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cour,

Le Navarrois & contre fon frère; auffitôt celui-ci envoy a dire à fes petits neveux de fe bien garder de venir trouver Le Roi, & de s'abfenter au plutôt. N'étant donc pas venu en le Roi foupçonna quelques-uns de fes confeillers d'avoir revele fon fecret, & les priva pour toûjours de fes bonnes graces. Le roi de Navarre & fon frère, pour fe mettre à couvert des embuches du Roi, firent un traité avec le voi d'Angleterre, à qui ils promirent toute forte d'affiftance. Edouard fe fiant là-deffus, vint quelque tems après avec une flotte confiderable, dans l'intention de fe rendre dans le comté d'Evreux, & dans l'efpérance de s'emparer du royaume de France par le fecours du roi de Navarre ; mais les grands du royaume forcèrent le roi Jean, malgré lui, de pardonner aux Navarrois, de leur rendre fon amitié, de leur reftituer leurs terres qu'on leur avoit faifies, avec les reftes de 100000 écus d'or; moyennant cela, le traité du roi a avec l'Angleterre n'eut point de fuite, & a de Navarre. La flotte d'Edouard s'en retourna fans avoir rien fait.

Je ne vois point de quel cóté le roi de Navarre ( 1 ) pouvoit être neveu du cardinal de Boulogne, mais ce n'eft pas la feule chofe que l'on pourroit relever dans ce paffage.

b Ubi fupra,

Ce que l'on trouve dans Knyghton b, fur le traité de Valogne, & fur ce qui le précéda & le fuivit, eft, à quel- P. 2608. ques légères circonftances près, très-conforme à la vérité. Voici le précis de ce qu'il en dit. A la tranflation de S. Thomas, Edouard paffa avec trente-huit grands vaiffeaux de Londres à Douvres. Le duc de Lanclaftre étoit avec lui, ils avoient 15000 hommes, 2609 d'armés & 2000 archers. Ils navigèrent vers les côtes de la Normandie, pour pouvoir s'aboucher avec le roi de Navarre, qui avoit promis au duc de Lanclaftre de fe trouver avec Edouard, & de prendre fon parti. Le roi de Navarre s'étoit retiré pour cet effet dans un de fes châteaux de Normandie, & le roi de France avoit tâché 41) Le roi de Navarre pouvoit être fon neveu, mais non les frères,

:

de le faire arrêter pour venger la mort de Charles d'Efpagne mais le roi Jean, ayant reconnu que le roi de Navarre avoit découvert fon deffein, il lui envoya la reine de France & plufieurs feigneurs pour s'excuser & pour lui promettre de ne jamais le poursuivre par rapport à la mort de Charles d'Efpagne, ni pour quelqu'autre félonnie qu'il eût commife, & de le laiffer jouir tranquillement & paisiblement de tous les biens qui lui appartenoient en France. Le roi de Navarre se laissa tromper par ces belles promeffes, comme on le verra dans la suite. Knyghton rapporte enfuite ce que j'ai cru devoir placer plus haut. A peine le traité de Valogne étoit-il conclu, continue t-il, que l'efprit inquiet & pervers du Navarrois lui fit tramer une nouvelle intrigue contre la propre perfonne du Roi, dans laquelle il trouva même le moyen d'engager le dauphin. Il étoit venu avec lui de Normandie à Paris, & ce fut apparemment pendant ce voyage qu'il s'infinua dans l'efprit de ce jeune prince, qui n'avoit pas encore 18 ans (1), & dont le caractère étoit naturellement doux & facile. Il l'indifpofa contre fon père, lui perfuada qu'il en étoit mortellement haï, & enfin le mena jufqu'au point de le déterminer à fortir fecrettement de France pour aller trouver l'empereur Charles IV, dont la foeur Jeanne de Luxembourg étoit a Ibid. p. 106. fa mère a, pour lui demander du fecours, afin de pouvoir s'emparer de la perfonne du Roi, de le faire enfermer & même de lui ôter la vie. Tous ceux qui étoient attachés au roi de Navarre, entrèrent dans ce complot, qui fut heureusement découvert lorfqu'il étoit fur le point d'éclater.

On ne trouve aucune trace de cet événement dans les autres hiftoriens anciens; & il n'eft connu que par ce paffage de Knyghton & par les interrogatoires de Friquet. On eut bien de la peine à lui arracher la vérité : il

(1) Il étoit né le 21 de janvier 1337. Hift. généalog. de la maison de France, t. I, p. 109.

la

la diffimula, le mieux qu'il put, dans le premier interrogatoire, & ne la découvrit entièrement que dans le

fecond.

Voici comment il s'expliqua dans le premier étant à Amiens, au retour de l'expédition que le Roi, à la tête de fon armée, fit vers la Flandres pour aller combattre le roi d'Angleterre, le duc de Normandie ( 1 ) le fit venir dans fa chambre avec Gaultier de Lor, & leur demanda s'ils vouloient lui faire un plaisir; ils répondirent qu'ils en feroient charmés, pourvû que ce ne fût point au préjudice des rois de France & de Navarre. Il leur dit que ce qu'il vouloit d'eux n'intéressoit en aucune façon ces princes; qu'il avoit formé le deffein d'aller voir l'empereur son oncle; qu'il souhaitoit d'avoir un cortège tel qu'il convenoit à une perfonne de fon rang, & qu'il les prioit de l'accompagner. Ils le lui promirent l'un & l'autre. Friquet étant retourné en Normandie M. le duc écrivit de Paris à M. de Navarre, qui étoit à Pacy, de le venir chercher. Le roi de Navarre partit auffitôt pour Mantes, & de-là envoya,la veille de la Conception de N. D. dernièrement paffée (2), environ vingt ou trente gens-d'armes à M. le duc, pour l'amener à Mantes, d'où les deux princes devoient partir, fuivant les mesures qui avoient été prifes, pour aller trouver l'empereur. Mais à peine ces hommes étoient-ils partis, que le roi de Navarre reçut des lettres de M. le duc, par lefquelles il lui mandoit de ne point venir le chercher, & de ne lui point envoyer de troupes, parce que le Roi l'avoit retenu. Le roi de Navarre fit partir auffitôt pour Paris Jean de Landas & Friquet. Ils trouvèrent à Saint Cloud les gens-d'armes du roi de Navarre, à qui ils firent reprendre la route de Mantes, & ils allèrent à Paris, où, le lendemain de très grand matin, ils virent M. le duc dans l'hôtel de Neelle ils lui dirent que

(1) Il ne l'étoit pas encore. Voyez ci-deffous, p. 66.
(2) Cet interrogatoire de Friquet eft du 5 de mai 1356.
Tome 1.

I

:

le roi de Navarre fe plaignoit vivement de lui, de ce qu'il l'expofcit, lui & fes amis, à encourir une feconde fois l'indignation du Roi, qui ne manqueroit pas de croire que c'étoit par fes confeils que ce voyage avoit été entrepris que cependant il n'avoit jamais eu dé mauvaises intentions dans cette affaire. Le duc lui répondit que le roi de Navarre, ni fes amis, ne devoient avoir aucune inquiétude, parce que le Roi lui avoit promis de ne point fçavoir mauvais gré à ceux qui devoient être de ce voyage, qu'il ne défapprouvoit pas en luimême, & auquel il donneroit volontiers, dans la fuite, fon confentement.

Le duc voulut engager Landas à refter à Paris, parce que, ce jour-là même, il devoit faire hommage au Roi du duché de Normandie [ & en effet on trouve dans (1) Froiffart que, la veille de la Conception [1355], le Roi donna le duché de Normandie à fon fils aîné, qui dui en fit hommage le lendemain ]. Landas ne voulut pas refter, & en prenant congé du duc, il le fupplia de faire la paix entre le Roi & le roi de Navarre, & tous ceux qui devoient être du voyage. Landas & Friquet revinrent auprès du roi de Navarre. Deux ou trois jours après, (2) Guillaume Marcel vint à Evreux, où étoit ce prince, & il y refta jufqu'à ce que M. le duc l'envoyât chercher fecrettement pour aller à Paris. Le lendemain qu'il fut parti, Jean Marcel arriva à Breteuil, où étoit le roi de Navarre, eut une conférence avec lui, & repartit fur le champ pour Paris, où lui & Guillaume Marcel furent cachés jufqu'à ce que M. le duc eût fait leur paix avec le Roi: il les mena enfuite en Normandie avec lui.

(1) Ubi fupra, p. 180. Voyez chr. de S. Denys, p. 166, vo, col z. Hl dit que l'hommage fe fit dans la maifon de Martin de Marle, chanoine de N. D.qui demeuroit dans le cloître.

(2) C'eft apparemment celui qui fut depuis prévôt des marchands de Paris, & duquel il fera fouvent parlé dans la fuite de ces mémoires.

1

Celui qui interrogeoit Friquet lui demanda comment il avoit ofé promettre au dauphin de l'accompagner dans ce voyage, & s'il fçavoit qu'il avoit commis en cela un crime qui pouvoit avoir des fuites funeftes pour lui ( ce qu'on lui fit fentir par l'exemple d'un fait qui regarde un roi de Chypre (1), & que je n'ai pas cru devoir expliquer ici (2) ] & on lui dit qu'il ne fe fauvoit pas bien de tout ceci; il répondit qu'il ne fe pouvoit autrement fauver, puifqu'il n'y avoit point de fauvement.

Friquet rend enfuite compte de deux faits, fur lefquels on l'avoit interrogé. Je vais copier fa réponse, parce qu'il n'y a pas un mot à retrancher; & par la même raifon j'en userai de même à l'égard de ce qu'il dit dans fon fecond interrogatoire au fujet du projet du voyage du dauphin vers l'empereur.

il ne

De la prife de monfieur de Eu, & des autres que l'on
difoit qui devoient être pris en faisant ledit voyage,
fcet riens; mais bien avoit oy dire que ledit conte de Eu
n'étoit pas bien en la bonne grace & amour de M. le duc.
Quant eft des confpiracions & mauvaiftez parlees en
Normandie contre le Roy derrenièrement, &c. dift que il
n'en fceft riens; mais bien avoit oy dire plufieurs foiz au
comte de Harecourt ces paroles: Par le Sanc - Dieu, le
Sanc - Dieu, ceft roys eft un mauvais homme, & n'est
pas bon roys, & vraiement je me garderai de luy.

(1) Requis comme il avoit ofé accorder à faire ledit voyage, comme il fceuft ou
euft oy dire que le roy de Chypre avoit fait en cas femblable, qui fu tele que plu-
fieurs chevaliers du royaume de Chypre d'ailleurs, entre lefquels étoit feu
melfire.... Cholet, miftrent en propos en volonté au fils ainfné dudit roy de
Chypre, de venir en France pour les biens & grands honneurs qui li donnèrent à
entendre qui étoient au pays de France, lequel fils ainfné enclin à ce, & lesdits
chevaliers avecque li partirent du royaume de Chypre pour y venir; & quand le
roy fçot que ils eurent ainfi mené son fils hors de fon royaume fans fon congié, do-
lani & courroucé de ce, envoya tantoft après eulx, & furent pris & ramenés
devers le roy, lequel fit, pour ce feulement, trancher les têtes à tous lesdits cheva-
liers qu'il pot trouver, & fu dit audit Friquet que de ce ne fe fauvoir pas bien;
lequel lors il répondi que il ne se pouvoit autrement (auver, puisqu'il n'y avois
point de fauvement.

(2) Voyez ce fait à la page 58 des preuves.

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