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Mais le Roi, ayant appris ce qui fe paffoit, envoya Caen le comte de Savoye & le connétable de Bourbon avee une armée confidérable pour s'oppofer aux deffeins du roi d'Angleterre, & en même tems il dépêcha le duc (1) d'Athènes, Gieuffroy de Charny & Etienne de Paris pour aller traiter de paix avec le roi de Navarre.

Le connétable de Bourbon fe joignit à eux, & ils furent trouver le Navarrois à Valogne où ils conclurent avec lui un traité par lequel on lui promit, entr'autres choses, 10000 écus d'argent comptant. Ils l'engagèrent d'aller avec eux au Val de Rueil à, où étoit le duc de Le Vaudreuil. Normandie (2) [fils aîné du Roi], qui l'emmena avec lui à Paris, où étoit le Roi. J'ai cru devoir rendre compte de fuite des faits contenus dans les interrogatoires de Friquet. Je paffe maintenant à ce qui fe trouve à ce fujet, dans les historiens & dans les autres monu

mens.

Mais, avant que d'entrer dans ce détail, il faut remarquer que le comte de Boulogne, plénipotentiaire du Roi à Avignon, étoit frère (3) du cardinal de Boulogne, que le Roi avoit difgracié par rapport au Navarrois, & qu'il y a grande apparence que le comte de Boulogne eut part aux intrigues fecrettes qui se nouèrent à Avignon entre le roi de Navarre, le cardinal de Boulogne & le duc de Lanclaftre; du moins il y a preuve que, peu de tems après, il prit ouvertement le parti du roi

de Navarre.

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On trouve auffi dans Raynaldus 5 que ce prince, étant ↳ Obi supraï à Avignon, protefta devant le Pape & devant les cardinaux qu'il feroit tous les efforts pour rentrer dans les bonnes graces du Roi.

Froiffart dit que le roi de Navarre partit fecrette- © Ubi fupra,p.178.

(1) Il fe nommoit Gauthier VI, comte de Brienne. Hift. G. de la maifon

de France, t. 6, p. 165.

(2) Il ne l'étoit pas encore dans ce tems-là, mais il l'étoit forfque Friquet

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ment de Normandie dans le mois de novembre, & s'en alla efbattre par plufieurs lieux jufqu'en Avignon & à Navarre (1).

Ce mot efbattre femble fignifier que le roi de Navarre féjourna dans différens endroits pour fe réjouir. Cela n'eft guère vraisemblable; & il y a bien plus d'apparence qu'il ne s'arrêta nulle part, & qu'il devoit en effet avoir beaucoup d'empreffement de fe trouver hors du

royaume.

Quoi qu'il en foit, dans le même mois de novembre, le Roi allà à Caen, fit faifir & mettre en fa main les terrès du roi de Navarre; il y établit des officiers en fon nom, & mit des garnifons dans les places fortes, excepté dans Evreux, le Pont-eau-de-mer, Cherbourg, GauAvranches & Mortagne. Il y avoit, dans ces places, des Navarrois qui répondirent à ceux que le Roi envoya pour s'en emparer, qu'ils ne les rendroient qu'au roi de Navarre, leur feigneur, qui les leur avoit donné én garde.

ray,

Le 26 de janvier [1353], le roi d'Angleterre donna à Henri, comte de Lanclaftre, des lettres de plein a Rymer, t. 5, pouvoir pour conclure en fon nom un traité a d'alliance avec le roi de Navarre. Ce fut apparemment en vertu de ce plein pouvoir que le duc de Lanclaftre négocia fecrettement à Avignon avec ce prince.

P. 777.

Dans le mois de février, le roi de Navarre envoya au Roi Gaucher de Lorme qui en obtint, jufqu'à la mi-avril, des lettres de fauf-conduit pour le roi de Navarre, qu'il alla retrouver dans le mois de mars fuivant: mais ce commencement de négociation n'eut point de fuite.

Ce Gaucher de Lorine eft apparemment le même que Gaultier de Lor, dont il eft parlé dans la dépofition de Friquet, & qui eft nommé dans le traité de Valogne : fon nom eft encore plus défiguré dans les chroniques de S. Denys, où il eft appellé Gaultier de Lorris.

(1) Voyez chronique de S. Denys, p. 165, vo, col. 2.

Il y a grande apparence que le Navarrois étoit encore à Avignon, lorfqu'il envoya (1) Gaultier de Lorau Roi: car il y a une lettre du Pape au Roi datée du .... 1354, par laquelle il le prie de recevoir favorablement Gaugerius, que le roi de Navarre lui envoye. Il lui repréfente enfuite que les divisions, toûjours dangereufes dans les maifons particulières & dans les royaumes, le font bien davantage dans fes états, dont la profpérité a excité l'envie & la jaloufie de fes voifins. Il le prie de modérer, par fa clémence & par fa douceur, fa colère & l'indignation qu'il a conçue contre le roi de Navarre, & de ne pas rejetter les voeux humbles & foûmis que ce prince lui fera présenter par Gaugerius.

Le Pape (2) engagea aufli les reines Jeanne & Blanche de travailler à cette réconciliation, & il y employa, de fon côté, l'évêque de Châlons.

Ayant envoyé, l'année fuivante, Jean évêque d'Elne, & Androinus abbé de Cluny, à la cour de France (3) pour quelques affaires; il les chargea en même tems de travailler à réconcilier les rois de France & de Navarre, & il écrivit plus d'une fois à ces deux princes, leur faire fentir combien ils avoient intérêt, l'un & l'autre, à fe réunir.

our

Vers Pâques 1305, le dauphin fut envoyé par le Roi en Normandie avec le titre de fon lieutenant, & il y demeura tout l'été.

Au mois d'août [1355], le roi de Navarre débarqua au château de Cherbourg avec 10000 hommes de troupes: il fe tint depuis fon arrivée plufieurs conférences entre fes députés & ceux du Roi; & ces deux princes s'envoyèrent même plufieurs fois l'un à l'autre des perfonnes de leur cour.

1) Annales Reynaldi, t. 16, an. 1354, no 19. Il cite Epift. Secret. t. 2, -P. 221. (2) Ibid. Il cite t. 2, epift. fecret. p. 210.

(3) Ibid. N° 26, il cite t. 3, epift, fecret. pp. 84, 85, 86, 101, 102, 110,

111.

a Vovez l'ace

gne.

Cependant les garnifons navarroifes, qui étoient dans le château d'Evreux & au Ponte-au-de-mer, pillcient les environs, & les troupes du roi de Navarre prirent le château de Conches qui lui appartenoit, & que le Roi avoir fait faifir. Elles firent plufieurs autres actes d'hostilité qui n'empêchèrent point le cours des négocia

tions.

Le roi de Navarre a avoit écrit au Roi pout le prier de du traité de Valo- lui envoyer des perfonnes de confiance, auxquelles il pût dire certaines chofes qu'il vouloit lui faire fçavoir. Le Roi lui envoya le duc d'Athènes, Geoffroy de Charny & Robert de Lorris. Leriqu'après avoir vû le Navarrois, ils revinrent trouver le Roi, ils emmenèrent avec eux Gaucher de Lor, & Robert Ceillatville, qui lui préfentèrent, de la part du roi de Navarre, une requête, par laquelle il demandoit qu'on lui envoyât un faufconduit pour venir trouver le Roi, & qu'on lui donnât fatisfaction fur des affiettes ou affignats de terre qu'on lui avoit promis fur des fommes d'argent qu'on lui devoit, & fur quelques autres points. Le Roi fit lire cette requête dans fon confeil, &, par des lettres datées du pénultième d'août 1355, il donna au comte de Ponthieu [Jacques de Bourbon, connétable de France ], & au duc d'Athènes, plein pouvoir de traiter & accorder avec le roi de Navarre fur tous les chefs contenus dans fa requête, & fur l'interprétation de quelques articles du traité de Mantes. Ils allèrent trouver le roi de Navarre à Valogne, & y conclurent avec lui un traité le 10 de septembre 1355.

Ce traité porte que, fur les demandes réciproques que fe faifoient les deux Rois par rapport aux conventions faites entr'eux ou entre leurs prédecesseurs, il a été conclu;

Que les villes & châteaux d'Evreux, de Pont-eau-demer, Cherbourg, Gauray, Mortaing, Avranches & Quarentan, qui avoient défobéi au Roi ou à fes officiers

[ ceux qui commandoient dans ces villes n'avoient pas voulu les rendre au Roi lorsqu'il fit faifir les terres du Navarrois] feront remises entre les mains du connétable qui y mettra un châtelain (1) & des troupes qui y demeureront avec celles du roi de Navarre jufqu'à ce qu'il ait fait au Roi les foumiffions convenables.

Que le roi de Navarre se présentera devant le Roi, & qu'il lui parlera en public avec toute obéissance, révérence & honneur, & qu'il le fuppliera de lui pardonner, à lui, à fes frères & à ceux qui fe font déclarés pour lui, & de lever la faifie qui a été faite de fes biens & de ceux de fes gens.

Que le Roi accordera au roi de Navarre & à fes frères un pardon général de tous leurs crimes, rebellions & défobéiffances, même des crimes de lèze-majefté contre la perfonne du Roi, le bien public & la couronne de France: : que le même pardon fera accordé à tous les adhérens du roi de Navarre (2); & le roi de Navarre s'engagea de donner au chancelier la lifte des autres avant la Chandeleur prochaine. Ala tête de ceux qui font nommés dans le traité, fe trouvent le comte de Namur, Jean & Godefroy de Boulogne. Ce Jean de Boulogne étoit celui qui étoit plénipotentiaire du Roi à Avignon, lorfque le Navarrois y étoit caché. J'ai déjà remarqué dès ce tems-là, fuivant toutes les apparences, il que, y avoit déjà entr'eux des intelligences fecrettes. Il paroît, par ce traité, que Jean de Boulogne fe déclara ouverte ment peu de tems après. On trouve enfuite, dans cette lifte, Godefroy de Harcourt: elle finit par ces mots re marquables dont j'ai déjà fait ufage ci-deffus: Et tous ceux qui furent de par le Roi au traité de Mantes, c'est affavoir le cardinal de Bouloigne, le duc de Bourbon, l'évêque de Laon, Geoffroy de Charny & Robert de Lorris. : On promit au roi de Navarre, qu'auffitôt qu'il auroit

(1) Cet endroit eft un de ceux qui ne s'entendent guère.
(2) Il y en a à peu-près foixante de nommés dans le traité.

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