ci-dessous ce qui sera dit sur l'article 18 du traité de Valogne. Avant cette requête se trouve une espéce de certificat d'un secrétaire du Roi, qui déclare qu'il a eu entre ses mains différentes pièces ; & entre ces pièces il y en a une dont le titre prouve qu'il y avoit aussi des articles fecrets dans le traité. Voici ce titre. Item, un escript contenant plusieurs choses que ledit roy de Navarie est tenuz faire au Roy, tant par la four. me dudit traittie, comme far certain octroy jecretement fait ans gens du Roy qui furent aufdiz traittiez. Il paroît que, dès le mois de mars précédent, il y avoit déjà eu quelques nouvelles brouilleries entre les deux rois; car le pape (1) [ Innocent VI] écrivit au roi de Navarre une lettre datée du 17 des kalendes d'avril [ 16 de mars], par laquelle il l'exhorte, avec les termes • mollissimis. les plus ménagés & les plus douxa, de se reconcilier avec le Roi. Il lui marque que, comme il y avoit eu lieu d'esperer que l'amitié qui avoit été entre le Roi & lui dureroit toûjours, il étoit faché qu'on pût même dire qu'elle eût éré légèrement alterée (2). Dans le mois d'août, le comte d'Harcourt & Louis fon frère, qui avoient toûjours été fort attachés au roi de Navarre, se (3) reconcilièrent avec le Roi. Ils devoient, à ce que l'on disoit, lui réveler bien des secrets, & particulièrement tout le traité de la mort du connestable. Peu de tems après Robert de Lorris, chambellan du Froissart, ubi Roi, s'absenta du royaume; b on disoit que, s'il n'eût fupra. pas pris ce parti, (4) il eust eu dommage du corps, parce que le Roi étoit dans une furieuse colère contre lui: mais la cause en étoit tenue si secrette, que peu de personnes (1) Peut-être le Pape ne sçavoit-il pas encore le traité de Mantes. (2) Annal. ecclés. de Raynaldus, t. 16, année 1354, n. 19. It cite Epist. Secret. p. 41. (3) Froiffart, ubi fupra, p. 178. Chronique de S. Denys, p. 165, voyez col. 1. (4) Chronique de S. Denys, ubi fupra, col. 2. la la scurent. Cependant on disoit qu'il avoit sçu la résolution qui avoit été prise de faire tuer le connétable, & qu'il avoit révélé plusieurs fecrets du Roi au Navarrois, & que c'étoit le comte d'Harcourt & fon frère qui avoient découvert au Roi sa trahifon. On pourroit ajoûter qu'il y a apparence que la connoissance que l'on donna au Roi des intelligences secrettes du Navarrois & de Lorris commença à lui rendre suspecte la conduite que celui-ci avoit tenue dans le traité de Mantes. Cependant Lorris revint à Paris au mois de janvier suivant avec un sauf-conduit du Roi. Il ne le vit néanmoins que quinze jours après son arrivée. Il ne put pas se juftifier pleinement de ce qu'on lui imputoit: il n'y a pas d'apparence non plus qu'il en ait été convaincu, puisque le Roi & fon conseil l'envoyèrent à Avignon pour se joindre aux ambassadeurs du Roi, qui y étoient pour traiter de la paix avec l'Angleterre ; & le Roi même l'employa dans une négociation avec le Navarrois, laquelle fut suivie du traité de Valogne. (1) Il est nécessaire de remarquer, pour l'intelligence de ce qui sera dit dans la suite, que, dans le mois de septembre, le cardinal de Boulogne, qui avoit été un an en France, quitta Paris pour aller à Avignon, & que l'on disoit communément qu'il n'étoit plus dans les bonnes graces du Roi, auprès duquel il avoit très-bien été pendant le séjour qu'il avoit fait en France. Il y a grande apparence que ce refroidissement venoit de ce que le Roi n'étoit pas content de la manière dont ce cardinal s'étoit conduit dans le traité de Mantes. Au mois de novembre de la même année, le roi de Navarre partit secrétement de la a Normandie, & alla à Ibid. Avignon. Le Roi fit saisir aussitót toutes les terres qui lui appartenoient; du moins celles dont on put s'emparer. Il paroît que le motif de la retraite subite du roi de G Navarre, fut les avis qu'il reçut de ceux du conseil du Roi qui étoient d'intelligence aveclui; que le Roi conservoit dans le fond de fon cœur le defir de venger la mort du connétable, & qu'il prenoit des mesures secrettes pour le faire arrêter. Peut-être aussi étoit-il mécontent du peu d'empressement qu'on avoit d'exécuter ce qu'on lui avoit promis par le traité de Mantes. On trouve, dans les deux interrogatoires de Friquet, de grands détails sur la retraite du roi de Navarre & fur les événemens dont elle fut suivie. Voici d'abord le précis de ce qu'il dit dans le premier interrogatoire. Le roi de Navarre fortit du royaume, parce qu'il sçut que le Roi assembloit des troupes à Rouen & ailleurs pour le prendre (1), car il y avoit plusieurs perfonnes du confeil du Roi qui lui faisoient sçavoir ce qui s'y passoit. Friquet ajoûte qu'il ne sçait pas quels étoient ces conseillers. Le roi de Navarre alla d'abord à Avignon, & de - là dans la Navarre. Friquet resta quelque tems dans la Normandie, & alla enfuite rejoindre son maître dans la Navarre. Il y trouva Semequin - Sennon, chambellan du duc de Lanclastre : au retour d'un petit voyage que fit ensuite Friquet, il apprit du roi de Navarre, de son chancelier, de meffire Gauthier de Lor & des autres chevaliers du confeil du roi de Navarre , que Sennon étoit retourné en Angleterre, & que le roi de Navarre y avoit envoyé avec lui Colin Doubleau porter une lettre au duc de Lanclaftre, par laquelle il lui mandoit qu'il se rendroit bientôt à Cherbourg avec des troupes; que là il feroit fommer le Roi de lui rendre ses châteaux & fes terres qu'on avoit saisis; que, s'il l'obtenoit, & qu'il pût faire un bon traité avec le Roi, il le serviroit avec ses troupes: mais que, si on ne vouloit pas lui rendre son bien, il le (1) [ Sur le dos de l'interrogatoire 1. Voyez ci-dessus. Y ما reprendroit par force. Le Navarrois s'embarqua en effet avec des troupes & vint à Cherbourg. Il y trouva Colin1.206 Doubleau, qui étoit revenu d'Angleterre avec une lettre du duc de Lanclastre pour le roi de Navarre. Le duc Doubleau affura le roi de Navarre que le roi d'An- On trouve encore à ce sujet, sur le verso du second interrogatoire, que le roi de Navarre, qui étoit sur mer, ayant appris que le roi d'Angleterre vouloit le venir trouver pour l'engager à faire un traité avec lui, tint un conseil dans lequel il fut décidé que le roi de Navarre fe retireroit vers les côtes, & que là, foûtenu de ses trou pes de terre, il combattroit le roi d'Angleterre, s'il s'approchoit, plutôt que de traiter avec lui au préjudice du Roi. On fent bien, par cet interrogatoire, que Friquet, qui ne pouvoit pas nier qu'il n'y eût eu des négociations en tre les rois d'Angleterre & de Navarre, vouloit du moins faire croire qu'il n'y avoit point eu de traité conclu. Les tourmens le forcerent, dans le troisième interrogatoire, d'avoüer la vérité & de dévoiler quelques intrigues secrettes. Suivant cet interrogatoire, le roi de Navarre fortit du royaume, lui huitième, & il alla à Avignon, où il logea chez le cardinal d'Arras, qui fut depuis nommé le cardinal (1) d'Ostie. [ Il étoit françois, du diocèse Les ambassadeurs de France étoient le duc de Bour She bon, le comte de Bologne, & [ Pierre (2) de la Forets), archevêque de Rouen & chancelier. Ceux d'Angleterre Le roi de Navarre attendit ceux-ci à Avignon, il y Le roi de Navarre alla d'Avignon dans son royaume • Presentement qu'aux ifles de a Vernifi. Le roi d'Angleterre se tint fur (1) Voyez hist. des cardin. franç. par Duchesne, p. 525, & Gall. Chrift. 1 ১ |