Imágenes de páginas
PDF
EPUB

2

teres effentiels qui les diftinguent, il y en a trois principaux. La flatérie vous fait des vertus de vos défauts; 'elle vante fouvent en vous des qualités qui n'y font pas, elle éleve trop celles qui y font.

Dela vient que le flateur vous prefentant jamais à vous-même tel que vous êtes, vous vous ignorez toujours. Vous croyez augmenter vos vertus, vous étendez vos vices 3 plus d'efforts pour acquerir les qualités qui vous manquent pendant qu'on vous perfuade que vous les poffedez; plus d'émulation pour monter à un plus haut degré de gloire, pendant que vous vous croyez arrivé au comble.

A cette erreur fuccede de près un dégoût univerfel de la verité. On ne vous la montre

[ocr errors]

plus qu'inutilement. Accoûtu. mé à regler vos idées fur celles qu'un flateur vous a données de vous quiconque ofe vous contredire, ou vous blâmer, est votre ennemi : c'eft un homme injufte, ou du moins aveugle, qui ne fçait pas connoître ce que vous valez.

Ainfi pour une fauffe gloire, dont un flateur vous repaît il vous livre à une véritable in. famie; il applaudit à vos ver tus, & dans fon cœur il rit de votre foibleffe ; vous vous admirez, & tout le monde vous méprise.

Le plus cruel effet de ce poi fon, c'eft que les maux qu'il fait font ordinairement incurables. Il n'y auroit de remede que dans la fincerité les perfonnes que les flateurs ont une fois empoisonnées, la

[ocr errors]

&

[ocr errors]

déteftent. Le véritable ami loin de vous féduire par de femblables illufions, mettra toute fon attention à vous en preferver s'il vous y voit expofé. Devant lui on ne vous flatera point impunément, il fera le premier à découvrir les artifices du flateur; il en fera fentir la fauffeté mépriser la baffeffe, craindre les pieges. Les loüanges du Aateur ne feront utiles qu'à celui qui les donne ; les louanges de l'ami ne feront utiles qu'à celui qui les reçoit; elles feront toujours fondées fur la verité, jamais outrées, fouvent accompagnées de correctif, quelquefois mêlées de cenfures.

Auffi un homme sage, foit que fon ami le loue, soit qu'il le blâme, ne fortira jamais des bornes d'une jufte moderation.

, que

Les reproches qui lui feront faits, ne l'aigriront que contre lui-même, les louanges qui lui feront données, ne l'éleveront qu'au-deffus de lui. Il regardera le reproche comme une dette que l'amitié lui paye, la loüange comme une grace qu'elle lui pouvoit juftement refuser. Il fçaura fe dire, les amis qui le loüent, font affez re compenfez par le plaifir qu'ils y prennent; mais qu'il en coû te tant à ceux qui le blâment qu'il ne peut leur en marquer une reconnoiffance affez tendre. Si leur cenfure fait fur lui quelqu'impreffion involontaire de chagrin, il aura grand foin de la cacher. Il craindra bien moins l'amertume d'un avis falutaire, que le malheur de dégoûter ceux dont il peut le recevoir. Soit qu'il excufe

[ocr errors]

fa faute, foit qu'il l'avoue, il mêlera plus de naïveté que dechaleur dans fes difcours. Enfin fa maniere d'écouter ce qu'on lui dit, fon attention à en profiter, changeront bientốt les reproches en éloges; & engageront fes amis à être encore plus empreffez & plus hardis à le fervir.

Mais cette hardieffe fera toujours reglée par la difcretion. Plus l'ami fera fincere dans fes avis, plus il fera circonfpect, fur le choix du tems & du lieu où il les placera. On peut louer fon ami devant tout le monde, c'est un bon zele; mais la prudence ne permet pas de le reprendre jamais qu'en fecret.

Les avis que l'on donne en public, ne peuvent avoir qu'un mauvais effet. Ils irritent celui qui les reçoit. Le dépit lui

« AnteriorContinuar »