circonftances dont je viens de rendre compte font tirées de la (1) dépofition de Friquet. Il paroît, par ce que le roi de Navarre lui dit, que fon intention n'étoit point de faire affaffiner le connétable, & l'on verra, dans la fuite, que les lettres de rémiffion qu'on lui accorda femblent l'infinuer. Peut-être ceux qu'il avoit chargé d'enlever le connétable passèrent-ils les ordres qu'il leur avoit donnés : peut être le connétable fe mit-il en défenfe, & les obligea-t-il par là à le tuer. On pourroit dire auffi, d'un autre côté, que le roi de Navarre ne voulut pas découvrir fes véritables intentions à Friquet qui a répété plus d'une fois, dans son interrogatoire, que toutes les fois que ce prince lui avoit parlé de fes deffeins contre le connétable, il avoit defaprouvé les voies de fait & qu'il lui avoit toûjours confeillé de a le deffier; c'est-à-dire, de lui déclarer, Pr. p. s. avec les formalités néceffaires, une guerre privée, fuivant (2) l'ufage qui s'obfervoit alors parmi la nobleffe de France. Il n'eft pas impoffible non plus que Friquet n'ait voulu diminuer le crime de fon maître, auquel il avoit en quelque forte participé par fa préfence. Quoi qu'il en foit, tous les hiftoriens parlent de cette action comme d'un affaffinat prémédité.

Froiffart dit que le fix de janvier 1353, le roi de L. 1. c. 154. Navarre fit tuer dans une (3) hôtellerie de la ville de l'Ai- p. 176.

(1) Elle eft imprimée pag. 49, & fuiv. du volume des preuves. (2) Voyez les préfaces du premier volume [ pag. xxv.], & du fecond vol.' [p. v. ] des ordonnances des rois de France de la troifième race.

(3) Il y a grande apparence que Froiflart a commis ici une légère incertitu

de, & que le connétable fut tué dans le château de l'Aigle, car j'ai marqué plus

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gle, le connérable, qui étoit dans fon lit, par des gens d'armes qu'il y envoya; qu'il étoit hors de la ville, dans une grange,où il attendoit les nouvelles de l'exécution; qu'il avoit avec lui, à ce qu'on difoit, Philippe de Navarre fon frère Louis d'Harcourt & Godefroy d'Harcourt fon oncle & plufieurs autres chevaliers tant de Normandie que de Navarre; & qu'après la mort du connétable, il envoya des lettres claufes à plufieurs des bonnes villes de France, par lefquelles il leur écrivoit qu'il avoit fait mettre à mort le conneftable pour plu fieurs grands meffaits que ledit conneftable lui avoit fait. On trouve la même chofe, & prefque dans les mêmes teraT. I fol. 164. mes, dans les a chroniques de faint Denys: il n'y a que deux différences effentielles: c'eft qu'il y eft dit que cela arriva le huit de janvier, & que le roi de Navarre envoya auffi des lettres au grand confeil du Roi. Le feP. 113. col. 2. cond continuateur de Nangis b (1) dit que le connétable fut tué dans fon lit, par l'ordre du roi de Navarre, & en fa préfence, & que ce prince étoit accompagné de Philippe de Navarre fon frère, du comte d'Harcourt, du feigneur de Girarville, [ c'eft apparemment le même L. 1. c. 154. que Froiffart nomme de Graville], Maubué, Nicolas Doublet & plufieurs autres.

vo.col. 2.

P. 176.

d P. 190.

• P. 259.

d

La chronique de Flandres à dit que le connétable fut occis par le roi de Navarre & par fes gens.

dit que

Un auteur anonyme (2) d'une vie d'Innocent VI, le connétable fut tué à Paris, mais il fe trompe. Zantfliere dit que le roi de Navarre, & Philippe fon Ubi fupra, p.220. frère, tuèrent le connétable. Villani dit f formellement que le roi de Navarre, & plufieurs autres feigneurs, le tuèrent dans fa maison: il ajoûte que cette mort donna

haut [p. 30. note 1.] qu'il étoit feigneur de l'Aigle par fa femme, Marguerite de Blois, à qui cette ville appartenoit.

(1) Nota. Qu'il faut lire ce paffage de la manière dont l'a corrigé M. Baluze! dans fon recueil fur les papes d'Avignon, t. 1. p. 931.

2(2) Baluze, papes d'Avignon, t. 1. p. 329,

au Roi une douleur fi démefurée, qu'il fut quatre jours 35 fans vouloir parler à perfonne, & que l'action du roi de Navarre fut univerfellement blamée dans tout le

me.

royau

Il a été dit, ci-deffus, que Charles le Mauvais, immédiatement après la mort du connétable, écrivit des lettres aux villes du royaume. Il fembleroit, par ce qu'en difent Friquet & Froiffart, que l'unique but de ces lettres étoit de fe juftifier fur la mort du connétable, & de demander du fecours contre ceux qui voudroient en tirer vengeance. Il eft cependant certain que, par ces lettres, il prioit ceux à qui elles étoient adrefTées, d'intercéder pour lui auprès du Roi, afin qu'il lui pardonnât. Cela paroît, & par une lettre qu'il écrivit au comte de Flandres, de laquelle je rendrai compte dans la fuite, & encore plus par celle qu'il envoya à l'univerfité de Paris, qui alla trouver le Roi à ce fujet; mais il s'éleva quelques difficultés fur la forme de la lettre que l'on devoit écrire au roi de Navarre pour l'informer de la réponse du Roi: Super refponfione fupplicationis quam univerfitas debuit facere coram rege Francie fuper interfectione conftabularii regis Francis. Ce font les propres termes d'un régiftre de la nation Angloife, rapportés par du Boulay (1), qui dit que cette difpute s'éleva à la fin de l'année 1353; & on trouve, dans le regiftre, que ce fut le jour de la fête (2) Brifca Virginis.

Le Roi devoit, à la justice & à la tendreffe qu'il avoit eue pour le connétable, une vengeance éclatante de fa mort. Mais la fituation des affaires de fon royaume, de

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(2) On ne trouve point S. Brifca dans le vocabulaire agiologique de l'abbé Chatelain, qui eft à la tête du dictionnaire étymologique de Ménage. Cette fainte eft peut-être la même que fainte Brigide vierge d'Irlande, dont la fete fe célebre le premier de février. Cependant cette fainte eft toûjours nom mée Brigida dans ce vocabulaire & dans plufieurs martyrologes anciens, imprimés dans le troifième tome du tréfor des anecdotes du père Martène [ p. 1547. ].

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força non feulement à pardonner ce crime, mais encore à conclure, avec celui qui l'avoit commis, un traité par lequel il lui accorda des conditions très-avantageufes. Si le roi de Navarre avoit eu quelque prudence, avant que de commettre un crime qu'il prévoyoit devoir lui attirer l'indignation du Roi, il fe feroit lié avec le roi d'Angleterre, qui faifoit alors la guerre à la France, & à qui il pouvoit être très-utile par rapport aux places importantes qu'il tenoit dans la Normandie: mais ce jeune prince fuivit aveuglément fon reffentiment & fa fureur, fans prendre aucunes mefures pour se mettre à couvert de la colère du Roi. Le duc de Lanclaftre, nommé autrefois le comte d'Erbi (1), parent du roi d'Angleterre (2), dont il avoit commandé les armées contre la France fous le règne de Philippe de Valois, étoit alors en Flandres. Dès qu'il apprit la mort du connétable, plus politique que le roi de Navarre. il fentit bien que ce prince n'avoit d'autre reffource que de se jetter dans les bras du roi d'Angleterre, à qui, d'un autre côté, cette alliance feroit extrêmement avantageufe; & il fit ce le roi de Navarre auroit dû faire avant, ou du moins a Dépofit. de après la mort du connétable. a Il dépêcha le nommé Friquet, pr. p. 52. Gautier, écuyer de cuifine à Evreux, où le roi de Navarre s'étoit retiré, avec une lettre par laquelle il le prioit de lui envoyer quelques perfonnes pour lui apprendre ce qui s'étoit paffé au sujet du connétable auxquelles il pût confier certaines chofes qu'il vouloit lui faire fçavoir. Le roi de Navarre lui envoya de Mante, où il étoit alors, fon chancelier, & Friquet; & il fit partir en même tems meffire Pierre de la Tannerie & Jean de Bantellu, avec des joyaux pour emprunter de l'argent deffus. Ils fe rendirent tous quatre à Bruges où Friquet préfenta au comte de Flandres des lettres du roi de Navarre, par lefquelles il le prioit de venir à la (1) Hiftoire d'Angleterre, par Thoiras, t. 3. I. 10, p. 204. (2) Voyez Froiffart, liv. 1, ch. 103, p. 118, & fuivantes.

que

&

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cour du roi de France pour traitter de bonne paix & ac cord entr'eux. Le lendemain matin, il vint une perfonne, de la part du duc de Lanclaftre, qui mena le chancelier & Friquet au Dan où il étoit & où ils arrivèrent avant dîner. Friquet lui préfenta une lettre par laquelle le roi de Navarre le prioit de lui donner du fecours contre les amis du connétable, fuppofé qu'il en eût befoin, & le duc de Lanclaftre répondit qu'il le feroit avec grand plaifir. Il dit enfuite au chancelier & à Friquet que, leur maître ayant mis à mort le connétable, qui étoit en fon vivant la perfonne que le Roi aimoit mieux, il devoit bien s'attendre, s'il tomboit dans fes mains, à éprouver tout le poids de fa colère & de fon indignation; qu'il avoit grand beoin du fecours du roi d'Angleterre, mais qu'il étoit certain que ce prince le lui accorderoit volontiers. Il voulut même engager le chancelier à paffer en Angleterre, en l'affurant que le Roi lui diroit des chofes qui lui feroient très agréables: il infifta beaucoup fur ce voyage, & lui promit même de l'accompagner, quoique des affaires très preffées l'appellaffent en Savoie, où il devoit aller fecourir le comte de ce nom qui étoit en guerre contre le dauphin. Le chancelier cependant ne voulut point aller en Angleterre. Le duc le mena enfuite dans l'embrafûre d'une fenétre & là lui parla en particulier. Friquet déclare, dans fon interrogatoire, qu'il n'a jamais fçu ce qu'ils fe dirent entr'eux. Le duc de Lanclaftre fit enfuite écrire une lettre au roi de Navarre, par laquelle il lui promettoit tous les fecours qui dépendroient de lui. Il dit au chancelier, par plufieurs fois, ces paroles: Me voulez-vous rien requerre que le roy d'Angleterre face pour Mr. de Navarre. Il le chargea auffi de dire à ce prince qu'il lui envoyeroit 200 hommes d'armes & 500 archers, s'il en avoit affaire ; & de le prier de s'adreffer à lui toutes les fois qu'il auroit befoin de quelque fecours, & d'être fûr qu'on le lui envoyeroit fur le champ. Le chancelier & Friquèt

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